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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

"Renard : Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé..."

~ Antoine de Saint-Exupéry

Le lendemain matin, le réveil fut plus difficile que les précédents. C'est en tout cas l'impression que lui donnait chaque nouveau réveil quand son travail à la taverne faisait parti de la suite logique de sa journée. Mais la nuit qu'elle venait de passer n'y était certainement pas pour rien.

Elle coiffa ses cheveux roux en une natte qu'elle fit retomber sur son épaule. Habituel, efficace, pratique.

Le chemisier de la veille fut mis à tremper dans le lavabo même si elle n'en espérait pas vraiment un miracle, une rapide toilette, puis les bandages furent refaits. Elle avait jusqu'à neuf heures pour se rendre au marché noir et en revenir. Après, elle devrait se mettre en route pour la taverne, alors autant ne pas traîner pour une apparence dont elle se fichait.

Elle enfila ses bottes, sa veste, récupéra sa sacoche, et partit pour ce commerce peu conventionnel.

On y trouvait de tout. La majorité des objets s'y trouvant avaient été : soit volés, soit trouvés. Mais généralement, derrière la mention "trouvé" se cachait celle d'un vol, mais là-bas, les gens étaient peu regardant sur l'origine de la marchandise, du moment qu'elle n'était pas à des prix excessifs.

Ce qui intéressait Caly, c'étaient les vivres. Les aliments de base, qu'ils soient déshydratés ou non, étaient ceux qui partaient le plus vite et elle espérait, en arrivant tôt, en trouver encore à son arrivée.

Il devait être cinq heures quand elle passa la porte de son appartement. L'étoile qui éclairait la planète ne devait pas encore s'être pointée à l'horizon.

La surface lui manquait. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'y remonter, ne serait-ce que quelques minutes, le temps de contempler le lever du soleil, et de redescendre. Mais elle n'avait pas le temps. Du moins, elle ne l'avait plus.

C'est drôle comme un simple mot peut changer toute la signification d'une phrase...

Elle soupira et accéléra le rythme de sa marche : plus tôt elle arriverait, plus tôt elle rentrerait pour préparer le repas de midi et partir travailler.

De nombreuses tables étaient installées dans une cavité qu'on pourrait presque penser ronde, si toutes les irrégularités de la roche ne criaient pas à l'imposture à la pensée de cette idée.

Beaucoup d'entre elles comportaient des objets de plus ou moins grande valeur, mais d'utilité égale ce qui rendait leur achat inutile.

Au bout de quelques minutes, elle trouva enfin une étale qui proposait ce qu'elle recherchait : celle de Swan, une habituée du lieu. Ses articles étaient majoritairement des soupes déshydratées et du riz, mais ce serait largement suffisant pour composer un repas.

- Bonjour ! Qu'as-tu à me proposer pour ça ?

La femme, qui semblait être dans la quarantaine, examina le faible salaire que la jeune fille venait de poser sur le drap qui recouvrait le stand.

- Je constate qu'il a encore trouvé un moyen de t'payer moins. Je peux t'proposer un sachet d'soupe et cent grammes de riz.

- Cela me convient, je suis consciente de ne pas avoir beaucoup à te proposer en échange.

- Comment va ton frère ? Ca fait un moment qu'on n'l'a pas vu courir entre nos étales.

- Ce n'est pas pire, mais ce n'est pas mieux non plus.

- J'espère qu'il s'remettra vite. Voilà tes paquets, ne les perd pas en route et ne t'éternise pas en chemin, on n'sait jamais c'qui peut traîner dans ces foutues galeries.

- C'est promis, merci ! À demain, Swan.

- À d'main, gamine. Prends soin d'toi.

Caly lui sourit pour la rassurer avant de repartir à la hâte en direction du tunnel 374, soit celui menant chez elle.

À huit heures, elle était rentrée et déballait les maigres provisions qu'elle avait pu se procurer. Apparemment, Swan avait rajouté un sachet de soupe au paquet. Certainement pour Khalan. Ce n'était pas la première fois que la femme offrait quelque chose à l'intention de son frère, juste qu'elle ne le mentionne plus forcément à présent. Celui-ci l'aidait quand il en avait la possibilité. Aussi, Caly le mit de côté pour lui.

Elle remplissait une casserole d'eau quand son frère fit irruption dans la salle à vivre.

- Pourquoi tu ne m'emmènes plus avec toi quand tu pars au marché ?

- Parce qu'il faut que tu te reposes.

Après avoir mis le riz à cuire, elle ramena le petit garçon dans la chambre commune pour le recoucher. Sa toux et sa température n'avaient pas diminué et appeler un médecin était bien en-dehors de leurs moyens.

- Mais je me repose déjà tout le temps...

- Ce n'est pas une excuse. Il faut rester couché et boire beaucoup pour guérir.

- Comme papa ?

- Non, c'est... différent... c'est de l'eau qu'il te faut, rien d'autre. D'accord ?

- D'accord !

- Je t'apporte une nouvelle bouteille tout de suite.

Il hocha la tête et attendit sagement le retour de sa soeur qui posa la bouteille près de sa tête.

- Pense à te redresser quand tu veux boire, les lits inondés n'ont jamais aidé à guérir.

- Promis !

Même s'il s'efforçait de montrer de l'entrain à accepter ce que Caly disait, la maladie le rattrapa dans une nouvelle quinte de toux plus violente que les précédentes qui inquiéta fortement sa soeur.

- Je vais préparer le repas, tu restes sage en attendant ? Je ne mettrai pas longtemps.

Elle attendit une quelconque réponse positive de sa part avant de retourner cuisiner le repas pour pouvoir partir travailler sereine. Ou presque. Son état de santé la préoccupait au plus haut point.

Le riz n'avait pas terminé de cuire quand elle revint près des plaques de cuisson, donc elle remplit une nouvelle casserole pour s'occuper cette fois de la soupe qui l'accompagnera. Il ne lui fallu pas longtemps pour terminer cette tâche, ce qui lui permit de préparer plus rapidement le bol de son frère en le recouvrant d'une assiette pour qu'il puisse avoir un plat chaud à son réveil. Elle le posa près de sa bouteille avec une cuillère, déposa un linge sur son front, puis partit travailler en pensant à récupérer sa sacoche qu'elle avait laissée près de la porte.

Les fins de matinées étaient relativement calmes à la taverne. Quelques personnes venaient parfois y prendre un petit-déjeûné ou un repas, mais ces gens faisaient parti des cas isolés de la clientèle globale du lieu.

La courte pause de midi arriva rapidement, ce qui lui permit de gagner la cuisine pour prendre le maigre repas que Raus mettait à leur disposition : un pain aux herbes ou un bol de riz, ça dépendait de ce qu'il restait de la veille. Mais rien n'était fait au hasard, ça lui permettait également de moins les payer, elle et Klaynt, sans perdre inutilement de la marchandise.

- Ton trajet retour s'est bien passé ?

- Pourquoi se serait-il mal passé ?

- Pour de multiples raisons.

- Tout s'est bien passé, comme d'habitude.

- Tu sembles... ''ailleurs'', ces derniers temps.

- Ce n'est rien. Si tout se passe bien, ça devrait bientôt s'arranger.

- Si tout se passe bien ?

- Si tout se passe bien. Mais je reste optimiste à cette idée.

- C'est à quel sujet ?

Elle ne prit pas la peine de répondre, jugeant sa question intrusive et peu adaptée au contexte actuel : ils ne se connaissaient que depuis six semaines, Khalan était un étranger pour lui, et elle n'avait nulle envie d'aborder ses problèmes de santé avec lui. Même si elle lui faisait confiance, elle le considérait uniquement comme un collègue, et non comme un ami, même s'il considérait l'amitié qu'il lui portait comme réciproque.

Ce ne sera certainement jamais le cas.

Aimer ou apprécier quelqu'un était un concept dangereux pour elle. Cela donnait la possibilité à cette personne de la décevoir, ou pire, de la détruire, que ce soit fait volontairement ou non.

Et en aucun cas elle ne voulait que cela soit possible.

- Tout savoir n'est pas obligatoirement bénéfique. Il y a de nombreuses choses que j'aurais préféré ignorer.

- Désolé.

Elle secoua légèrement la tête pour lui signifier que ce n'était rien de grave puis termina son maigre repas pour reprendre son poste.

Le reste de la journée se répéta, à quelques détails près, de la même façon que la veille. Seule la raison des violences changea. Cette fois-ci, il prétexta une lenteur qui était pourtant inexistante.

Mais il n'avait rien prélevé sur son salaire.

Pour une fois.

La journée achevée, elle récupéra sacoche et salaire avant de prendre la route en direction de son logement. Ce soir-là, ils avaient terminé plus tôt que prévu et ce n'était pas pour lui déplaire.

Elle enjamba le poivrot qui venait de se faire virer de la taverne et ne perdit pas davantage de temps, accélérant le pas pour arriver plus tôt chez elle, mais sans commettre les mêmes erreurs que la veille et en changeant d'itinéraire, comme chaque jour.

Le bruit d'une clé dans une serrure.

Celui d'une porte grinçante.

Une paire de bottes et une sacoche jetées dans un coin.

Quelques pas sur des tôles.

Elle était enfin chez elle. Son premier réflexe fut d'aller voir son frère. Son état ne s'était pas amélioré, au contraire. Mais au moins, son bol et sa bouteille étaient vides même s'il ne dormait pas encore.

Elle ramassa la vaisselle et alla la mettre dans l'évier, comptant s'en occuper le lendemain matin, puis revint s'asseoir auprès de Khalan pour prendre soin de lui cette nuit encore.

Une nuit qui fut bien plus longue que les précédentes.

Ce fut la dernière.


Texte publié par Adrielle, 21 février 2018 à 21h57
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