La plupart du temps, je suis là avec mon sourire béant et mes attitudes naïves. Je vous regarde comme si vous aviez inventé l'eau chaude et ne lésine pas sur les compliments : « C'est votre mari qui a de la chance ! », « Vous êtes vraiment remarquable ! » ...

Mais si je fais la lèche-bottes, ce n'est pas ma faute : je suis un(e) cache misère.

Je cache ma misère devant vous. Chaque matin, je répète mon rôle : face à la vitre d'une fenêtre, devant un bout de miroir, sur le reflet d'un rétroviseur... Je répète inlassablement mes répliques, vérifie ma gestuelle et mon allure et créé de nouvelles phrases pour mieux paraître “ Humain(e) ”.

Sans le savoir vous côtoyez un trompe l'œil : il vous présente quelque chose mais ce n'est pas la vérité. Je vous vois tous, transpirant et même puant de bonheur, vos billets débordants de vos proches déjà pleines à craquer et vos attitudes d'éternels insatisfaits.

Moi je vis dans la misère, la VRAIE misère : je compte jusqu'au plus petits centimes pour me nourrir, je fais la manche les jours de fête et parfois je passe mes nuits dehors sans rien d'autres qu'une vieille couverture trouée et des lambeaux de vêtements contre le froid.

Je suis pourtant là, devant vous à scanner vos articles, vous demandant si vous préférez payer par carte bancaire, chèque ou espèces. Je vous écoute vous plaindre de ce que je n'ai jamais eu : des vacances trop courtes, un mari absent etc.

Je vous écoute mais jamais je ne parle de moi. Après tout, qui veut bien écouter une personne comme moi ?

Car oui je suis un cache misère mais jamais vous ne saurez ce que je vis chaque jour : Vous êtes né(e) pour la plupart avec une cuillère en argent dans la bouche et moi de la merde dans les mains.