Le temps n'avait semble-t'il pas eu d'emprise sur cette ancienne demeure, située en plein cœur du dix-neuvième arrondissement de Paris. Thorkel devait tout d'abord franchir un imposant portail en fer forgé. Dans son souvenir, pour avertir de sa présence, une petite cloche à cet effet était dissimilée dans les feuillages sur le mur en pierre à gauche du portail. Après avoir tâtonné quelques secondes, il trouva cette sonnette vintage et la fit tinter. Quelques minutes plus tard, une voix familière résonna dans l'esprit du vampire qu'il était invité à entrer.
Théobald l'accueillait dans la pièce principale avec son éternel sourire. Il portait un costume trois pièces bleu roi très élégant et très British. Un peu plus petit que son hôte, il dénotait tout de même par sa prestance et son savoir vivre. Il faut dire qu'il avait été à bonne école. Il avait grandi parmi les aristocrates autrichiens du seizième siècle.
— Bonjour mon cher Thorkel, comment te portes-tu ?
— Ça va plutôt bien.
— Si tu es enfin sorti de tes bois, c'est que tu vas mieux.
— J'avais besoin de m'isoler.
— Je sais.
Théobald voyant que son ami ne voulait pas s'étendre sur le sujet lui proposa une petite visite. Le salon dans lequel il se trouvait était plutôt contemporain. Rien d'ostentatoire ne semblait trahir l'âge du propriétaire. Quelques vieux tableaux par-ci par-là, une belle table de salon en bois de chêne. C'était un savant mélange de modernisme et de meubles « d'époque ». Un grand écran de télévision était même encastré dans un des murs. Théobald avait fait aménager une nouvelle pièce adjacente à celle-ci fermée à clef par une porte, qu'il appelait « son petit trésor ». En effet, Thorkel, n'avait jamais rien vu de tel chez un particulier. Cette pièce regroupait les artefacts qui avaient traversé la vie de Théobald. Des souvenirs en tout genre comme de belles toilettes de la cour autrichienne, une multitudes de chapeaux. Il faut dire que son ami était féru de mode vestimentaire. Des choses plus singulières comme des armes qu'il avait pu manier à une époque ou une autre. Beaucoup de pentures d'artistes qui lui en avaient fait cadeau. Des souvenirs plus précieux comme une collection impressionnante de bijoux.
— Tu n'as pas peur des vols ?
— J'ai dû investir dans un bon système d'alarme.
Cette pièce représentait en effet toute l'ambiguïté de Théobald. Il ne pouvait laisser son passé derrière lui. Tous ces objets le rassuraient. Lorsqu'il se retrouvait en leur présence, il avait pour preuve que les personnes qu'il avait côtoyé, les époques qu'il avait traversé, avaient réellement existé. Et pourtant, il ne rechignait pas au confort qu'offrait ce monde moderne, à l'exemple de la belle télévision dans le salon. Alors que Théobald n'était pas ainsi. Il vivait essentiellement dans le présent. Sans doute cela venait-il de son passé de guerrier, le présent était précieux lorsqu'on pouvait lui ôter la vie à n'importe quel moment. Et puis, il était certainement moins matérialiste que son ami.
— Le reste de la maison n'a pas vraiment changé depuis ta dernière visite. Alors si tu me le permets, je vais me retirer à l'étage dans mon bureau pour régler quelques affaires en cours. J'en ai pour une demi-heure au maximum. Je t'en prie. Fais comme chez toi.
Ainsi, Théobald suivit les conseils de son ami et prit l'air dans le jardin. Celui-ci comportait des variétés de fleurs qu'il ne reconnaissait pas depuis sa dernière visite. C'était sans nul doute son ami qui les avaient planté lui même. Il était vraiment étonnant ! Il avait une multitude de passions qui faisait de sa vie une perpétuelle satisfaction : L'art, le jardinage, la mode. En comparaison, Thorkel se semblait bien terne. Tandis que son ami vivait, lui survivait.
A peine une vingtaine de minutes s'étaient écoulées lorsque Théobald apparut sur le seuil de la porte d'entrée.
— Es-tu prêt pour une escapade ? J'ai grand soif !
Dans la voiture de son comparse, une vieille Mercedes,Thorkel l'avait écouté lui raconter les détails de leur virée nocturne. En effet, le conducteur avait pris l'habitude d'aller dans la périphérie de Paris à la recherche de quartiers populaires,afin de faire la tournée des bars. Ces endroits selon lui, étaient une terre d'accueil pour les vampires. Il suffisait de se garer à proximité d'un ces « bars de quartiers ». Attendre aux alentours de vingt-trois heure trente, parfois moins tard, pour cueillir les clients ivres sur la chaussée. Ce n'était pas très sport, mais Théobald ne chassait pas pour le jeu, juste pour la soif !
Ainsi les deux amis attendaient dans la voiture tout en discutant. Aux alentours de minuit, Thorkel pu apercevoir dans son rétroviseur un homme titubant venant dans leur direction. L'homme dépassa la voiture et tourna quelques mètres plus loin dans une ruelle. Théobald, grand seigneur, déclara :
— A toi l'honneur !
Dans la ruelle sombre, l'écho de paroles incohérentes venaient au oreilles de Thorkel. L'homme d'une cinquantaine d'années semblait à point. Le vampire fonça sur lui et le plaqua au mur. Sa victime sidérée par la peur, se laissa faire. Le sang avait un arrière goût de whisky... Théobald laissa le pauvre homme vivant, allongé dans son urine. Il avait eu très peur !
Les deux chasseurs changeaient de coin à chaque victime pour ne pas éveiller les soupçons. Quand ce fut au tour de Théobald d'étancher sa soif, la victime était un jeune homme de vingt-cinq ans, qui semblait t-il s'était vengé sur l'alcool après avoir essuyé un râteau. Ainsi, chacun son tour, il s'abreuvaient aux misérables du soir.
Théobald se disait avoir le palais irrité à force de boire le sang de ces couches populaires. Il voulait terminé en beauté, en s'abreuvant aux privilégiés. Ainsi, ils quittaient la banlieue pour Paris-même, dans le onzième arrondissement. Un quartier qu'affectionnait Théobald, pour son côté « vivant ». Alors que la voiture roulait au ralenti pour trouver une place, les passagers furent alertés par des cris d'une femme en détresse. Thorkel se tourna vers son ami. Celui-ci se sentant observé, gara la voiture sur le trottoir.
— J'évite de me mêler des affaires humaines. Je pense que tu t'en sortiras très bien tout seul.
— Thorkel descendit de la voiture et tendit l'oreille. Les cris semblaient venir d'une ruelle deux cent mètres plus bas. Il s'élança donc vers l'origine du bruit. Lorsqu'il arriva à la hauteur de la ruelle, il put apercevoir deux hommes au fond encerclant une jeune femme couchée par terre. Elle semblait terrorisée. Le vampire se rapprocha doucement d'eux. Maintenant, l'un des hommes tenait fermement la jeune femme tandis que l'autre enlevait son pantalon. Le vampire ne pouvant tolérer cette scène plus longtemps, décida d'intervenir. Il s'en prit d'abord à celui qui maintenait au sol la pauvre âme. L'attrapa par les cheveux, le tira en arrière, ce qui le fit pousser un cri tel un poulet qu'on égorge et le fit décrocher de la jeune femme.
— Fils de pute !
Thorkel immobilisa sa tête de ses bras puissants, tout en lui faisant un étranglement arrière. Les cris étouffés de l'homme lui parvenaient aux oreilles. Ses pieds bougeaient avec frénésie, jusqu'à ce que, au bout d'une trentaine de secondes, plus aucun tressaillements de son corps ne soient perçus . Le vampire lâcha l'homme et lança un regard noir à l'autre assaillant. Celui-ci stupéfait par l'intervention fulgurante de Thorkelavait toujours son pantalon sur les chevilles. Il reprit soudain ses esprits et après avoir remonté son froc, sorti un couteau d'une de ses poches. Il cria de toutes ses forces, apparemment contrarié d'avoir vu son acolyte mourir devant ses yeux. Il courut d'une manière désespérée vers le vampire en faisant de petits cercles avec son couteau. Lorsqu'il voulut abattre sa lame sur Thorkel, celui-ci, se servant de l'élan de l'agresseur, lui attrapa la main armée, la tirant vers lui, en lui faisant subir une torsion. Ce qui eu pour effet, de lui faire lâcher le couteau.
« Je vais te donner ce que tu mérites. » Dit d'une voix posée le vampire.
Il le souleva du sol, le portant à bout de bras sans effort apparent. Et d'un coup, l'abaissa violemment sur son genou replié. Un grand « crac » retentit. C'était la colonne vertébrale de l'agresseur qui s'était cassé net !. L'homme pourtant, était toujours vivant. Il marmonnait dans sa souffrance ce qui semblait être des insultes à l'égard du vampire. Celui-ci lui asséna cette dernière parole :
— Je te laisse vivant. Mais dans ton état actuel, tu ne pourras plus jamais faire de mal à quiconque.
Assez satisfait de lui, Thorkel porta son attention sur la victime. Elle était restée là, médusée. Lorsqu'elle croisa le regard de « son sauveur », elle s'évanouit. Sans doute le choc psychologique, se dit le vampire. Il s'approcha de son corps étendu sur le bitume. Dans le feu de l'action, il n'avait pas fait attention à son apparence physique. La jeune femme devait avoir dans les vingt-cinq ans. Elle portait une chevelure d'une blondeur naturelle, lui arrivant jusqu'à sa poitrine. Ses yeux lui restaient inaccessibles du fait qu'il étaient fermés. Un nez retroussé et des lèvres légèrement recouvertes par un maquillage rose-bonbon. Sa peau était lisse et semblait douce.
Le vampire ne pouvait la laisser ainsi, seule, évanouie dans une ruelle au cœur de la nuit. Il s'agenouilla, glissa son bras droit sous sa nuque et son bras gauche sous les plis de ses genoux. Il la souleva délicatement de terre et l'emmena à la voiture de Théobald.
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