Depuis qu’il était né, c’était la place qu’il avait choisie, à l’abri sous cette planche ajourée qui sentait bon la résine quand le soleil de l’après-midi la réchauffait, mais qui le protégeait de son ombre pendant les plus fortes chaleurs. Lorsqu’il ne jouait pas sa propre musique, comme un violoniste qui aurait toujours emporté avec lui son instrument, il se plaisait à écouter celle des autres : des criquets dans les herbes et des cigales en haut des arbres. Dans l’ombre de cette maison improvisée, il échappait aux oiseaux trop gourmands. Parfois de grandes créatures venaient s’asseoir sur son logis ; plaqué contre les montants en volute, il évitait leurs pieds maladroits. Certains s’arrêtaient de jacasser pour entendre sa rengaine. Il arrivait que les plus petits d’entre eux essayent de l’attraper, mais il se réfugiait dans une crevasse du bois où personne ne pouvait l’atteindre. À leur départ, ils laissaient bien souvent de délicieux reliefs.
Mais au fil des mois, l’air commença à se faire plus frais ; l’herbe se flétrit et le sol se couvrit de feuilles jaunes et rouges. Les géants se firent plus rares, les oiseaux plus avides et, bien des fois, il dut passer des jours entiers recroquevillés dans sa cachette, ne sortant que pour grignoter quelques restes. La faim et le froid le transformeraient tôt ou tard en une carcasse desséchée oubliée dans sa crevasse. La nuit où son logis se couvrit d’une épaisse couche blanche, il risqua une antenne dehors : tout disparaissait sous cette blancheur scintillante : le sol, les arbres, les buissons… L’air était si glacé que ses pattes furent immédiatement engourdies ; il tenta de regagner son abri, mais saisi par le froid, il s’en trouva incapable.
C’est alors qu’il vit passer juste à côté de lui une lourde silhouette dans un grand manteau rouge, traînant un gros sac ; le géant s’assit dans la lueur des réverbères, en grommelant dans sa barbe – qu’il avait aussi longue et blanche que la neige sur le parc. Il tira de sa poche une boîte de bois vernis et l’ouvrit, la secoua, la tapota du doigt, puis tourna la petite clef sur le côté. Aussitôt, une mélodie retentit, qui ne ressemblait ni aux criquets, ni aux cigales, ni à son propre violon. C’était comme si des gouttes de rosée tombaient les unes après les autres. Mais quelque chose semblait s’être brisé dans cet instrument : la chanson détonnait et prenait des accents inquiétants.
« Jamais je ne pourrais offrir cette boîte à musique à la petite fille à qui je devais l’apporter, se lamenta l’individu sur le banc. Le mécanisme est faussé… et elle pourrait lui faire peur au lieu de la rassurer… »
Bien sûr, tout ceci n’était qu’un bruit à ses oreilles, un peu effrayant, mais tout ce qu’il savait, c’était que la musique n’était pas juste et qu’il devait la rectifier. Alors, dans son minuscule corps givré, s’éleva une volonté inattendue… Il joua de son violon, pour la dernière fois, deux mesures seulement… mais ce fut suffisant pour attirer l’attention du géant en rouge. Il s’avança et se pencha pour le prendre au creux de sa main.
« Ça alors… un petit musicien ! Mon pauvre ami, tu vas te retrouver changé en glaçon ! Mais… j’ai une idée ! »
Il ôta le mécanisme de la boîte à musique et déposa à la place le grillon sur le velours rose, sous le couvercle qui sentait comme le vieux banc pendant les jours d’été. Sur le dessus du coffret, il laissa un mot :
« Voici une boîte qui contient un petit musicien… Prière d’en prendre soin !
Signé : Le Père Noël. »
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