L'elfe retira son vêtement, laissant le soleil caresser sa peau. Il s'étira, puis se laissa glisser dans la source chaude. L'eau piqua au contact de la blessure sur son épaule. Il laissa ses muscles se détendre au contact de la chaleur, puis massa son épaule blessée. Tournant la tête pour voir l'état de la plaie, il grimaça. Le tigre ne l'avais pas loupé cette fois.

Cette évocation de tigre lui rappela de mauvais souvenirs, ceux du jour où son pouvoir avait éclot, ceux du jour où il avait été bannis de son peuple. Chaque jeune homme devait passer un rite d'initiation qui déterminait quelles étaient les capacités qui seraient les plus utiles au peuple dans son ensemble. La première étape, supervisée par un maître, était la chasse. Comme chacun des cinq autres jeunes elfes qui passaient cette année là la première épreuve, il avait 15 ans, il était fier, et il voulait prouver qu'il était le meilleur. Chaque jeune avait suivit son tuteur dans la forêt, puis avait commencé l'épreuve, à son propre rythme : le but était simple, il fallait ramener une proie pour le Clan.

Chaque sens tendu au maximum, l'Elfe avançait avec prudence et silence. Puis, un mouvement sur sa droite l'avait fait se tourner. La panthère avait bondit, et son seul réflexe avait été de lever les bras, au même moment, une flamme bleue était sortie de ses mains, carbonisant le prédateur.

Alors, tout s'était enchainé.

Son tuteur l'avait giflé, puis ramené à la ville. Il avait été conduit devant le grand Conseil. L'elfe ne savait pas ce qui avait déclenché cette flamme, ni pourquoi il possédait ce pouvoir. Mais, le conseil fut intransigeant : la flamme bleue était synonyme de grands désastres pour ce peuple, chaque fois qu'un membre avait possédé ce don, il avait apporté beaucoup de malheurs : épidémies, famines, tyrannie... Le jeune homme fut donc bannis, renvoyé à la nature avec pour seule autorisation celle d'empaqueter ses maigres possessions. Désespéré, il n'avait pu quitter tout de suite le périmètre de la ville. C'est ainsi qu'il avait vu son peuple se faire attaquer par des êtres étranges, possédant des armes destructrices qu'il n'avais jamais vu auparavant. Impuissant, il avait vu tous les êtres qu'il aimait mourir et souffrir. Les femmes étaient violées puis enchainées, les enfants tabassés, et les vieillards égorgés. Il avait suivit la caravane qui emmenait vers l'esclavage sa mère et sa sœur. Il s'était arrêté à l'entrée de la ville de ces êtres étranges. Puis, conscient qu'il était impuissant, il était retourné dans la forêt. Deux cent ans plus tard, il sentait encore cette impuissance lui ronger les sangs.

Il revint au présent, et s'assit sur le bord de l'eau afin de désinfecter sa blessure, et de la rebander. Puis il plongea dans le bassin inférieur, plus frai et plus grand, où il nagea un peu, afin de vérifier qu'aucun muscle important n'avait été touché. Le temps qu'il passerai au repos en serait ainsi réduit, et il pourrait préparer l'hiver.

Il remonta sur un rocher et laissa le soleil d'automne le sécher, puis il grimpa dans la caverne qu'il habitait. Finalement, son bannissement lui avait permit de trouver le plus bel endroit de la forêt pour y vivre : une caverne où on accédait que par de l'escalade, à quelques pas d'une source qui restait chaude toute l'année. Les êtres étranges étaient revenus plusieurs fois dans la cité Elfe, à chaque fois il les avait observés de loin. Ils semblaient chercher quelque chose, sans arriver à le trouver. L'Elfe se demandait pourquoi ils n'avaient pas cherché la première fois qu'ils étaient venus. Peut être que ce n'étaient pas les mêmes, mais leurs tenues restaient identiques. Lui, il n'y avait jamais remis les pieds. Le bannissement le rongeait. Cependant, si personne n'était là pour le voir, était-ce rompre le bannissement ? Le Conseil lui avait demandé de rester loin des elfes, pas de la cité. Alors que la nuit tombait, il laissait ses pensées pour la millième fois le torturer. Il voulait tellement revoir la maison de sa mère, se balader sur la place du marché.

Au matin, il retourna aux abords de la cité. Les hommes en noir étaient repartis la veille, comme chaque année au milieu de l'automne. Inquiet, il posa le pied sur la route dallée qui le mènerait à la ville. Machinalement, il serra dans sa main le pendentif que lui avait donné l'un des membres du conseil le jour où il avait été banni. Il s'était toujours demandé la raison de ce geste, mais au fil du temps, cet étrange objet était devenu un réconfort. 'Deviens fort et protège-le' avait murmuré l'Ancien. L'elfe laissa ses jambes le porter dans la cité. Occupé à regarder chaque détail, il ne vit pas que son pendentif se mettait doucement à luire. L'ancienne magie contenue dans l'objet le guida discrètement jusqu'à la salle du conseil. Il entra dans le bâtiment, et découvrit les ravages qu'avaient fait les hommes en noir. La majestueuse salle avait été ravagée par des marteaux, le sol avait été cassé. Seul élément préservé : le grand cube d'or placé au centre. Intrigué, l'elfe s'approcha de lui. La lumière de son pendentif devint aveuglante, et il se mit a tirer sur la chaine, comme pour aller se placer sur le cube. L'elfe retira le collier et s'avança vers le cube, sa main cachant une partie de la lumière.

Une petite fissure dans le cube semblait faite pour insérer la boucle. Hésitant, il la mit dedans. La lumière l'aveugla un instant. Puis, il vit l'intérieur du cube. Une sphère bleue virevoltait dedans, protégée par une sorte de bouclier violet très clair. L'elfe tendit la main et toucha le bouclier. La sphère s'approcha de son doigt, comme intriguée. Forçant un peu, il traversa la protection, et toucha le feu bleu. Celui-ci sembla reculer, puis bondit, et s'inséra dans ses doigts, imprégnant son sang et sa chair. Tordu de douleur, l'elfe sombra dans l'évanouissement.

Il ne se réveilla que plusieurs heures plus tard. 'tu es réveillé !' La voix douce et chaude semblait venir de partout à la fois. Il se retourna. 'mais non, je ne suis pas là. Je suis toi maintenant. MERCI' le dernier mot éclata dans sa tête. 'Mais... Qui es tu ?' murmura l'Elfe. La chose prit son temps pour répondre.

'Je suis l'Absolu. Pour te simplifier l'explication, je suis le concentré de l'étincelle de vie de tous ceux qui ont eu un Don Magique avant toi. Pour vivre, il me faut soit un corps, soit être entourée d'un bouclier comme celui du cube. Le corps que je choisis vit éternellement, du moins tant que mon hôte ne me demande pas de choisir quelqu'un d'autre. Je suis un peu bavarde vois-tu. Grâce à moi, tu auras accès à un don magique illimité, et tes capacités de chasseur et de guerrier seront développées à un point que tu ne peux pas imaginer. Tes réflexes seront aussi multipliés par au moins cent. Par contre, tu devras te protéger, car ma présence en toi fait de toi la proie des hommes en noir.'

L'elfe réfléchis un instant. 'Tu veux dire que c'est à cause de toi que mon peuple a été réduit en esclavage?' L'entité ne répondit pas, mais l'Elfe sentit son acquiescement. Lorsqu'il lui demanda si c'était elle que les Hommes en Noir cherchaient depuis des années, elle lui expliqua que le champs de force mis en place par le Conseil avait empêché que les hommes en noir, malgré toute leur technologie, puissent la voler, et ainsi transgresser son savoir. Elle ajouta qu'elle avait eu de la chance que le pouvoir de l'Elfe s'éveille quelques jours avant la Grande Attaque, sans quoi les mauvais hommes auraient eu accès à la Clé. Lorsque le temps des explications fut terminé, l'Elfe repris la clé et repartit dans la forêt. La Sphère guérit sa blessure en quelques jours à peine, et l'Elfe reprit sa vie, étudiant les Hommes en Noir, les évitant... Faisant tout ce qu'il pouvait pour ne pas être attrapé. Car, envers et contre tout, il devait protéger sa nouvelle compagne.