Il était une fois, dans un village montagnard, un couple follement amoureux qui avait tout pour être heureux. Et pourtant, il manquait une chose à leur bonheur : aussi fort qu'ils l'eussent désiré, aucun enfant n'avait jamais vu le jour en leur foyer.
Un jour que l'homme s'en allait relever ses collets, il tomba nez à nez avec un étrange lapin blanc prisonnier qui, contrairement à ses congénères affolés, semblait l'attendre, calme et posé. L'homme trouva cela intriguant mais il était loin d'imaginer quel animal farfelu il avait attrapé ! Alors qu'il se penchait pour lui tordre le cou, l'intéressé ouvrit de grands yeux et abaissa piteusement ses oreilles.
- Pitié, pitié, ne me tue pas ! Si tu m'épargnes, j'exaucerai ton plus grand souhait !
L'homme incrédule lança un regard sceptique à l'animal.
- Et comment un petit lapin comme toi pourrait-il réussir pareil prodige ?
Le mammifère bomba le torse et agita ses moustaches.
- Figure-toi que je suis un lapin magique ! Laisse-moi sauf et je t'accorderai un vœu !
Trop malin pour se faire aussi facilement berner, l'homme s'empressa de revoir les termes de cet étrange marché.
- Tu demeureras mon prisonnier tant que je n'aurais pas la preuve de tes prétendus pouvoirs. Exauce mon souhait et je te rendrai la liberté, mens-moi et tu finiras en civet.
Bien entendu, le lapin n'avait en vérité aucune magie mais il se savait assez futé et les aspirations des Hommes n'étaient guère compliquées à satisfaire. Du moins, c'était ce qu'il espérait !
- Marché conclu ! Quel est ton nom ?
L'homme gardait son air méfiant mais quel risque courrait-il à retarder quelque peu l'exécution ?
- Noël.
Le lapin hocha la tête et passa ses douces pattes sur son museau.
- Enchanté Noël. C'est ton jour de chance : réfléchis bien et confie au grand Hilarion le vœu que tu veux voir réalisé !
En réalité, ledit Noël n'avait guère à se questionner car, comme il a été dit plus tôt, seule une chose manquait à son bonheur.
- Très bien, lapin, si tu es aussi doué que tu l'affirmes, voilà mon souhait : fait qu'un enfant naisse en notre foyer !
Le rusé Hilarion déglutit avec peine et se trouva soudain bien embêté. Pourtant, il ne se démonta pas et affirma du tac au tac.
- Réjouis- toi, Noël, car Hilarion le magnifique va pouvoir t'aider ! Suis mes conseils et bientôt tu seras père ! Pour commencer... prépare dix fournées de biscuits !
L'homme trouvait cela étrange mais qu'avait-il à perdre ? Après une ballade trimballé par les oreilles, l'incroyable Hilarion se retrouva en boule au fond d'un clapier glacial. Toutefois, il valait mieux cela au fond d'un faitout sépulcral ! Et pendant que mari et épouse s'agitaient aux fourneaux, messire lapin peaufinait son plan. Car, en réalité, les biscuits n'avaient rien à voir avec les enfants mais ils permettaient de gagner du temps !
Lorsque la demeure embauma la cannelle jusqu'à l'extérieur, Noël s'en revint vers le lapin pour connaître la suite; mais Hilarion le sublime n'en avait encore aucune idée, aussi dut-il improviser.
- Attends la tombée de la nuit, rends-toi au village voisin et dépose devant chaque maison quelques biscuits joliment emballés.
Noël commençait à se dire que cet étrange lapin ferait un goûtu civet mais à présent que les biscuits étaient faits, autant les distribuer... Sa femme s'empressa donc de les apprêter dans de mignons sachets beiges fermés de rubans rouges ou verts et l'homme quitta la demeure aussitôt la nuit installée. En son absence, l'épouse de Noël, souhaitant mettre toutes leurs chances de leur côté, s'activa à rendre le clapier chaleureux et servit un bon dîner au providentiel faiseur de vœux. L'extraordinaire Hilarion y vit aussitôt sa chance : nourri, logé, réchauffé, pourquoi vouloir s'échapper ? Faire des enfants, cela n'avait rien de compliqué, lui-même en avait un bon millier ! Le petit finirait bien par arriver, jusque là autant en profiter !
Au cœur de la nuit, Noël revint au clapier avec encore quelques paquets de biscuits.
- En déposant un sachet, je me suis cogné à la cloche de l'entrée. Je me suis hâté de rentrer avant que l'on ne me surprenne.
C'était là une aubaine que le fantastique Hilarion ne pouvait laisser passer. Il prit alors son air le plus dramatique avant d'annoncer la terrible nouvelle.
- Maladroit, qu'as-tu fait ? Ne t'ai-je pas dit que seule cette nuit convenait au rituel ? Note bien le jour car il faudra recommencer l'année prochaine !
Penaud, et bien embêté, Noël s'empressa de noter qu'au vingt-quatre décembre il lui faudrait tout recommencer.
Le talentueux Hilarion vécut ainsi une existence de pacha, trouvant d'année en année une excuse à délivrer. Pas assez de biscuits, pas assez de villages livrés... Mais une année, Noël vint à bout de sa patience et rentra agacé de sa tournée nocturne.
- Dis-moi, lapin, n'essaierais-tu pas de me berner ? Je m'exécute chaque année mais je ne vois point de bébé !
En cela, le majestueux Hilarion ne pouvait qu'approuver. Pauvre homme, ne savait-il donc pas forniquer ?
- Patience Noël, mon ami, ton souhait sera bientôt réalisé ! Demain, retourne dans les villages alentours et lorsque les gens se demanderont d'où proviennent ces sachets mystérieux, avoue qu'ils ont été déposés par ton fils !
Sceptique, mais tout de même plein d'espoir, Noël s'exécuta.
Au fil des ans, la rumeur du fils du père Noël distribuant des biscuits la nuit du vingt-quatre décembre se répandit et de plus en plus de villageois séduits l'imitèrent, d'abord avec des douceurs puis des présents. Le fils du père Noël devint rapidement, déformé par le bouche-à-oreille, le Père Noël mais pour Noël, le vrai, toujours aucun enfant ne s'était invité dans son foyer. Lorsqu'il comprit qu'il n'y en aurait jamais et qu'Hilarion le filou s'était bien moqué de lui, le faitout fut apprêté et le lapin extrait de son clapier. Toutefois, l'animal gardait une dernière pirouette.
- Voilà notre marché conclu, il est temps pour toi de me délivrer.
Noël ricana à la remarque de son futur repas et s'en alla affûter son coutelas.
- C'est pourtant la vérité, mon ami. Demande partout autour de toi, tous connaissent ton fils ! N'était-ce pas ce que tu voulais ? Ne te voilà donc pas père ?
Noël, bien attrapé, ne put qu'acquiescer et, à regret, il dut relâcher Hilarion le futé. Ainsi donc un lapin tout sauf magique parvint-il à réaliser le souhait d'un homme, ainsi comblé.
Mais, tout de même, les parents du Père Noël auraient préféré que leur fils existât vraiment...
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