Ce serait donc leur premier Noël en famille depuis le mariage. Comment dire. Cela s’annonçait d’ores et déjà compliqué. La première grande question qu’il avait fallu tacler vers la fin des vacances de la Toussaint avait bien sûr été la menace vampirique. On était sans nouvelle de Thomas et la mère d’Alex ne savait quasiment rien de ce qui s’était passé pendant son absence. Il fallait donc s’entendre sur quoi lui dire. Après tout, son mariage seul avait suffi à mettre son fils en péril, même si le plus vieux des trois frères avait sous-entendu qu’Alex aurait été en danger dans tous les cas.
Ce dernier eut un rôle clef dans les décisions à prendre, plus encore que son beau-père. Il s’agissait de sa mère après tout. Hélas, il avait bien conscience qu’elle surmontait déjà beaucoup de problèmes et rajouter le casse-tête paranormal à leur quotidien chaotique n’était sans doute pas la meilleure idée possible. Malgré tout, elle avait bien le droit de savoir. Alex avait donc demandé à ce que l’on attende que la situation se décante un peu pour la mettre au courant.
Les quatre vivaient à présent sous le même toit depuis trois petites semaines. Il n’y eut étrangement pas d’accrochages majeurs. La mère de famille travaillait cinq jours sur sept à son entreprise et ce fut son nouveau mari, webdesigner, qui occupait le rôle d’homme au foyer, un poste qui lui réussissait à merveille, à la grande surprise du jeune Alex. Contrairement à Dany qui était incroyablement bordélique, le paternel adorait ranger, classer et nettoyer. Peut-être trop même. La maison n’ayant jamais été aussi propre, il commençait à culpabiliser à la moindre chaussette laissée à terre.
Pour ce qui était du lycée… Soyons honnêtes, Alex Loris ne préférait pas y penser. Son « nouveau frangin » avait tenu parole et s’était violemment retourné contre ses anciens amis, avec la grâce et la subtilité qui le caractérisait si souvent. En d’autres termes, il avait fracturé le nez à Dorian dès le premier jour de la rentrée. Dan apprit bien à ses dépens que défendre un souffre-douleur signifiait devenir soi-même une cible aux yeux de tous. Seulement s’en prendre à Alex, timide et peu belliqueux, ce n’était pas la même chose que de s’en prendre à Dany, sportif musclé, qui pouvait vous casser la gueule sans problème, accepter ses deux heures de colles et sa semaine de renvoi avec panache et se démerder pour vous balancer une bombe à eau dessus, depuis l’extérieur de l’établissement. Non, vraiment, ce n’était pas comparable.
Il savait que cette tête brûlée ne pensait pas à mal, mais le garçon à lunettes aurait préféré que la situation se tasse. Chaque jour était une succession de bagarres dont il aurait pu se passer, sans compter que leurs parents commençaient à s’inquiéter sérieusement de l’attitude de plus en plus violente de leur fils, ce qui exacerbait les tensions à la maison. Alex aurait bien pris sa défense, mais cela signifiait parler de ce que Dorian avait fait… Et il n’en était pas capable. Il se retrouvait donc à garder le silence, tout penaud, pendant que Dan se faisait gronder chaque jour de la semaine. Pourquoi s’acharnait-il à les mettre dans ces situations ? Il ne le comprenait pas.
Heureusement, le mois de décembre étant arrivé, les préoccupations se tournèrent vers un événement bien plus de saisons. Alex et sa mère n’avaient jamais vraiment célébré le 25 décembre. Ils se faisaient des films pour le réveillon armé de paquets de bonbons et considéraient cette date comme une excuse pour manger des bonnes choses de façon excessive. Du côté de sa belle-famille, apparemment, ce n’était pas du tout le cas. Noël était une grosse fête, où tous les cousins, les oncles, les tantes et les enfants se réunissaient sous un même toit pour un repas de famille. Ledit repas se déroulait toujours dans la maison d’une des cousines… À plusieurs centaines de kilomètres de là où ils vivaient.
Le problème était le suivant, Eva Loris, employée modèle, travaillait le 24, puis le 26. Hors de question de faire le trajet en un jour.
« Oh, bon pour une fois ce n’est pas très grave si nous faisons Noël entre nous, avait-elle dit. Ou mieux, invite tes cousins ici. La maison est grande, nous pourrons faire connaissance. »
Son mari fit de son mieux pour ne pas faire de grimace. Alex découvrit un peu plus tard que le choix de la maison n’était pas anodin, c’était un endroit “protégé” pour que toute la tribu puisse se retrouver sans provoquer un cataclysme vampirique. Mince. Et si par hasard elle envoyait une invitation à la belle famille, mais que tout le monde refusait, elle allait probablement le prendre pour elle.
D’un autre côté, Dany n’avait pas l’air enthousiaste à l’idée de ne pas participer à la grande fête annuelle. Il n’arrêtait pas de s’enfermer dans sa chambre, grognait quand on lui posait une question, passait des heures dehors, isolé avec son yoyo stupide. Bref, il boudait. La situation à ce stade pouvait être qualifiée de tendue.
« Tu sais j’ai réfléchis, » avait dit son beau-père à Alex, un soir où il se retrouvèrent seuls en train de faire la vaisselle dans la cuisine. « Je sais que je t’ai promis d’attendre, mais si ça met vos vies en danger, je vais devoir lui expliquer ce qu’il se passe. Je suis désolé. »
Le garçon acquiesça simplement, un peu anxieux.
« Et Thomas ? demanda ce dernier. Il ne faut pas s’inquiéter pour Thomas ? »
L’homme voulut esquisser un sourire rassurant.
« Tu sais, Tom, même en temps normal, donne très peu de nouvelles. Il ne le fait pas pour être méchant, c’est souvent qu’il n’a pas vraiment le choix. On n’en est pas à sa première disparition. J’ai confiance. S’il lui était arrivé malheur, je pense que je le saurais déjà.
— Pourquoi ? Parce qu’il a des… Genres de super pouvoirs ? »
Le plus vieux se mit à rire.
« On peut difficilement appeler ça comme ça.
— Il se téléporte ! Et il peut posséder des gens !
— Ah, pas dans le monde réel. Tout le monde peut avoir des “super pouvoirs” dans la réalité des vampires.
— Donc si je comprends bien, la maison de la cousinade est importante parce que les vampires ne savent pas où elle est, c’est ça ?
— Non pas vraiment. Les vampires ne marchent pas dans l’espace physique. La géographie n’a aucune importance pour eux. Ce qui les appelle, c’est le sang. Et plus un même sang est concentré à un même endroit, plus le danger est grand… »
Tout le monde alla se coucher tôt ce soir-là. Alex avait beau être fatigué, il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il n’arrêtait pas de ressasser tout ce qui avait été dit en un cycle de questions sans fin. Pourquoi diable les fêtes de fin d’années étaient-elles devenues si compliquées ? Son inquiétude était amplifiée par le vague souvenir des événements survenus dans la maison. Il rêvait parfois la nuit d’une forme qui rampait dans sa chambre. L’adolescent avait du mal à savoir combien d’heures s’étaient écoulées, combien de temps il avait passé dans ses draps sans pouvoir fermer l’œil, mais à un moment donné, il crut entendre des voix. Effrayé d’abord, il finit par se lever et faufiler sa tête hors de la chambre :
« Ça te va bien. Mais je pensais que tu détestais les yeux verts ?
— Ils rappellent aux autres qui je suis. La peur est une bonne tactique pour empêcher les autres de s’en prendre à vous. »
Ce n’était que des murmures lointains. Alex jeta un œil dans le couloir, la porte de la chambre de Dany était fermée. En silence, il s’avança alors jusqu’au salon. Toutes les lumières étaient éteintes et son beau-père se tenait au milieu de la pièce, seul face à une silhouette sombre, dont les yeux brillaient dans le noir. Aussitôt, il comprit ce qu’il se passait.
« Je croyais qu’on avait dit pas de vampires… » Interrompit-il.
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