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Douze minutes ! Le film était commencé depuis seulement douze minutes. Il avait été choisi par toute la famille (surtout les parents). En ce soir de noël il fallait un film, qui convienne à tout le monde. C’est-à-dire réunisse toute l’assemblée en un ennui commun.

Noël était parait-il la fête des enfants. Joël se demandait bien pourquoi ? Du haut de ses dix ans il était déjà rôdé, et savait quelle soirée pourrie l’attendait.

Les documentaires animaliers au moins il y a de beaux paysages. Tu parles ! Juste de la banquise avec ces foutus manchots se dandinant dessus. Et pour couronner le tout il fallait supporter des commentaires explicatifs dignes de Dora l’exploratrice.

Qu’est-ce qu’il aurait donné pour un OAV de Naruto !

Et en plus Joël ne pouvait rien faire d’autres que de subir cette épreuve. Aucune conversation n’était possible. Son voisin de gauche était le reposoir du canapé, et celui de droite mamie Geneviève. On l’invitait systématiquement pour les fêtes .

« La pauvre elle ne voit jamais personne. »

Et ça lui convenait très bien ! Mamie Geneviève n’aimait pas les gens dans le sens le plus élargie du terme. On pouvait même aller jusqu’à dire qu’elle détestait le monde dans son ensemble.

C’est bien simple selon sa grande expérience tout était mieux avant. Que ce soit les émissions télés, les journaux, les politiques, les supermarchés, la météo, les papiers peints...

Elle allait donc passer les quelques jours à venir à vomir sa haine de l’humanité avant de rentrer dans son domicile calfeutré.

Joël ne parvenait toujours pas à comprendre les raisons de sa présence.

A l’école et partout ailleurs les gens se réunissaient selon leurs âges. Au cinéma par exemple les gosses allaient voir Moi, Moche, et Méchant, les ados Twilight, et les adultes le truc avec plein de gris. Et c’était très bien ainsi. Chacun faisait ce qui lui plaisait.

Alors pourquoi une fois par an il fallait tous se supporter en faisant semblant d’être heureux ?

Joël jeta de nouveau un coup d’œil au lecteur DVD : dix-sept minutes. Mon dieu comment allait-il tenir ? Surtout que le coup du manga dissimulé entre ses jambes ne fonctionnait plus. L’année dernière son grand-frère s’en était aperçu, et l’avait immédiatement dénoncé avec un grand plaisir.

Présentement Joël aurait pu lui rendre la politesse. Car il l’avait vu émerger de sa manche droite un écouteur de son téléphone portable. Il suffisait à son frangin de maintenir innocemment sa tête à l’aide de sa main, et le tour était joué.

Seulement la délation serait inévitablement suivi d’une raclée. Face à leur six ans d’écart Joël ne faisait guère le poids. De toute façon non seulement cela ne l’aurait distrait que quelques minutes, mais en plus le temps de l’engueulade le film aurait été interrompu. Et Joël désirait en finir au plus vite.

Et dire que la semaine prochaine l’attendait le jour de l’an. Au moins lors de la nuit de noël son supplice était compensé par des cadeaux. Surtout des cadeaux éducatifs, puisque ses parents étaient des gens soucieux et responsables. Mais c’était toujours ça de prit. Et puis contrairement à son anniversaire Joël n’avait pas à faire trop longtemps semblant d’apprécier. Car on enchainait sur les autres convives.

Ce foutu jour de l’an était donc une souffrance purement gratuite. Et en plus ça durait obligatoirement jusqu’à minuit.

Au fond la meilleure fête demeurait pâque. Du chocolat ça faisait toujours plaisir. Et aucune soirée en famille n’était exigée en échange.

Le pauvre gamin avait beau serrer ses jambes, il n’était plus en état de lutter.

« Il faut que j’aille aux toilettes. »

Tout le monde râla. Il obligeait ainsi à mettre le film en pause. Personnellement ça n’aurait pas dérangé Joël que la diffusion continue. Dommage que ses parents ne soient pas dupes. Il n’y avait pas de raison, qu’on l’épargne.

Les WC auraient pu être un véritable havre de paix sans cet interrupteur à l’extérieur. Grâce à lui son frangin s’amusait à éteindre l’empêchant ainsi de lire.

Qui avait eu l’idée d’installer ce bouton ainsi ? Sûrement un sadique. Comme par hasard on ne trouvait cette particularité dans aucune autre pièce.

Joël pissa lentement tout en sachant, qu’il ne faisait que retarder l’inévitable. Les manchots l’attendaient le pied (palmé) ferme.

L’enfant s’offrit un énorme soupir en levant les yeux au ciel. Son regard finit par croiser la lucarne. Une idée lui vint. Maintenant est-ce qu’il parvenait à l’atteindre en s’appuyant sur la chasse d’eau ? Ce n’était certes pas la question du siècle. Mais il s’ennuyait tellement, que la moindre distraction était à saisir.

Effectivement il y arrivait à présent. Une autre idée lui traversa l’esprit. Une idée stupide, qui aurait de terribles conséquences. Tout en le sachant parfaitement Joël ne put résister.

Il ouvrit la lucarne, et sortit. Son absence serait vite remarquée. Et même sans celà le froid l’obligerait à rentrer au bout de quelques temps. Qu’importe la sensation présente était si merveilleuse. Plus d’immobilité assignée ! Il avança au hasard dans le bois bordant le nord de la maison familiale, tant qu’il le pouvait encore.

Les manchots, ses parents chiants, son frère méchant, et sa grand-mère aigrie reviendraient assez tôt à la charge.

Il songea alors au cadeau qu’il risquait de perdre. Peut-être une tablette ? Il était autorisé à aller sur le net à présent. Tu parles d’une perte. De toute façon avec le filtre parental, Joël ne trouvait rien qui l’intéresserait à savoir les filles, les vrais pas comme celles de sa classe.

Plutôt comme la soeur de Christian, qu’il avait vu à la piscine avec ses seins pointant au travers de son maillot de bain. Il aurait donné tous ces mangas et ces jeux vidéos pour voir comment c’était en dessous.

Joël ne croyait plus aux histoires de son frangin sur les tueurs psychopathes et les bêtes sauvages. Il ne s’attendait donc pas à croiser quoique soit de dangereux ni même d’un tant soit peu intéressant au milieu des arbres.

Puis au détour d’une clairière elle lui apparut. La sœur de Christian ne supportait pas la comparaison face à elle. C’était une magnifique rousse élancée et gracieuse. Même dans cette robe désuète elle resplendissait.

Malgré sa fascination Joël eut tout de même le réflexe de ne pas se dévoiler à cause d’un détail cassant ce tableau idyllique.

Elle parlait au petit oiseau posé sur sa main et aux cerfs l’entourant. Était-ce si inquiétant ? Une voisine assez âgée de Joël racontait bien sa vie à son yorkshire. Sauf que lui n’était pas une grossière peluche comme les animaux précédemment cités.

Cette étrangeté réveilla le gamin dans un premier temps subjugué. Il remarqua alors la lumière éclairant la femme. Elle provenait d’un projecteur un peu plus loin où se situait également une caméra.

Un lieu de tournage ! Mais qui pouvait bien réaliser un film avec des trucages aussi pourris et surtout la nuit de noël ?

Un homme massif s’approcha alors de l’actrice. Il portait une imitation d’armure qu’aurait renié le dernier des cosplayeurs amateurs. Seul l’épée était à peu près correcte.

« Je t’ai enfin trouvé sorcière. Tu vas tâter de mon épée. »

Qu’est-ce qu’il jouait mal ! Joël avait l’impression de se revoir en classe, lorsqu’il récitait une de ces poésies pourries.

La rousse elle mit un peu plus de conviction.

« Je préférerais tâter autre chose. Pas toi ? »

Joël ne comprenait pas vraiment le sous-entendu. Puis ça devint plus clair quand elle enleva le haut de son vêtement, et dévoila ses seins. Enfin ! Des vrais de vrais. L’actrice continua à descendre sa robe. Jusqu’où allait-elle aller ? Joël en oubliait le reste du monde.

Julien l’un des employés de la réalisation de ce porno, crut entrapercevoir une silhouette, et s’approcha de lui.

Décidément il était impossible d’être tranquille, même un soir de noël. Le réalisateur aurait mieux fait de louer une maison avec un jardin au lieu de vouloir faire des économies en tournant dans ce bois.

L’employé une fois à quelques mètres de Joël réalisa que ce dernier ne causera pas de problème dans l’immédiat médusé comme il était. Alors où était le mal ?

« Joyeux noël. » Murmura Julien intérieurement à l’usage de ce gosse heureux comme jamais.


Texte publié par Jules Famas, 9 décembre 2017 à 17h50
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