Je m’ouvre au terme.
Je m’ouvre à la destruction.
Je m’ouvre à la vie.
Le diamant étincelle de mille feux, tel la lave d’un volcan. Il se colle à ma chair, jusqu’à ne faire plus qu’un. Une immense chaleur s’incruste dans chaque parcelle de ma peau et me consume. J’hurle, mais mes cris résonnent en écho avant de se noyer dans le vide.
Puis d’immenses flammes lèchent mon corps. Tout n’est que souffrance et chaos. Mon esprit s’embrume et menace d’imploser. Je me débats dans tous le sens, tente d’arracher le collier à ma nuque, mais celui-ci fait désormais partie de ma chair.
Puis, le trou noir. Autour de moi se trouve une gigantesque horloge, composée d’aiguilles d’or. Le tic-tac claque contre mes oreilles. Une lumière aveuglante m’empêche de discerner ce qui se trouve autour. Mon esprit tente de chasser ce désagréable bruit, avant de s’adapter à ce rythme infernal.
Des ombres apparaissent alors, me chatouillant de leur fin duvet réconfortant. À leur passage, tout n’est que silence et paix. Mon cœur se soulage de son fardeau et mon âme s’apaise de ses tourments. Des murmures rieurs se répandent de part et d’autre de l’horloge.
Tic-tac.
Une silhouette encapuchonnée se matérialise et laisse entrevoir son visage. Ses lèvres rosées m’invitent à l’embrasser. Interdite, je m’avance vers elle, des papillons dansant au creux de mon ventre. Ma compagne de toujours, mon guide, ma dernière alliée.
La Mort m’apparaît enfin sous son véritable jour.
Mais elle n’est pas là pour m’accueillir dans son Monde. Pas encore. Son bras m’attire à elle et telle une flamme dansante, elle ondule autour de moi avant de disparaître. Mon corps s’allège à nouveau de la crainte.
Elle m’a toujours soutenue, aimée. Désormais, nos âmes sont de nouveau liées.
***
— Relevez-vous, Élia.
Je battis des cils et constatai que mes jambes s’étaient dérobées. Beatriz m’observa d’un air bienveillant et me tendit une main ridée. La nuit dominait encore, à en juger par la pénombre plus forte qu’à notre arrivée.
Le collier de rubis était accroché à mon cou, plus scintillant encore qu’au moment où mes mains diaphanes l’avaient attrapé. Il m’allait comme une seconde peau, comme la véritable facette que je dissimulais depuis toujours derrière un masque.
La pièce s’était teintée d’un léger voile ombragé. Contrairement à celui que je rencontrais lors de mes périples astraux, il reflétait bel et bien le monde des vivants. Seulement, il m’était possible de discerner les âmes égarées sans avoir à abandonner mon enveloppe charnelle.
J’observai la croix suspendue derrière mon hôtesse. Deux chandelles l’encadraient, aux flammes dansantes. Pourquoi la présence du Seigneur était-elle admise dans ce coven dédié à la Déesse et au Démon-Créateur ?
— Merci, murmurai-je. Merci d’avoir veillé sur mon héritage.
— Je me suis contenté de remplir mon rôle, rétorqua-t-elle. Désormais, il vous appartient de tisser les éléments manquant pour comprendre où se situe votre place.
— Comment ?
— Vous connaissez déjà la réponse, sourit-elle.
Elle replaça sa capuche sombre sur sa tête et quitta la pièce. Désappointée, je l’imitai et me retrouvai perdue au milieu de l’immense couloir. Plusieurs prêtresses traversèrent les lieux au même moment, sans m’accorder la moindre attention.
Au fur et à mesure de mes pas, la surprise me gagna. Ce coven ne ressemblait en rien à celui d’Endwoods, où le ciel remplaçait la lumière des torches et où la Déesse rythmait la vie des croyants par son impérieuse présence. Ici, les bâtiments de pierre et le silence monacal me rappelaient les couvents de mon Monde. Les pierres semblaient contenir les mots capturés au détour d’une conversation interdite. Pourquoi ce silence ? Où étaient passé les musiques entraînantes, les feux source de vie et les débats animés entre païens et occultes ?
Mes pas me guidèrent ensuite à l’intérieur d’une chapelle. Deux prêtresses veillaient, récitant une prière. Aucune ne réagit lorsque mes chaussures résonnèrent contre le sol de pierres. Je m’avançai timidement vers l’autel et m’inclinai face à la statue du Démon-Créateur.
Mon collier s’illumina soudain et un léger vent souleva ma chevelure. Cette nuit-là, mes pensées assombries par la mort de mes amis trouvaient un peu de repos. Je me sentais différente, comme si tout coulait enfin de source. Peu importait les murmures qui résonnaient sans cesse autour de moi, peu importait la quête qui m’attendait, je me sentais pleine, entière, comblée.
Il me suffisait de fermer mes paupières pour voir des souvenirs défiler. Les morts me racontaient leurs histoires et me livraient leurs souvenirs sans fard. La clef de mon destin se trouvait entre mes mains, mais comment obtenir ce que je voulais ?
Mon collier semblait sur le point de s’enflammer. Malgré la puissance délivrée, il demeurait fragile et semblait sur le point de se briser à tout moment.
— Vous découvrirez tout cela au fur et à mesure, déclara soudain Beatriz en ordonnant aux prêtresses de partir. Vos pouvoirs dorment depuis des siècles, voire des millénaires. Ils se manifesteront par bribes, comme par le passé, puis s’aiguiseront. N’ayez crainte.
Terreur. Sueurs froides. Cris. Battements de cœur. Les images défilèrent sans crier gare, rapides, choquantes. Je voyais des personnes courir dans tous les sens, hurler pour chasser d’horribles visions de leurs esprits. D’autres agitaient leurs bras telles des marionnettes manipulées par leur créateur. Une voix sépulcrale, tranchante comme des lames de verre, s’échappait de leur bouche.
Tout ceci allait trop vite. Je tentai de fermer les paupières, mais impossible de chasser ces images. De la sueur froide se mit à couler de mon front et Beatriz attrapa mon poignet pour m’empêcher de prendre la fuite.
La voix sépulcrale finit par s’évanouir et les ombres de la mort me cajolèrent de nouveau. Leurs lèvres empoisonnées embrassèrent ma peau moite et envahirent mon sang de leur venin. Lorsque je parvins à me libérer, une profonde colère m’envahissait.
Des flammes rongèrent l’intérieur de mon corps et la rage s’intensifia.
— Laissez-la venir, conseilla Beatriz. Inutile de l’étouffer, cela empirerait les choses.
Mes pensées s’embrumèrent et des pensées acerbes, remplies de rancœur et de jalousie, prirent le pas sur tout le reste. La rage s’amplifia, telles coups qui pleuvaient sur mon corps endolori.
— ASSEZ !
Un silence de mort s’abattit et la statue de pierre se fissura. Mes yeux s’écarquillèrent sous l’effet de l’épouvante, sans que ma colère ne s’atténue. Soudain, les flammes s’éteignirent et les mouches qui virevoltaient dans la pièce tombèrent d’un coup au sol.
Puis, sans crier gare, la colère m’abandonna aussi vite qu’elle était apparue et un sentiment de quiétude m’envahit de nouveau.
— Il faudra contrôler vos émotions, mais tout ceci me semble prometteur, déclara Beatriz d’une voix posée.
La sorcière se pencha sur les cadavres des mouches et ébaucha une moue satisfaite. Son regard pénétrant soutint ensuite le mien.
— Ces émotions qui vous dominent en ce moment ne sont qu’un bref aperçu de vos réels pouvoirs, dit-elle. Si vous n’apprenez pas à les contrôler, vous sombrerez dans la folie comme vos ancêtres par le passé.
— Ai… ai-je provoqué la mort de ces mouches ?
— Bien sûr, Élia. Qui d’autre aurait pu le faire ?
— Mais comment…
— Par votre simple volonté. Espérer la mort de quelqu’un est une chose, le vouloir réellement en est une autre. Votre âme est en mesure d’ôter la vie à une personne, sous peine de le vouloir. Observez-la et détruisez-la. C’est aussi simple que d’écraser un nid de fourmi.
Je me statufiai, glacée par l’horreur. Laurent ne mentait donc pas. Je pouvais apporter la mort, et peut-être même ressusciter ceux ayant goûté à son baiser. Que se serait-il passé, si j’avais pu faire usage de mon don lors de mes procès en sorcellerie ? Aurais-je été capable de résister à mes bas instincts ou aurais-je cédé à la tentation d’éliminer tous les obstacles se dressant sur mon chemin ?
— N’oubliez cependant pas notre Créateur, indiqua-t-elle. Chaque action engendre des conséquences. Une vie pour une vie. Si vous décidez d’en ôter une ou de ramener un défunt à la vie, le prix à payer sera similaire. Un innocent payera le prix de cette décision.
J’ébauchai un rictus. Je connaissais trop bien les lois de l’occultisme. Néanmoins, la perspective de posséder une telle puissance destructrice me terrifiait. Et si je perdais le contrôle de mes émotions ? Si je me laissais aller un jour à une folie vengeresse ?
— Il me faudra des années avant de comprendre et maîtriser l’étendue de ces dons ! remarquai-je.
Beatriz haussa les épaules.
— Peu importe le temps, Élia. Si vous croyez en vous, comme vous me l’avez promis, alors aucun obstacle ne vous résistera.
***
— Lady Montgomery ? fit une guérisseuse à mon retour de la chapelle. Pardonnez-moi de vous déranger, mais il y a un problème.
Mon cœur se serra, opprimé par un chagrin infini. Si la guérisseuse ne m’avait pas encore révélé la nature du problème, son air empreint de gravité ne laissait aucune place au doute. Elle m’invita à la suivre jusqu’à la chambre de Maddy.
Une faible chandelle éclairait la pièce, tandis que les prêtresses avaient placé de l’encens afin de débuter le rite funéraire païen. La jeune fille dormait, le visage marqué par les boursoufflures qui s’étaient peu à peu propagées.
— La fièvre augmente d’heure en heure, expliqua une guérisseuse en tapotant son front moite à l’aide d’un linge humide. Elle ne survivra pas. Bientôt, sa respiration cessera et… je… je suis sincèrement navrée.
Mon regard croisa celui du Patrouilleur, dont le visage blême ne trahissait aucune émotion. Les paupières de l’adolescente demeuraient closes et sa respiration à peine perceptible. Ses fines mains étaient jointes, comme un mort disposé sur son lit funèbre. Je tressaillis.
La mort caressait chaque parcelle de son corps. Les ombres se mouvaient près d’elle et le léger râle qui s’échappait de ses lèvres s’amenuisait, pour peu à peu disparaître. Je pouvais presque sentir l’âme de l’adolescente fuir son enveloppe charnelle.
Je serrai les poings. Avant que je n’eusse le temps de sangloter ou de prendre conscience de la réalité, mes jambes se dérobèrent. Les bras du Patrouilleur me rattrapèrent presque aussitôt. Mais au lieu de me redresser, mon corps pantelant fut incapable de se relever. Malcolm ne me lâcha pas.
— Élia…
Il fallait la laisser partir.
Lorsque ma grand-mère maternelle avait rendu l’âme, je n’étais qu’une enfant. La Mort m’avait arraché pour la première fois une personne que j’aimais. Des nuits durant, alors que ma foi envers le Seigneur existait encore, je m’étais surprise à l’implorer de la ramener à la vie. Je me souvenais de la mise en terre, de la cérémonie chargée de larmes et de non-dits, et de la douleur infinie.
Malgré mes prières, son corps s’était transformé en poussière. Par la suite, la Mort s’était éclipsée de mon existence, ne revenant que le jour où mes amis furent exécutés sans procès par la couronne anglaise. Depuis, elle ne cessait de me hanter et me narguer de son rire glacé.
— Élia… reprit-il.
Mes lèvres s’entrouvrirent, mais le souffle me manquait. Les mots se noyèrent avant même d’être sortis de ma bouche. Le regard noisette du Patrouilleur, habituellement cynique, se teinta d’une gravité que je ne lui connaissais pas.
— Je suis désolé. Sincèrement désolé.
Ses bras musclés voulaient m’offrir une étreinte réconfortante. Sans réfléchir, j’enfouis ma tête contre son épaule et laissai les larmes jaillir. D’abord gêné, le Patrouilleur tapota mon dos avec douceur, avant de caresser ma chevelure.
Les souvenirs tourbillonnèrent dans mon esprit. Je les chassai dans l’énergie du désespoir, incapable d’affronter la perte que la mort de l’adolescente représentait. Je songeais également à Lyra et Archibald, abandonnés dans la forêt.
Épuisée, je finis par m’endormir. À mon réveil, on m’avait déplacé dans un autre lit et je découvris Malcolm, assis près de moi.
— Vous avez dormi longtemps, indiqua-t-il.
Je me relevai, épuisée comme si le sommeil n’avait eu aucun effet. La brève quiétude qui succédait le réveil s’évanouit aussitôt, remplacée par les terribles images de la veille.
Au-dehors, un soleil éclatant brillait, faisant ressortir les vitraux dessinés sur les fenêtres de notre chambre.
— J’ai discuté avec les guérisseuses et… Maddy a rendu l’âme peu avant le lever du soleil, annonça-t-il sans préambule. Elle a été déplacée dans le temple du Démon-Créateur. Beatriz attendait votre réveil afin de discuter des… des formalités.
— Tijana… murmurai-je. Son nom est Tijana. Maddy n’est qu’un nom d’emprunt.
À la tristesse se mêla la culpabilité. J’avais juré à la jeune fille de la ramener chez elle, à son époque. Au lieu de cela, je l’avais laissé m’accompagner. Une fois encore, tout était de ma faute.
Quand me réveillerais-je de ce cauchemar ?
— Les prêtresses veilleront toute la journée. Vous… vous pourrez lui dire adieu. Ensuite, il faudra l’enterrer et reprendre la route.
— Je n’en suis pas capable, confessai-je.
Les mots échangés avec Beatriz résonnèrent dans mon esprit. J’avais foi en la Déesse, en moi-même, mais je ne pouvais pas avancer seule. Même si Malcolm était resté à mon chevet cette nuit, je ne pourrais jamais me fier à lui.
— Élia, je…
— Non, Malcolm. Je n’aurais jamais dû me laisser ainsi. Vous n’avez aucune morale et… nous ferons les choses à mon rythme maintenant. Vous… vous n’auriez pas hésité à abandonner Maddy. Elle méritait d’être sauvée et… et je ne regrette pas de l’avoir amenée ici. Inutile de me presser, car la seule chose dont je rêve maintenant est d’enrouler une corde autour de mon cou pour me pendre ! Si vous m’estimez trop stupide ou faible, peu m’importe. La porte est grande ouverte.
Malcolm resta silencieux et immobile. Je m’enroulai dans mes couvertures et lui tournai le dos, persuadée que son naturel reprendrait le dessus et qu’il m’abandonnerait.
— Je reste, que cela vous plaise ou non, maugréa-t-il. En attendant, faites-moi signe si vous avez besoin de quelque chose.
J’ébauchai un rictus et me retournai pour lui faire face.
— Qu’espérez-vous en échange ? persifflai-je. Mon pardon ? Mon approbation pour vos actes immondes ?
— Vous êtes exaspérante ! Je vous accompagne car tel est mon devoir.
— Votre devoir ? Cessez de vous moquer de moi.
Il arqua un sourcil, parfaitement sérieux.
— Si ce voyage permet de servir la cause des païens, je viendrais avec vous.
— Très bien. J’imagine que me passer de votre aide serait une mauvaise idée, alors je vous supporterai encore un peu. Mais que les choses soient claires. Si vous me trahissez de nouveau, je vous tue.
Il acquiesça en me fusillant du regard, avant de quitter la pièce d’un pas lourd. En dépit de mon corps flasque, j’enfilai une longue chemise et attrapai le grimoire des morts. Je quittai ensuite ma chambre sans prendre la peine de me rendre présentable et rejoignis la chapelle. À l’instar du temple d’Irène, la salle était plongée dans une obscurité naturelle.
Beatriz veillait près du corps, accompagnée de deux prêtresses. Elle parsema le lit funéraire d’encens et embrassa la statue du Démon-Créateur avant de se tourner vers moi. De nouveau, les ombres de la mort se mouvèrent autour de nous, mais je les chassai d’un geste las. Blessées, elles se rapprochèrent de Maddy afin de bercer son cadavre d’une tragique mélopée.
— Que la Déesse l’accueille au sein de son royaume, murmura Beatriz.
Elle me remit une petite dague, ainsi qu’une coupelle. Je posai cette dernière près de moi et entaillai légèrement mon bras afin d’y laisser perler un filet de sang.
— Je donne mon sang à la terre, puisse son âme rejoindre la Déesse et son corps devenir poussière, récitai-je.
Les sanglots coulèrent de nouveau.
— Son âme trouvera la paix, assura la sorcière. Comme celles de vos amis. Lyra était une bonne personne. Ses erreurs ont été lourdement payées, mais son âme a rejoint le royaume de la Déesse.
J’acquiesçai, sans grande conviction.
— Votre quête touche bientôt à sa fin, reprit Beatriz. Le pouvoir du collier de rubis coule désormais en vous et il vous faut avancer. Le temps presse.
J’essuyai mes larmes à l’aide de la paume de ma main. Je ne voulais plus avancer. Je souhaitais simplement faire mon deuil de mes amis et ma famille disparue. Jamais plus je ne reverrais ma famille et mes amis. Si je me transformais en Caché, si le pouvoir qui coulait en moi me permettait de survivre à la transformation, alors le monde des morts me serait interdit. Et ma solitude deviendrait éternelle. Cependant, ce chemin ne pouvait avoir été effectué en vain.
Instinctivement, je posai une main sur mon ventre.
— Vous pouvez choisir de ressusciter Maddy, indiqua Beatriz. Il faudra payer le prix nécessaire, c’est-à-dire une vie pour une vie. Mais ce don est limité, Élia. Vous ne pourrez l’utiliser qu’une seule fois.
Et je ne pouvais l’accorder à la jeune fille, sembla-t-elle ajouter. J’observai de nouveau Maddy, figée à jamais dans la fleur de l’âge. Je serrai alors sa main froide et acquiesçai en silence.
Je perçus alors ma propre énergie vitale. Dissimulée, je n’y avais jamais prêté attention jusqu’alors. Mais elle circulait dans chaque parcelle de mon corps et il me suffisait de serrer un peu plus fort la main de Maddy pour qu’il se répande dans le sien. Ses paupières s’ouvriraient et l’étincelle de vie dilaterait à nouveau ses pupilles azurs.
Mais mon pouvoir ne pouvait être utilisé à des fins égoïstes. L’armée des morts était la seule chose en mesure de sauver les sorcières et rien d’autre ne devait m’écarter de cette quête, pas même la perte douloureuse de mes amis.
— Il me faut en apprendre plus sur le Démon-Créateur et l’armée des morts. Comment m’assurer de sa complicité ? soupirai-je, en séchant de nouveau le torrent de larmes qui m’assaillait. Comment m’assurer qu’une fois libéré du sortilège, il ne trahisse pas sa parole ?
Beatriz m’observa avec plus d’intensité encore.
— Chaque être, humain ou démon, possède ses propres craintes et espoirs. Vous savez qu’aucun humain n’est blanc ou noir. Quels moyens utiliseriez-vous afin de maintenir l’ennemi dans vos filets ?
Je me statufiai, interdite. Je connaissais trop peu de choses sur le Démon-Créateur pour avoir un coup d’avance sur lui. Mais je connaissais la nature humaine, sa perfidie et son ingéniosité. Au fur et à mesure de mon séjour ici, j’avais appris les leçons enseignées par la Déesse.
Mon visage s’éclaira quelques minutes plus tard, illuminé par l’idée qui venait de germer dans mon esprit. Je me résolus à lâcher la main de mon amie pour attraper l’étrange grimoire offert par Raonaid quelques mois plus tôt.
— Vous connaissez les secrets de ce manuscrit, n’est-ce pas ? dis-je.
La sorcière acquiesça d’un air entendu. Je saisis une plume, la trempai dans un encrier disposé un peu plus loin et griffonnai à mon tour un message.
Tout est désormais limpide dans mon esprit. J’ai vu, au travers de ces pages, l’avenir qui nous attend et le rôle que tu y joueras. N’aie crainte, mon amie. J’accomplirai les sacrifices nécessaires pour te permettre de survivre.
Prend bien soin de mon fiancé, et demande-lui pardon de ma part pour l’avoir abandonné. Je l’aimerai toujours, quoi qu’il advienne.
Les mots jaillirent avec facilité, sans que je n’eusse besoin de les chercher. Je remis alors le manuscrit à la sorcière, lui faisant promettre d’y veiller comme la prunelle de ses yeux et de l’emmener au Monde au moment voulu.
Au fond de moi, ma décision était prise. Ma quête, au travers des visions offertes par ce mystérieux grimoire, trouvait enfin son sens. Je ne deviendrai pas la simple sorcière qui libérerait le Démon-Créateur de son sortilège. Non, je ferais plus, bien plus.
Pour Irène et ses compagnons, pour les sorcières du Demi-Monde, pour mes descendantes et… pour l’enfant que je portais dans mon ventre.
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