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tome 1, Chapitre 7 « Oshoku » tome 1, Chapitre 7

Oshoku

Le couloir qu'elle traverse est totalement blanc, à quelques éléments décoratifs près, très épuré, et lumineux. Une grande fenêtre aux contours également blanc éclaire l'endroit. Une branche de coton plantée dans un grand vase transparent décore le coin droit. Les murs sont ornés de tapisseries en riches reliefs et le sol est recouvert de carrelage vernis.

Elle traînait sa valise derrière elle avec le bruit particulier et régulier des roues qui lorsqu'elles rencontraient un changement de carreau. Elle s'arrêta devant la seconde porte sur sa gauche et posa sa main libre sur la poignée de bois ouvragé. Elle semblait hésiter. Ce sont des claquements de talons sur les marches de marbre du grand escalier central qui l'aidèrent à se décider à entrer dans la pièce qu'elle n'osait pas ouvrir jusqu'à présent. La valise émit un dernier "cloc" avant de se faire muette pour être remplacée par le discret claquement de la porte qui se referme.

La chambre n'a pas changé depuis son présumé accident. Même les roses blanches semblent avoir été changées régulièrement malgré son absence. Leur parfum embaume la chambre, rendant celle-ci beaucoup plus accueillante que ce qu'elle inspire à son occupante. La totalité des meubles présents dans la pièce sont en bois ouvragé peint en couleur crème. Le même papier peint et le même carrelage que dans le salon.

Un canapé de coin aux bords arrondis et recouvert de coussins rose pastel occupe le côté gauche de la grande fenêtre qui face à la porte qu'elle vient de franchir. Une petite table basse ronde se trouve juste devant celui-ci. Son plateau est en verre et c'est sur ce support que se trouve le vase en porcelaine garnit de roses odorantes. Un petit napperon blanc protège la table des possibles rayures pouvant être causées par le vase. Un grand tapis blanc et duveteux vient terminer la décoration de coin de la chambre.

Un grand lit à baldaquin aux rideaux de voiles blanc satiné retenus par des rubans roses occupe le mur à la gauche d'Oshoku. Les draps sont blancs. Une fine bande horizontale de couleur rose pâle décore la housse de couette. Une montagne de coussins blanc et rose camoufle une grande partie de la tête de lit. Deux petites tables de chevet sont installées de part et d'autre du lit. Une lampe en porcelaine est posée sur chacune d'elles.

Un bureau très fonctionnel se trouvait contre le mur de gauche, accompagné d'un fauteuil assorti au reste de la chambre. Son ordinateur attend sagement d'être à nouveau allumé, mais ce ne sera pas le cas ce soir.

Un lustre imitant un bougeoir éclaire la pièce de façon très efficace et une porte se devine derrière un rideau similaire à ceux du lit, à gauche de celui-ci. Celle-ci mène à un immense dressing contenant une tenue pour chaque occasion ainsi qu'une salle de bain personnelle. Une tringle à rideau semble avoir été installée dans le passé, mais celle-ci ne semble plus d'actualité depuis un moment. Et en face de la fenêtre, un grand miroir avec une barre de danse.

Elle avança dans sa chambre sans trop de conviction et ouvrit sa valise pour la vider de façon mécanique sur son lit. L'atmosphère était pesante malgré l'environnement lumineux dans lequel elle se trouvait, comme si ce lieu la répugnait. Toute la maison la répugnait par son existence mais surtout par sa présence dans celle-ci. Un désir de fuite l'étreignait au plus profond d'elle-même. Un sentiment dont elle ne parvenait pas à en saisir l'origine.

Elle s'assit sur son lit au matelas moelleux en fixant ses vêtements qu'elle ne reconnaissait pas comme les siens : ceux qu'on lui avait rendus semblaient usés par le temps, ce qui était ridicule au vu de sa situation sociale.

Oshoku se releva et ramassa les guenilles pour les jeter dans la poubelle présente sous son bureau même si elle était habituellement conçue pour accueillir du papier. Une simple commande et son ishoku passa une liste prédéfinie de mélodies calmes et harmonieuses.

* * *

Ils étaient tous les trois attablés à une immense table d'acajou travaillée avec minutie.

Les chaises sont assorties à celle-ci et un immense lustre de cristal coloré les surplombe depuis sa vertigineuse hauteur. Un plancher ciré recouvre le sol et des tapisseries rouges habillent les murs de l'immense salle à manger aux hautes fenêtres. Une cheminée en marbre noir, de nombreux portraits et vitrines, ainsi qu'un tapis élégant viennent compléter la décoration de la salle.

L'ambiance était tendue. Seuls les discrets cliquetis des fourchettes contre la vaisselle étaient audibles dans la pièce. Sa propre mère l'ignorait.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

La jeune fille venait de poser ses couverts sur l'ustensile prévu à cet effet et mit à sa disposition, fixant ses parents dans l'attente d'une réponse sincère de leur part. La femme fixa son mari comme si la réponse allait surgir par miracle dans cette direction. Les secondes s'égrainaient sans qu'aucune parole ne soit prononcée.

- J'ai été, apparemment, hospitalisée toute une année. J'aimerais savoir ce qu'il s'est passé pour que cela nécessite un séjour aussi long.

Ce fut sa mère qui prit la parole la première, mais cela ne semblait pas la réjouir.

- Pour dire vrai, nous n'en savons pas plus que toi et nous n'avons pas vraiment cherché à nous informer à ce sujet.

- Donc, votre fille est hospitalisée une année entière, et vous ne cherchez pas à en connaître la raison. Je vois. Merci.

La chaise sur laquelle Oshoku était assise émit un bruit de frottement quand celle-ci se leva pour échapper à cette ambiance néfaste à son moral. La voix de son père se fit enfin entendre pour la réprimander, comme à son habitude :

- Le repas n'est pas terminé. Je te prierai donc de te rasseoir.

- Je n'ai plus faim. Vous m'emmerdez avec votre logique à la con.

- Oshoku. Ton vocabulaire.

- Va te faire foutre !

Alors qu'il s'apprêtait à se lever, sa mère l'en empêcha en posa simplement sa main sur son poignet pour lui signifier que ce serait une mauvaise décision, laissant le temps à Oshoku de sortir de la salle en claquant la porte.

- Nous n'avons pas été très corrects non plus. Ta réaction serait injuste.

* * *

- Je ne veux aucun visiteur.

Le verrou de la porte s'activa à son ordre pour ne laisser entrer personne. Oshoku se laissa tomber sur son lit. Ses cheveux roux s'étalaient autour de sa tête de façon totalement anarchique, ce qui dénotait avec la perfection de la pièce.

Malgré les heures passées à rechercher la raison de son hospitalisation, rien n'avait envie de refaire surface. Seule une violente douleur et des scènes aléatoires résultèrent de cette infructueuse recherche. Tous ses capteurs s'étaient affolés face à sa soudaine angoisse.

- "Nous serons combien à partir ?

- Je ne me suis pas encore penchée sur la question.

- C'est pourtant une donnée importante à prendre en compte.

- Je réunirais tout le monde demain pour régler ce problème."

Des messages d'alertes apparaissaient de façon régulière devant ses yeux et obstruaient son champ de vision.

- "Où est Oshoku ?!

- Nakama !

- Cours !"

Tout s'était teinté de rouge hormis la boîte de médicaments posée sur son bureau, à côté de son ordinateur.

- "C'est de la folie.

- Je sais, mais je ne vois pas d'autres solutions. As-tu une autre alternative à proposer ?

- Pas encore, mais laisse-moi un peu de temps pour y réfléchir."

Elle se rendit à tâtons jusque dans sa salle de bain après avoir difficilement traversé sa garde-robe encombrante et encombrée.

- "J'aimerais que tu sois là pendant la réunion de demain soir.

- J'y serais."

Elle attendit ici, recroquevillée contre le meuble du lavabo en attendant que l'omniprésente douleur et les images qui la harcèlent veuillent bien s'en aller.

La salle de bain n'est pas très grande, mais très fonctionnelle et décorée avec goût, dans un style très moderne en comparaison avec sa chambre beaucoup plus vintage.

Le lavabo est situé juste en face de la porte. La barre de trois meubles de rangement est d'un blanc lisse et laqué aux poignées de couleur aluminium. Un lavabo rectangle et blanc occupe celui du milieu. Un miroir surplombé de spots est accroché juste au-dessus.

La douche est à sa gauche. La cloison de verre laisse apparaître un pommeau de douche et une déco identique au reste de la salle de bain et un porte-serviette est vissé du côté de la porte coulissante.

Le sol est en carrelage noir et les murs en plaques d'aluminium gravées d'arabesques.

Une fausse plante verte avait été installée à droite du lavabo.

* * *

Elle ne se réveilla que plusieurs heures plus tard, toujours appuyée contre son meuble blanc. La douleur avait disparue, mais les effets secondaires de la gélule la faisaient planer à des kilomètres de sa réalité.

Elle s'aida du bord du lavabo pour se stabiliser pendant qu'elle se relevait de sa crise et attrapa la poignée de la porte pour garder un appui sûr. Sa traversée du dressing fut plus périlleuse qu'à l'aller. À la place d'un long couloir droit bordé de placards se trouvaient des virages difficiles à appréhender avec son équilibre actuel. Elle détestait ce traitement, mais c'était le seul qui était parvenu à la libérer de sa douleur parmi tous ceux qu'elle avait testés jusqu'à présent.

Une fois cette épreuve passée, Oshoku tourna à gauche en essayant de ne pas percuter la table de chevet sans grand succès. La lampe se balança quelques secondes avant de se stabiliser sans tomber au sol. Un mètre supplémentaire et elle fut enfin sur son lit.

* * *

C'étaient toujours les mêmes scènes qui la hantaient.

Toujours les mêmes images brouillées.

Toujours les mêmes visages apeurés.

Toujours les mêmes sentiments d'angoisse.

Toujours la même douleur à son "réveil".

Des prénoms étaient parfois audibles.

Toujours les mêmes, eux aussi.

Je suis en train de devenir folle...

La gélule mettait toujours du temps à agir. Beaucoup trop de temps. Les visions de ses crises étaient tellement réelles. Un prénom et un visage revenaient sans cesse. Ceux de la personne qu'elle avait vu apparaître quelques jours plus tôt, lors des exécutions.

Nakama.


Texte publié par Adrielle, 13 août 2018 à 02h25
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