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Je dois vous avouer que quand j'ai rencontré la personne avec qui je me marie aujourd'hui, ça a été la plus magnifique des visions.

C'était les premiers mots que j'ai prononcés face à ma famille et à ma belle-famille après que le maire nous ait « officiellement déclaré unis par les liens sacrés du mariage ». Mais avant de reprendre à ce court monologue, j'aimerais vous parler plus en détail de notre relation de couple.

De prime abord, mes parents, comme les siens, n'étaient clairement pas préparés à notre alliance. Mais nous nous aimons plus que tout, certes il nous sera compliqué d'avoir des enfants mais nous pourrons toujours adopter... bien que cela nous effraie un peu.

On s'est rencontré lors d'une manifestation prônant la tolérance et l'acceptation des ''différences''. On s'est tout de suite remarqué car nous nous démarquions avec aisance de cette foule. Il faut dire que nous faisions parti des rares personnes à ne pas crier, à ne pas porter de pancarte ou de drapeau, ni à être maquillé. On était habillé normalement et on marchait silencieusement, légèrement anxieux, au travers de ce cortège afin de soutenir ce que nous n'avions jamais osé déclarer à notre entourage. On s'est brièvement parlé, on a échangé nos contacts et on s'est revu le week-end suivant autour d'un verre. Nos premiers échanges étaient un peu hasardeux, mais sans comprendre pourquoi, nous nous apprécions mutuellement. De fil en aiguille, on est devenu, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, meilleurs amis. Chaque soir à vingt heure tapante, l'un de nous appelait l'autre et nous passions une, deux heures, voir même plus parfois, à nous raconter nos journées. Nous connaissions la vie de l'autre à la perfection. Aujourd'hui encore, nous nous complétons comme jamais personne ne l'a jamais fait, bien qu'aujourd'hui nous ne nous racontons plus systématiquement nos journées.

Pendant trois mois, nous avons conservé ce statut-quo sans se revoir. Puis nous avons décidé de nous donner rendez-vous dans un parc. Là, nous avons discuté de nos passés. Étonnamment, ils se ressemblaient quelques peu, chacun de nous ayant ses propres déboires. Mais dans le fond, nous avions traversé le même nombre d'épreuve. A ce moment-là, on ne s'était pas encore dévoilé à l'autre. Nous ne savions pas vraiment si cela pourrait fonctionner, nous n'osions pas vraiment faire le premier pas. Pourquoi ? C'est une bonne question, peut-être était-ce la différence d'âge, peut-être était-ce nos problèmes communs ou encore nos secrets inavouables. Toujours était-il que nous n'évoquions jamais nos histoires d'amour ou peines de cœur. Mais cela, à ce moment là, ne nous importait nullement. Nous prenions juste de plaisir ensemble, à rire, parler, se balader... Toutes ces choses un peu niaises que les couples font en somme.

A force de parler, nous avions trouvé intéressant de jouer au « jeu des trois ». Si vous ne le connaissez pas, en voici brièvement les règles : L'un dit à l'autre trois phrases, deux d'entre elles sont forcément des vérités tandis que la dernière est un mensonge éhonté. Dans ce jeu, les trois déclaration doivent également faire référence à nous-même ou être rattaché à notre vécu.

Nous avons donc commencé à jouer à ce jeu. D'abord avec de la retenue. Les trois déclarations tournaient surtout autour des discussions qu'on venait d'avoir, comme pour vérifier que nous ne parlions pas à un mur. Puis, après une soirée un peu alcoolisée dans un bar, alors que nous rentrions à pieds, le jeu à pris une nouvelle tournure. Les déclarations devenaient un plus personnelles. Sûrement que l’alcool nous avait donné des ailes. Toujours est-il, que sans m'en rendre compte, j'avais fait ses trois déclaration :

«  Je te déteste en tout point. » « Je n'ai jamais été autant gai que depuis que j'ai fait ta rencontre. » « Je suis complètement dingue de toi. »

Je ne me souviens plus vraiment du reste. Ma mémoire me ramène parfois un sourire enjôleur avant un grand trou noir. Le lendemain matin, je me souviens de m'être réveillé dans un lit qui n'était pas le mien, dans une chambre qui n'était pas la mienne, aux côtés d'une personne que j'avais rencontré dans une manifestation et avec qui j'avais très vite noué des liens. J'avais la tête qui tapait encore des tambours de guerre. Je m'évadais de ses draps et rejoignais, à tâton, une salle de bain que je ne connaissait pas. Là, je me souviens m'être longuement observé dans le miroir, puis la lucidité revint quelque peu. Je rougis alors machinalement à ces pensées, ces évocations de souvenirs qu'il me semblait avoir vécu cette nuit là.

Plus tard dans la matinée, on était mutuellement un peu gêné autour de notre café.

Et là, nous avons recommencé à jouer aux jeux des trois. Pourquoi ? Alors qu'on ne s'était même pas dit bonjour, ni fait la bise, ni adressé la parole avant ?

Je n'en sait trop rien. Mais ce dont je me rappelle parfaitement, ce que nous avons parlé de nos conditions intimes. Ce matin là, nous avons abordé nos déboires en amour, nos prises de conscience amoureuses personnelles, nos états physiques. Bref toutes les raisons et conditions pour lesquelles nous avions pris part, quelques temps en arrière, à cette manifestation LGBT.

La suite de notre relation, vous l'avez déjà probablement deviné :

Nous avons pris un appartement en commun, nous avons commencé à vivre ensemble, à nous présenter à nos amis et amies respectifs en en profitant pour leur annoncer que nous étions mutuellement en couple. Puis nous nous sommes introduits conjointement à nos parents. Les miens, comme les siens, n'en sont pas tout de suite revenus. On s'est alors posé quelques question, puis on est arrivé à la conclusion que c'était à eux de s'adapter à nous, à ce que nous étions, à ce que nous formions.

Une année s'est écoulée et nous étions toujours heureux ensemble. Nous avons alors pris la décision de nous marier. Quand le maire entra dans la pièce, il n'était d'ailleurs pas seul, ce qui nous mis un peu mal à l'aise je ne vous le cache pas. En effet, le maire était accompagné d'un jeune homme aux cheveux ébouriffés, armé d'un calepin et d'un appareil photo. Il se tenait immobile à l'entrée. Le maire, un peu maladroit, nous demanda alors si nous étions d'accord pour que notre mariage, qui était pour lui son premier, face l'objet de la première page du journal local de demain. Nous avons alors croisé nos regards avant de répondre d'une même et sans s'être concerté :

« Cela serait avec plaisir, monsieur le maire. »

Le jeune homme arbora un sourire colossal et respirant la bienveillance avant de s'approcher en griffonnant des notes, puis nous pris en photo. Ensuite, il se posta prêt à en prendre d'autres, tout en étant prêt à noter les paroles du maire.

Le maire réclama le silence. notre excitation grimpa. Puis il entama son discours. Quand il nous demanda si nous acceptions et voulions de nous prendre comme partenaire de vie, nous avons déclaré dans un même écho « Oui, je le veux »

Au moment où on s'est embrassé, les flashs d'appareils photos embrasèrent l'air, rendant ce baiser encore plus stimulant.

Puis, le jeune homme se leva, et nous posa cette question : Un discours ?

Je répondis alors :

Je dois vous avouer que quand j'ai rencontré la personne avec qui je me marie aujourd'hui, son charme a instantanément conquit mon âme. Nous avons vécu plus d'un an ensemble avant de prendre notre décision, et je pense pouvoir dire que nous ne le regretterons jamais.

Heureux d'avoir pu prendre ses notes, il prit congé en nous remerciant du temps que nous lui avions accordé.

Après quoi, nous avons fait la fête, familles et amis présents, toute la journée. C'était merveilleux.

Dix ans après, nous sommes toujours ensembles, heureux de l'être, nous allons toujours dans les manifestations LGBT, nous sommes toujours aussi complice, mais nous n'avons toujours pas d'enfant. Une décision commune. Mais cela pourrait encore changé, après tout, nous pouvons toujours élever un enfant. En contrepartie, nous avons une chienne et un chat.

C'était notre histoire. Notre mariage.

Maintenant, j'ai quelque chose à vous révéler.

Je n'ai utilisé aucun pronom et aucun participe pouvant genrer l'être qui partage ma vie ou pour me genrer moi-même.

Du coup, je vous propose le jeu des trois mais inversé : toutes les déclaration sont fausses sauf une qui est vraie, serez-vous trouver la réponse ?

Nous sommes un couple gay

Nous sommes un couple lesbien

Nous sommes un couple de trans

Nous sommes un couple hétéro

Nous sommes hétéro mais iel ne peut procréer

Nous sommes hétéro mais je ne peux procréer

L'un de nous est trans

Nous sommes un couple d'handicapé

Nous avons une différence d'âge supérieur à 6 ans

Aucune possiblement n'est fausse.

L'amour transcende les genres et les apparences. Ce n'est qu'une question d'âme.

Nous nous aimons et nous n'avons pas besoin de vôtre approbation pour ça.

Et notre mariage tiendra.


Texte publié par Adrielle, 21 octobre 2017 à 19h10
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