De sa fenêtre, Lune observe la femme dont l'ombre se découpe sous la lumière des lampadaires. Des yeux, elle suit sa voisine qui quitte le perron de la vieille maison de style colonial dont la peinture blanche fait ressortir la silhouette voûtée. Cette maison lugubre et sombre effraie tout le monde dans les environs et chacun émet des hypothèses sur la femme qui y vit seule depuis des années. Elle ne sort de chez elle qu'en pleine nuit, à l'insu de tous. Lune met son manteau et se décide à sortir sans bruit. Emmitoufflée dans sa couverture, la femme trottine sur la pelouse humide de rosée et bientôt ses chaussons sont trempés mais elle n'a plus le choix, elle doit suivre la sorcière. Elle sait qu'elle n'aura plus le courage de le faire par la suite si elle ne va pas au bout de son idée en cette nuit de pleine lune.
Durant de longues minutes, Lune grelotte de froid à la suite de la femme. Alors qu'un rayon de l'astre nocturne éclaire sa proie, elle remarque que celle que l'on surnomme « la sorcière » marche en courte chemise de nuit sur le bitume comme si le froid ne l'atteignait pas. Ses longs cheveux blonds brillent comme de l'or embrasé par la pleine lune lui conférant un air fantomatique. Après quelques minutes de marche, la sorcière prend un chemin menant dans le bois voisin qu'elle suit jusqu'à la masure où personne ne va. Tant de superstitions l'entourent que personne n'ose s'en approcher. La sinistre maison de bois craque sous le vent et la sorcière entre. Effrayée, Lune se place dans l'embrasure d'une fenêtre pour observer ce qui se passe à l'intérieur. La sorcière farfouille de longues minutes dans l'unique pièce de la ruine. Elle prend enfin un lot de bougies qu'elle place en cercle. Cérémonieusement, elle allume les bougies avec des alumettes trouvées dans la pièce et les fixe avec de la cire fondue. A en croire les nombreuses traces au sol, ce n'est pas la première fois qu'elle effectue cette cérémonie nocturne.
Dans la pièce immense, la femme se trouve au milieu d'un cercle illuminé. Lune remarque alors tout autour de la sorcière, un cercle formé par les citrouilles des voisins qui ont mystérieusement disparu durant la nuit d'halloween. Elles semblent servir à un étrange rituel, leurs gueules grimacent un sinistre sourire et leurs yeux vides s'illuminent d'un regard inhumain dans la pénombre de la masure. Les curcubitactées roulent bientôt par la porte ouverte, Lune les suit. Après quelques minutes de course, sous les yeux horrifiés de la jeune fille, les citrouilles roulent sur elles-mêmes pour frapper aux portes dans un bruit sourd. Lorsque les habitants des maisons ouvrent leur porte, ils hurlent devant ce prodige et fuient en courant. Chaque citrouille frappe la porte devant laquelle est s'est arrêtée ; encore et encore, elle roule légèrement en arrière pour prendre de l'élan et s'abbattre sur la porte qu'elle frappe avec un bruit sourd. Puis, elle recommence son manège jusqu'à ce que l'occupant ouvre sa porte pour voir ce qui se passe. Alors, les citrouilles ricanent de la peur de l'occupant du logis qui referme sa porte en hurlant puis les courges reprennent leur chemin en roulant sur elles-mêmes jusqu'à la prochaine maison. Ecoeurée, Lune court se réfugier dans sa maison. Bientôt, elle entend toquer à sa porte encore et encore durant de longues minutes. Recroquevillée sur elle-même, elle se murmure « N'ouvre pas la porte, n'ouvre pas la porte ». Enfin, le silence se fait et elle entend son voisin hurler au bout de quelques minutes. Soulagée, elle se rend dans sa chambre pour se blottir sous la couverture en attendant l'aube.
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