Entends-tu mon ami, ce pas silencieux dans la nuit ? C’est son pas ! C’est le pas de l’homme aux yeux de Jack. Toujours dans l’obscure, certains murmurent même qu’il serait un lémure. Chut ! Ne bouge plus ! As-tu aperçu cette sombre noire dans l’ombre du beffroi ? C’est lui ! J’en suis sûr ! C’est l’homme aux yeux de Jack !
Comment ? Surtout pas malheureux ! Sortir ! À cette heure-ci ! En cette nuit ! Il prendrait plaisir à t’occire. Reste donc auprès de moi.
Ah sot que tu es ! Insistez ainsi, alors même qu’il rôde dans la nuit. En ce cas, accompagne-moi. Il fait si froid. Ne sens-tu point ce blizzard qui s’infiltre et qui nous glace d’effroi ?
Prends garde et détournons-nous de ce passage ! Je l’entends qui égrène sa chanson du Diable.
Je suis le Diable
Je suis l’homme aux yeux de Jack
Je suis le mâle
Je suis l’homme qui porte le frac
Je suis le pâle
Je suis l’homme qui fait tic-tac
Fuyons et réfugions-nous ! Les tavernes sont chaudes en cette heure et emplies de monde. Suis-moi et prenons une mousse.
Me reprocherais-tu cette virée nocturne ? Que nenni, réponds-tu ! Diantre ! Voici que tu as l’audace de remettre en cause ma parole. Oh, mais vite ! Cachons-nous, car le voici qui saute !
Ne devines-tu pas cette silhouette sombre dont les yeux d’argent trahissent la présence ? Change donc tes yeux ! Ils ne sont que des creux, vides et abscons. Je n’ai pas envie qu’il me crève la paillasse et qu’on me retrouve, bidasse éventrée, demain matin sur le trottoir. Ne saisis-tu donc pas ? Cet homme est le diable ! C’est l’homme aux yeux de Jack.
Le suivre ? Malheureux ! Veux-tu qu’il nous en cuise ? C’est un triste sir, sournois et maléfique ! Sa légende s’arrêterait-elle aux portes de la ville ? Impossible ! Même le Yard est sur sa piste !
À lui ! L’homme aux yeux de Jack !
Recule ! Le voilà qui arrive ! Toujours élégant, dandy aux yeux d’argent. Il chasse, ne le vois-tu pas ? Il hume ses proies. Ce n’est pas ni un gourmand ni un charognard, car il se délecte de l’attente. Oh oui ! Car je les ai entendus, trop souvent à mon déplaisir ; ces cris qui déchirent la nuit lorsque s’ouvre le cuir.
Comment ? Tu ne veux plus fuir, même après ce que je viens de te dire ! Tu préfères affronter le péril ! Non-pas seul, cela va sans dire. Ah mais ! Je ne désire point gésir. J’ai encore toute une vie de plaisir et d’élixir, peuplée de cons et de débauches, qu’il me tarde d’assouvir.
Et tu insistes, alors même que se répand son rire. Un rire cynique et ironique aux accents comiques lorsqu’il plante son regard, empli de folies, dans celui de sa victime. Ah !Voici que je me glace d’effroi. Il est là ! Ne vois-tu donc rien ! Pas même cette ombre géante qui nous enveloppe de sa présence. Va-t’en pendant qu’il est encore temps ! Il ne nous a point encore vus. Profitons de cet instant ! Vole ! Cours ! Fuis ! Petit être au regard d’ange. Va-t’en avant que l’homme aux yeux de Jack ne te dévore ! Veux-tu que la bête surgisse et t’étripe ? Imagine-toi, petite fleur au matin calme, fleur écarlate à qui l’on aurait répandu la tripaille. Tu ne seras qu’un anonyme de plus, épinglé à la fin de cette sinistre liste. As-tu oublié combien de ces fleurs sans vie ont été retrouvées disséminées çà et là dans la ville ? Bouquets éphémères de chairs et de sang au milieu d’un linceul de glace innocente. Oh ! Comme ils étaient beaux ces petits corps gelés que l’on retrouvait au levant. Leur peau avait la pâleur de la nacre, rehaussée par leurs lèvres bleutées. Petites filles, petits anges aux corps gelés, tombés dans les bras de l’homme aux yeux d’argent.
Enfin ! N’entends-tu point le démon qui s’en vient ? Ne perçois-tu point le bruit de sa canne dont la pointe frappe le sol glacial et me tétanise d’effroi ? Toc, toc, toc, fait le métal sur le pavé froid. Clac, clac, clac fait le bruit de ses bottes. C’est le diable ! L’homme aux yeux de Jack qui s’approche. N’entrevois-tu point cette lame d’argent qui brille dans sa main ? Fuis donc, inconscient ! Car s’en vient le loup aux crocs d’argent ! Cours donc petit chaperon, avant que l’homme aux yeux de Jack ne t’éventre. Écoute donc son chant ! C’est celui de son couteau qu’il aime tant. Ah ! Si tu savais comme il préfère prendre son temps. Point tu ne resterais, petite fleur délicate.
Oh ? Voici que tu m’écoutes et que tu prends tes jambes à ton cou. Mais enfin, pourquoi en cette direction ? Voyons ! Cette ruelle est bien trop étroite pour toi ! Regarde-toi donc petit ange au visage glacé d’effroi. Vois donc ton haleine figée qui s’échappe. Je l’attrape du bout de mes doigts.
Comment ?
Mes yeux ! Mes dents ! Tout cela est d’argent ! Est-ce seulement maintenant qu’enfin tu comprends mon chant ? Car oui, je suis Jack ! Jack, l’homme aux yeux du Diable ! L’ombre dissimulée dans le beffroi. Ah ! Mais ne tremble donc pas comme cela ! Veux-tu que je te rate ? Comment ferai-je si tu te débats ?
Allons ! Fuis donc petit angelot, que je m’amuse un peu ! Ignores-tu qu’aucune proie n’échappe à l’homme aux yeux de Jack ? Je compte jusqu’à trois ! Écoute le bruit de ma lame ! C’est lui qui te guidera. Que ne t’ai-je point mis en garde !
Oh ! Mais voici que tu as disparu, petit ange au coeur de lys ! Me voilà tout triste, car tu triches. Ah ! Je n’avais point fini. Schouic, schouic, fait la lame que l’on aiguise. Oh, non ! Petite fleur brisée, pourquoi donc as-tu sauté ? Je ne peux plus jouer. Oh ! Oh ! Mais voici que tu tressautes ! Je suis rassuré. Allons ! Prends une grande inspiration. Il serait dommage que je ne profitasse point de cette fleur écarlate qui prend naissance sous toi. Elle est si belle et délicate ; corolle de vermeil dans un linceul fait de blancheur. Tu seras sans aucun doute mon nouveau chef-d’oeuvre ! À moi ! L’homme aux yeux de Jack !
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