Nathalie referme le battant du bungalow dans son dos, puis s’échine à contrôler sa respiration. Son cœur palpite, elle ne parvient pas à réaliser ses actions. Oh, comment a-t-elle réussi à piquer les clefs de Christophe, à attendre que Françoise et Claude soient hors de leur demeure, puis y pénétrer telle une voleuse ? La curiosité qui la ronge depuis son altercation avec Claude était-elle insoutenable à ce point ? La honte la tenaille, mais l’envie de découvrir la vérité est plus grande encore.
Nathalie effectue une dizaine de pas dans le couloir. Elle a besoin de s’assurer qu’elle n’est pas folle, besoin de comprendre. Elle ne « guérira » pas, sinon ; à la place, elle continuera à cauchemarder aux horribles doigts spongieux qui l’ont effleurée… La perspective l’angoisse tant qu’elle oublie ses remords et se sent prête à pénétrer dans le bain privé par effraction.
Elle se dirige vers le verrou qui le dissimule à pas précipités. Elle désire en finir au plus vite, la simple idée d’être attrapée la main dans le sac la glace d’effroi. Elle déniche la clef sans aucune difficulté et entre enfin, apeurée et excitée.
Nathalie scrute l’eau à distance. Elle ne remarque rien et s’en approche avant d’effectuer le tour du bassin.
— Il y a quelqu’un ? demande-t-elle.
L’impression d’être une idiote la taraude, toutefois elle s’interdit d’abandonner. Elle repose sa question à plusieurs reprises.
Ses efforts paient. Une silhouette féminine jaillit du liquide et entrouvre ses lèvres ruisselantes.
— Tu es revenue…
Nathalie se pétrifie. Sa preuve se tient là, juste devant elle ! Elle n’en éprouve pourtant pas de joie et recule d’instinct.
— Tu es réelle, chuchote-t-elle.
L’émergée acquiesce.
— Je suis désolée de t’avoir affolée l’autre jour. Ce n’était pas mon intention.
Son timbre doux la rassure. Elle ne paraît pas hostile.
— Ta tête est-elle douloureuse ? l’interroge-t-elle en nageant vers elle.
— Je… je n’ai plus mal.
— Je t’effraie ?
Nathalie dément. Bien que présente, sa crainte n’est plus aussi intense que lors de leur rencontre. Nulle agressivité ne plane dans l’air, elle ne se juge pas en danger. Qui plus est, avoir la certitude de ne pas être cinglée la soulage et la détend.
— Tu n’es pas fâchée d’avoir été blessée à cause de moi ?
L’étrangeté de la situation lui saute au visage, mais elle s’efforce de l’accepter. Elle a après tout choisi de la provoquer.
— Non, réplique-t-elle avec sincérité, il s’agissait d’un accident. Je… c’était la première fois que je rencontrais une… une…
— Je suis une nixe
— Une nixe, répète-t-elle.
Que signifie un nom pareil ?
— Une habitante des lacs et rivières, si tu préfères. J’ai essayé d’entrer en contact avec toi. Je souhaitais discuter.
Intriguée, Nathalie s’avance jusqu’au bord de la piscine et s’accroupit. Ses appréhensions se dissipent de seconde en seconde. Elle pressent que ladite nixe ne lui causera pas de tort. Une sorte d’aura se dégage d’elle, un petit rien qui l’incite à lui accorder sa confiance.
— Aide-moi, l’implore soudain celle-ci.
Elle hoquette. Pour quoi ? Et pourquoi moi ?
— Il faut que je sorte d’ici, poursuit la femme d’eau. Le sel… il me blesse, il m’affaiblit. Cet endroit est une prison conçue pour les miens, les êtres du monde autre.
— Le monde autre ?
Le nom sonne étrangement à ses oreilles ; admettre son existence ne lui est pas aisé. On se penserait dans un rêve…
— Le monde invisible, mon monde. Oh, sors-moi d’ici avant qu’il revienne !
Il ?
— Qui ?
— Cet individu atroce !
— Claude…, murmure Nathalie. Il te retient, n’est-ce pas ?
La créature opine.
— Il cache donc en effet des secrets…
Mais quelles raisons ? Elle est incapable de le déterminer.
— C’est un chasseur. Ses pairs et lui nous traquent et nous éliminent… Ils nous enferment des jours durant dans des lieux emplis de solution saline afin de nous affaiblir ! Puis dès qu’ils se sont réunis, ils nous traînent dans leur planque, où ils nous mettent à mort… J’ai peur. J’ai si peur !
Le souffle de Nathalie se fige.
— Mon Dieu !
— Je t’en prie, aide-moi…
Le ton employé est tellement implorant ! Elle ne peut y rester insensible. Pourquoi diable Claude la torture-t-il ? Ses actes la dépassent.
Je ne peux pas demeurer les bras croisés.
— Comment ? chuchote-t-elle.
— Oh, merci ! Merci, merci ! Tu… Trouve un récipient de n’importe quelle taille, je m’y fonderai. Transporte-moi ensuite hors d’ici et amène-moi dans le cours d’eau douce le plus près. Tu es mon dernier espoir, je…
— Que fiches-tu là !?
Nathalie sursaute, puis se retourne. Apercevoir son beau-père l’épouvante ; ses pupilles s’écarquillent de terreur. Un remous dans le bassin lui indique que son interlocutrice s’est immergée en totalité. Elle est seule pour affronter la tempête qui approche…
— Je…
Sa gorge est si nouée qu’elle ne parvient pas à en sortir plus de mots. Tétanisée, elle observe Claude la rejoindre d’un pas lourd de colère. Sa peur est telle qu’elle ne réagit même pas lorsqu’il la soulève et l’entraîne hors de la pièce. Une petite voix lui murmure que protester aggraverait son cas – elle n’a que trop conscience du caractère criminel de ses actions.
L’homme l’emmène au salon, où il lui ordonne de prendre place. Penaude, elle s’exécute sans chercher à fuir.
— Je n’en reviens pas, Nathalie ! Es-tu sérieuse ? N’as-tu aucun respect envers Françoise et moi ? J’ignore ce qui me retient d’appeler la police ! Christophe est-il informé de ton « escapade » ?
Nathalie secoue la tête avec hâte, puis tente de s’excuser.
— Je…
— Tu n’es qu’une idiote ! l’interrompt Claude. Et une ingrate, par-dessus le marché… Est-ce ainsi que tu nous remercies de t’avoir accueillie dans notre famille ?
La fureur qu’il dégage la rend muette. Sans oublier les révélations qui lui ont été faites, elle réalise la folie de son entreprise.
— Alors ? N’as-tu rien à dire pour te défendre ?
— Je… je suis désolée, bafouille-t-elle tandis que les larmes lui montent aux yeux. J’avais besoin de découvrir si j’avais halluciné. Je ne voulais pas vous causer du tort, vous… vous aviez refusé de me parler et…
— Respecter un interdit t’est-il si difficile ? éructe Claude. Roh ! J’avais prévenu Françoise que te proposer de te baigner chez nous était une idée désastreuse !
Ses mots l’aident à sortir de sa torpeur. Elle ne réussit pas à retenir une question :
— Est-elle au courant que vous y avez entravé un habitant des rivières ?
L’expression de Claude se ferme davantage.
— Je vois. Tu délires encore. Il faut vraiment que tu te soignes, Nathalie…
L’insinuation allume en elle un brasier de colère.
— Non ! Je vous défends de prétendre que je me drogue. J’ai rencontré la nixe, et vous vous en doutez ! Elle… elle m’a tout raconté. Vos amis traqueurs et vous l’avez capturée. Vous avez l’intention de l’éliminer ! C’est cruel, vous… vous n’en avez pas le droit !
— Pas le droit, hein ? siffle Claude.
Nathalie se tasse dans son fauteuil. Elle jurerait qu’il se contient afin de ne pas la gifler.
— Petite cruche ! Tu ne te demandes pas pourquoi nous souhaitons l’éliminer ? Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, Nathalie.
— Je…
— Non, je refuse d’en entendre plus. Va-t’en maintenant, quitte la maison ou je me fâche !
— Mais…
— Quitte la maison, répète-t-il avec hargne.
L’ordre est sec, sans appel. Nathalie se lève. Ses joues sont humides. D’une démarche timide, elle se dirige vers l’entrée.
Claude lui agrippe le bras.
— Tu… Tu n’es pas une méchante fille. Oublie cette histoire, promets de ne pas mentionner tes découvertes, et Christophe n’apprendra pas ta « visite ». Suis-je assez clair ?
Les lèvres tremblantes, elle n’a pas d’autre choix que d’acquiescer…
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