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Cette voix ! Elle est douce, pure, cristalline... elle se transforme soudain en un hurlement déchirant... je me réveille en sursaut. Mes draps sont trempés de sueurs. Je me sens mal. Je me lève et vais me rafraîchir le visage. Le miroir de la salle de bain me renvoie l'image d'un jeune homme aux yeux hagards... il est six heures du matin et je sais que je ne vais pas pouvoir me rendormir.

Ce rêve est récurant mais la fin change tout le temps. Je ne cesse d'y réfléchir pour expliquer cette étrangeté. Aucune explication rationnelle ne m’éclaire. Mon esprit cartésien n'en vient jamais à bout. Les premières images sont venues lorsque j'ai emménagé ici, au fin fond de ce pays montagneux qui constitue la diversité de la France. N'en pouvant plus je sors. Rien de mieux qu'une promenade pour s'aérer l'esprit... Je quitte le chalet. Dehors il fait déjà chaud malgré l'heure matinale ! Je découvre les bois qui m'entourent... Ils m'apportent le calme et la sérénité. Une cloche sonne sept heures. Cela me rappelle que non loin d'ici se trouve un couvent. Il est réputé pour son histoire qui a été marquée par de grandes dames renommées dans toute la région. Autant donné un but à cette balade. Je me dirige vers l'édifice religieux. Il s'accroche aux flans escarpés de la montagne. Etant situé en altitude, lorsque j'y arrive, l'air s'est rafraîchi et une légère brume subsiste. Le bâtiment est fermé donc je ne peux que contempler la façade extérieure. Un écriteau renseigne les passants sur l'histoire du couvent. Je le lis.

Ma lecture est interrompue par la voix ! Elle chante ! Les notes s'élèvent crescendo... J'attends le hurlement... Mais je ne suis pas dans un rêve. Le chant s'achève. Je suis bouche bée... Elle existe. Comment se fait-il que je la connaisse ? Je reste là. Un nouvel air se forme et devient audible. Chaque rempart est dérisoire. La voix est plus libre que n'importe quel élément. Ce nouveau chant est envoûtant. Il a quelque chose d'exceptionnel... d'inimitable. Il retentit pendant une heure durant laquelle je suis ancré dans le sol. Absorbé. Je patiente vainement dans l'espoir d'un autre récital. Mon vœu ne se réalise pas. Je reviens sur terre. Il est temps de rentrer. Je sais que je reviendrais. Besoin vital d’entendre une autre mélodie. Par la suite je fus au rendez-vous tous les matins, je me gorgeais de ces complaintes. Chaque matin, un chant a découvrir, toujours différent mais toujours splendide. La jeune fille qui les interprète maîtrise les envolées lyriques avec habilité et comme je ne l'avais jamais entendu auparavant. L'été touche à sa fin. Je ne pourrais plus venir si régulièrement au couvent. Je le déplore.

Je meurs d'envie de voir la chanteuse. Plus le temps passe plus ce désir me consume. Comment la voir ? Mon esprit échafaude plusieurs plans... Cédant à la tentation, je décide de pénétrer le monastère. Le samedi matin me voilà prêt à partir. Le récital a déjà commencé lorsque j'arrive. Je tente d'ouvrir la porte principale. Sans succès. Je fais le tour du rempart à la recherche d'une entrée plus discrète. Elle existe effectivement. La marche pour y parvenir a été longue mais salutaire. Le verrou n'est pas activé. La porte est bloquée, je m'acharne dessus un temps... Mes forces l'entrouvrent juste assez pour me permettre d'entrer.

Je débouche sur le cloître. Tout est blanc. Un jardin en occupe le centre. Par endroit le lierre s'est agrippé aux colonnes. En dépit du feuillage, le reste de la végétation est parfaitement entretenue. L'herbe est tondue. Les parterres de fleurs sont soignés. L'ensemble est lumineux et odorant. Au milieu de ce décor floral se trouve la chanteuse. Elle est vêtue d'une robe d'un blanc immaculé. Sa chevelure descend sur ses épaules, elle a la couleur éclatante du caramel. Sa peau est laiteuse semblable à son vêtement. Je m'approche tranquillement. Elle ne paraît pas me voir. Plus la distance diminue plus la puissance du chant m'envahit corps et âme. Je vibre sous les notes. C'est une soprano. Les notes aiguës transpercent le son et cherchent à atteindre le ciel pour y trouver refuge. Je m'assois et écoute. Le temps s'égraine. La jeune fille dispose d'un répertoire infini. Jamais je n'entends le même air. Je ferme les yeux. La musique me berce. Je sombre dans une léthargie profonde.

Des images m'assaillent... Une pièce blanche capitonnée... Une lumière agressive absolument pas naturelle. Une chaise au centre de cette cellule. Par endroit le capiton est arraché. Une odeur viciée flotte dans l'air. Il y a aussi une grande porte blindée avec un judas à l'extérieur. Toutes ses images sont en opposition avec la douceur de la mélodie. Je rouvre les yeux... Le paysage est le même, le jardin et la jeune fille sont présents. Sa voix enchanteresse résonne toujours. Le jour baisse. La journée s'achève.

Je ne songe pas à rentrer. Un pressentiment s'infiltre dans mon esprit : si je retourne au chalet, mes jours sont comptés. Alors je dors à la belle étoile. Seul dans le noir et le froid avec seul espoir de la revoir. La rosée du matin m'éveille, elle laisse place à une pluie battante. Je me dis que la chanteuse ne viendra pas. Et pourtant, elle est là. Elle s'installe dans le cloître non loin de moi. Elle chante. Je me rendors bercé une fois de plus.

Soudain des voix nouvelles viennent briser cet instant de repos. Les voix sont dures. Si nombreuses. Elles dialoguent et je ne comprends pas. Je reprends conscience, je suis entouré de blouses blanches. Assis sur une chaise dans une pièce aux murs blancs capitonnés. La voix chantonne toujours dans mes oreilles. Le hurlement survient... On m'empoigne.

Je suis le hurlement, le chant !


Texte publié par Cora Elzéar, 30 août 2017 à 16h02
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