La première chose que je ressens, en me réveillant, c’est une chaleur étouffante et écrasante. Ainsi qu’une forte migraine. Ma gorge et ma bouche sont totalement sèches. J’ouvre les yeux et une lumière éblouissante m’aveugle aussitôt, m’obligeant à plisser les paupières pour tenter de discerner quelque chose. Je sens alors une ombre sur moi et quelqu’un se penche, mais je ne parviens pas à distinguer de qui il s’agit.
Une voix forte hurle à mon oreille et je grimace, tourne la tête. C’est une langue qui m’est totalement inconnue, mais je n’ai aucun mal à deviner que je ne suis plus à Selesthazar. Les Tarbenians ont probablement dû remporter cette victoire et je suis leur prisonnière. Une main me saisit fermement par le bras et m’oblige à me relever. J’ai quelques difficultés à me tenir debout et je sens mon corps se pencher en arrière, retenu par des barreaux brûlants. Je m’en écarte aussitôt et le Tarbenian qui m’a brusquée s’esclaffe, crache par terre et quitte la cage dans laquelle je me trouve. Il ferme la porte à clé et quelqu’un me jette un seau d’eau froide à la figure, m’arrachant un cri de surprise.
Par une chaleur pareille, ce n’était pas la meilleure idée qu’ils aient eue. Eux sont couverts par des tissus et des foulards, moi je n’ai rien. Le temps que j’émerge totalement de mon inconscience, je m’aperçois que Dame Affriola, Arthérien et Sire Goldorus se trouvent dans la même cage que moi. Sire Brandélénium n’est pas là, mais il y a bien longtemps qu’il s’en était allé de Selesthazar. Il a échappé à une superbe défaite. Dame Affriola est encore inconsciente et Arthérien l’évente pour tenter de la réveiller.
— Amaranthe, vous êtes enfin réveillée ! Comment allez-vous ?
— Mal. J’ai chaud, ma tête me fait souffrir et je crois que je fais une insolation.
— Nous sommes exposés au soleil depuis plus de deux heures.
— Ils vont finir par nous tuer.
— Non, la nuit va rapidement tomber et d’ici demain nous serons arrivés à l’une de leurs capitales.
— L’une ?
— Oui, ils en ont plusieurs. Vous avez été inconsciente une journée entière. Les Tarbenians avancent vite, ils sont connus pour leur redoutable vitesse et leur force destructrice. Malheureusement, nous sommes tombés sur un ennemi plutôt féroce. Même les Abernians, à côté, sont de véritables agneaux.
— Vous voulez dire que tout ce que j’ai appris n’a servi à rien ?
— Pas avec eux. Ils vont s’assurer que vous soyez sans défense.
— Et comment espèrent-ils tirer quelque chose de moi si je suis faible ?
— C’est un peuple sauvage et brutal, ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font. Enfin, si, mais ils pensent surtout pouvoir régler tous leurs problèmes par la force et la violence.
Je me rassois, complètement dépitée par une nouvelle aussi affligeante. Finalement, même Sire Goldorus s’avérait être un bon ennemi. J’ai échappé à une douce torture, mais ce qui m’attend là ne m’enchante pas vraiment. Je comprends pourquoi ils m’ont capturée moi, en revanche je ne saisis pas vraiment pourquoi ils ont fait d’autres prisonniers.
— Pourquoi vous ont-ils capturé ?
— En capturant Sire Goldorus, ils espèrent soumettre Abernanthe. En capturant Dame Affriola, ils veulent régler le souci de territoire à leur manière. Ils vont l’écarteler je crois.
— Et vous ?
— Moi… Je suis connu pour être un parfait espion, je pense qu’ils voudront de mes services. Amaranthe, ce peuple n’est pas amical. C’est la violence qui les guide, la sauvagerie. Ce sont de véritables animaux, ils…
J’entendis une voix forte suivi d’un bruit et mon corps se propulsa en avant contre les barreaux après avoir reçu un nouveau coup. À moitié sonnée, je me redresse péniblement avec l’aide d’Arthérien qui abandonne aussitôt Dame Affriola pour venir me porter secours. J’imagine que l’un de ces Tarbenians nous a demandé de nous taire. Comme l’a souligné Arthérien, ils semblent effectivement très amicaux.
Arthérien effleure ma blessure et je grimace. Quand il regarde ses doigts, j’y vois du sang.
— Il n’y est pas allé en douceur. Vous saignez, il faudrait soigner cette plaie…
— Vous parlez leur langue ?
— Non. Très peu de personnes la maîtrise, car ils ne sont pas du genre à vouloir se sociabiliser. Nous devrions nous taire avant que vous ne receviez un nouveau coup.
J’acquiesce, blême, et m’allonge sur le sol de la charrette sur laquelle nous nous trouvons. La chaleur m’étouffe et me donne la nausée, mais ma blessure et la soif me font rapidement plonger dans une étrange torpeur.
— Amaranthe ? Amaranthe, il fait nuit…
— Mmh… ?
Quelqu’un me secoue et il me faut un peu de temps avant de me réveiller totalement. Arthérien m’entoure. Je remarque que Dame Affriola a enfin émergé de son sommeil probablement grâce à la fraîcheur de la nuit. Je me sens légèrement mieux. Le ciel est noir et parsemé de milliers d’étoiles. C’est très joli à regarder et probablement me serais-je perdue dans la contemplation de ce firmament étoilé si la situation n’avait pas été aussi dramatique.
— Amaranthe, nous devons profiter de ce moment pour nous échapper, me murmure Arthérien à l’oreille. Ils se sont tous endormis. Utilisez votre magie comme vous l’avez fait sur le champ de bataille pour dévier la trajectoire du bombardier !
— C’était accidentel, je ne l’ai pas fait exprès.
— Je vous en prie !
J’accepte malgré moi, mais je ne promets aucun résultat concluant. Me concentrer est réellement difficile, car la douleur à l’arrière de mon crâne me lance continuellement, mais une fois que j’ai récupéré un peu de force, je ferme les yeux et me concentre pour tenter de sentir la magie. Rien ne se passe. Je rouspète et pose ma main sur la serrure de la cage. Elle s’illumine d’une très faible lueur et Arthérien m’encourage, les yeux remplis d’espoirs. La lumière s’intensifie et moi-même je commence à nourrir le faible espoir que nous puissions nous échapper, malgré tous les corps qui jonchent le sol. C’est un très grand risque, mais je suis prête à le prendre si cela peut me permettre de m’enfuir.
Malheureusement, quand la serrure cède elle produit un cliquetis effroyable et plusieurs Tarbenians se redressent immédiatement en grommelant et en criant des ordres. Arthérien me pousse hors de la cage en hurlant qu’il faut se dépêcher, mais des dizaines de hallebardes nous encerclent rapidement. Dame Affriola et Arthérien sont contraints de retourner dans la cage de laquelle Sire Goldorus n’a pas bougé, probablement car il se doutait de notre échec cuisant.
Moi, je suis amenée à part, ligotée à un poteau. Des gardes sont mis en place pour effectuer des rondes régulières, mais l’un d’eux reste prêt de moi, les traits du visage déformés par la colère. À cet instant, je crois que j’aurais préféré lire dans son regard une lueur malsaine, comme celle de ces brigands sur la plage après le tsunami. La chose aurait été tellement plus douce.
À la place, c’est une première gifle que je reçois, suivie par des vociférations. Il ne semble pas apprécier ma tentative de fuite et je commence à la regretter. Il m’attrape alors par le col de mon haut et me secoue puis me gifle. Vexée, énervée, je relève le visage.
— Je ne vous comprends pas, espèce d’abruti de mes deux !
Il me crache à la figure et s’apprête à m’asséner un énième coup, mais un de ses compagnons le retient de justesse, lui parle poliment et tous deux s’éloignent d’un pas lourd. Je soupire, soulagée.
Personne ne vient pour me délivrer. Nous n’avons pas même eu droit à de l’eau ou un repas.
Finalement, c’est au terme de quelques heures que je parviens à me rendormir, épuisée et fatiguée.
C’est l’agitation du campement qui me réveille le lendemain et je suis traînée derrière un cheval. Ma place dans la cage me manque, j’y aurais été bien mieux. Arthérien me lance souvent des regards plein de culpabilité et je lui souris pour tenter de le réconforter. Après quelques heures de marche, mes jambes commencent à se faire lourdes, le soleil me tape sur la tête. Heureusement, nous effectuons une pause et les Tarbenians daignent me donner à boire et à manger. J’en lécherais presque mon assiette quand je constate avec dépit qu’il n’y a plus rien dedans.
Nous reprenons ensuite la route, marchant à travers un désert qui me semble interminable. Le sable me brûle sous les pieds, mais je sens mes forces commencer à m’abandonner et je dois également lutter pour ne pas sombrer dans l’inconscience. La chaleur du soleil est pesante, assommante. Elle me donne une migraine insoutenable. Lorsque je lève les yeux, je suis soulagée de voir que mon calvaire est bientôt terminé. Nous approchons d’une ville. Elle semble plutôt modeste au premier coup d’œil, mais ce n’est pas ça qui m’importe le plus. J’espère seulement que ces Tarbenians auront l’amabilité de nous mettre à l’ombre avant que le soleil ne finisse par nous tuer.
Mes jambes cèdent tout à coup sous mon poids et je tombe lourdement au sol, mais ce n’est pas ma faiblesse qui les ralentit. Ils n’ont aucune pitié et me traînent jusqu’à la ville sans m’aider à me relever ou me proposer à boire. Je les maudis. Un jour, ils le regretteront.
La ville est principalement constituée de yourtes plus ou moins grandes, au milieu d’une oasis. Les arbres qui nous entourent font de l’ombre et les habitants qui se trouvent là s’écartent de notre route en nous dévisageant. Il y a également quelques animaux, mais aucun champ. J’ignore comment ils se ravitaillent en nourriture s’ils ne commercent pas avec les autres royaumes, mais ils ne semblent pourtant manquer de rien. S’il s’agit d’une de leurs capitales, elle est ridiculement petite et modeste. Je m’attendais tout de même à quelque chose d’un peu plus grand et imposant, mais il faut croire que c’est leur style de vie. Je me relève en sentant l’herbe fraîche sous moi et je peux enfin marcher sans craindre les rayons dardant du soleil. Les plantes et les fleurs caressent souvent mes jambes et j’aperçois non loin une étendue d’eau claire très jolie.
Cependant, l’oasis cachait bien son jeu. Quand nous franchissons une ligne d’arbres et de hautes plantes, c’est là que je la vois : une yourte bien plus imposante que les autres. Elle est véritablement énorme, à telle point que je me demande ce qui s’y trouve à l’intérieur et pourquoi ils l’ont fabriquée si haute et si large. À moins que leur roi ne soit un personnage gourmand d’argent, de luxe et de richesse, je ne vois pas l’utilité de construire une yourte aussi gigantesque et toute en bois, avec des structures métalliques pour maintenir le tout.
C’est là que nous conduisent les Tarbenians et lorsque nous y entrons, je suis estomaquée. C’est une ville qui a été construite à l’intérieur même et des habitations longent ce que je vais appeler des murs à défaut de ne trouver aucun terme réellement approprié. J’ai l’impression de me trouver à l’intérieur d’une véritable ruche et la façon dont a été bâtie cette ville me rappelle un peu celle de Cemptrion avec ses ponts et ses passerelles, sauf qu’ici il y a beaucoup plus de verdure, des lumières qui parcourent chaque pont, chaque chemin, chaque passerelle, et un jardin en son centre avec un large bassin d’eau où y nagent paresseusement quelques poissons.
Tout en bas, en revanche, ce n’est qu’une seule et même habitation qui fait le pourtour de la yourte et je devine sans mal qu’il s’agit du palais royal.
Les chevaux sont laissés aux mains de quelques écuyers et nous abordons une petite porte non loin pour descendre sous terre. Ce sont sûrement des cachots, je n’aurai donc pas le temps d’admirer la beauté de cette ville. Elle contraste curieusement avec le caractère des Tarbenians.
L’endroit est déjà plus frais, mais c’est agréable. Nous arrivons enfin au bas de l’escalier et débouchons sur un large couloir. Là, nous franchissons plusieurs cellules. Toutes sont occupées par des gens de races diverses et variées. J’ignore combien de cellules contient cette prison et combien de prisonniers s’y trouvent, mais les cris que j’entends m’effraient. Je ne sais pas ce que font les Tarbenians, quel sorte de plan machiavélique ils ont dressé, mais je ne suis pas très rassurée.
Nous longeons une multitude de couloirs avant de trouver de nouvelles cellules libres. Nous y sommes enfermés tous ensemble en attendant notre sort.
— Il en faut de l’argent et de la nourriture pour nourrir autant de bouches, je m’exclame d’une voix blanche.
— Si tant est qu’ils les nourrissent, grommelle Arthérien.
— Je pense qu’ils doivent les nourrir, murmure doucement Dame Affriola en s’asseyant. Du moins, nous ils ne vont pas nous oublier. Nous sommes des prisonniers importants.
— Ils ne nous ont pourtant pas traités avec la plus grande douceur.
— Peut-être, mais ils vont faire en sorte que nous restions en vie, même si nous sommes amochés.
Je ne sais pas si c’était censé me rassurer, mais si c’est le cas, ça n’a pas fonctionné. Je soupire et ne tarde pas à imiter Dame Affriola en m’installant au sol. Il est mouillé, mais à l’heure qu’il est je suis presque contente que cet endroit soit aussi humide. J’ai l’impression que ma tête va exploser à tout moment, je n’en peux plus. J’ai mal, c’est horrible. Elya et Toriel me manquent. C’est toujours dans ces moments-là que je pense à eux, mais je sais qu’ils ne viendront pas à mon secours cette fois-ci. Il faudrait déjà qu’ils sachent où j’ai été et ce qui s’est produit.
— Quel merdier, je marmonne.
— Pardon ?
— Non rien…
Notre sort est scellé. Nous n’avons plus qu’à attendre que l’heure de notre mort approche. J’espère qu’elle va être clémente et arriver assez tôt. Ma gorge se serre et je laisse quelques larmes couler sur mes joues. Je me suis durement entraînée pour devenir une guerrière hors paire, pour ne plus avoir à demander d’aide à quiconque, et au final tout cela n’aura servi à rien. Je reste aussi incompétente qu’à mes débuts. Je crois que ce monde tente de m’envoyer un message, j’aurais dû ne jamais franchir ce voile et plutôt exécuter l’idée que j’avais en tête. Les choses auraient été tellement plus faciles, plus simples… Et eux n’auraient pas eu à subir les effets de ma présence dans leur monde. Je suis une malédiction pour toutes les races qui peuplent ce monde. Sérieusement, qui aurait cru une telle chose ?
— Nous allons nous en sortir, Amaranthe, ne vous inquiétez pas, tente de me rassurer Arthérien.
— Vraiment ? Vous avez pourtant dit qu’il s’agit d’une race violente, je doute qu’ils nous laissent facilement nous échapper. La seule fois où nous avons tenté de le faire, ils nous sont tombés dessus et vous avez vu le résultat ? Je pense que ça n’était rien à côté de ce qui nous attend ici.
— Ne perdez pas espoir aussi facilement.
Pourtant, je secoue la tête.
— Tous les choix que je fais aboutissent à des résultats comme celui-ci, Arthérien. Tôt ou tard, l’un de mes choix va véritablement finir par me tuer. Je doute qu’il y ait une quelconque issue, nous devons simplement accepter notre sort et tenter de nous en accommoder.
Tout ce temps, je n’ai pas entendu Sire Goldorus déblatérer un seul mot et ce n’est peut-être pas plus mal ainsi. Je lâche un nouveau soupir et ferme les yeux pour tenter de me reposer.
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