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tome 1, Chapitre 24 « Les Grottes d’Antremerre » tome 1, Chapitre 24

Je ne compte plus le nombre de jours depuis que j’attends leur arrivée. Je commence sérieusement à me demander s’ils sont réellement partis à ma recherche ou s’il ne leur est pas arrivé malheur. Je m’inquiète et tous mes espoirs commencent à fondre lentement mais sûrement tandis que je vois les jours défiler.

Mon humeur s’assombrit toujours plus, tant et si bien que j’en perds l’appétit. Voilà pourquoi, aujourd’hui, je me retrouve devant une superbe assiette fort appétissante mais dont l’odeur absolument délicieuse m’écœure pourtant. Je touille ma fourchette dans la sauce de la viande, le regard maussade, puis jette un regard par le hublot du bombardier. À cette hauteur, je dois bien admettre que je ne vois pas grand-chose. Je soupire et Arthérien me regarde avec compassion.

— Ils vont arriver, j’en suis persuadé.

— Je n’en suis plus si sûre…

— Ne perdez pas espoir, Amaranthe.

Je secoue la tête et repousse mon assiette au moment où un des soldats de la reine Affriola surgit brusquement, hors d’haleine et tous les sens en alerte.

— Ils sont là ! Le prince Elya et sa sœur sont arrivés !

Mon cœur rate un battement et je me relève d’un bond pour suivre l’homme-lézard. Il nous faut environ une demi-heure avant de rejoindre la terre ferme, le temps de s’installer à bord du petit engin volant, démarrer les moteurs et nous guider prudemment vers une zone sécurisée où l’atterrissage est possible, mais mon empressement est tel que je n’arrête pas de grogner et pestiférer durant tout le trajet, jusqu’à en agacer Arthérien.

Finalement, lorsque nous atterrissons je n’attends pas les consignes de sécurité, je sors en trombe et cours à travers toutes les rues de la ville pour me diriger vers l’entrée, sous les cris d’Arthérien qui me demande de l’attendre. Je fais fi de ses supplications et cours aussi vite que mes jambes me le permettent, jusqu’à en perdre haleine. Je commence à sentir une affreuse douleur sur le côté, mais je l’ignore comme tout le reste, comme tous ces passants qui s’écartent de mon passage en protestant, mécontents. Je vois la porte se profiler à l’horizon et les battements de mon cœur s’accélèrent en même temps que mon rythme de course. Finalement, j’aperçois trois chevaux se dessiner au bout de la ligne droite, avec leur cavalier dessus. Elya a tout juste le temps de descendre du sien que je me jette dans ses bras pour le serrer avec force. Il resserre ses bras autour de mon corps et enfouit sa tête au creux de mon cou. Si je n’étais pas autant essoufflée, je pense que quelques larmes auraient coulé.

Je n’ose pas y croire, j’ai l’impression d’avoir été plongée dans un agréable rêve. Je n’y croyais plus, j’avais perdu tout espoir de les revoir un jour.

— Tu pourrais peut-être me dire bonjour !

La voix de Toriel me ramène à la réalité, mais je suis incapable de parler, il faut que je reprenne mon souffle. Je me détache d’Elya, lui vole un baiser, et serre Toriel dans mes bras, puis Mélisandre et enfin Shou.

— Que s’est-il passé ? demande Elya. La reine Affriola s’est emparée de la ville ?

— Oui. Oui, elle…

Je souris et aspire une grande bouffée d’air frais, les joues en feu.

— Il s’est passé pas mal de choses, je poursuis tant bien que mal. Elle a… Elle a construit ce bombardier ainsi que des armes capables de neutraliser celles du roi Goldorus. Je sais à quoi est due sa victoire et le roi Brandélénium est toujours en vie.

Je parle à toute vitesse pour ne pas perdre le fil de mes pensées, mais Elya me fait signe de ralentir tandis que Arthérien nous rejoint.

— Vous êtes inconsciente Amaranthe ! L’atterrissage de cet engin peut provoquer des nausées et des étourdissements !

— J’ai toujours été inconsciente, je lui dis avant de me rendre compte de ma phrase, ce qui ne manque pas de faire sourire Elya.

— Je ne peux que confirmer, dit-il. Et sinon ?

— Sire Goldorus a construit des armes à feu grâce à sa réserve personnelle de runes. Ce sont des armes redoutables, les épées et les sabres, ainsi que les arcs, ne peuvent pas grand-chose contre une arme d’une telle puissance et d’une telle férocité. La reine Affriola possédait sa propre réserve de runes et a trouvé une petite source de magie. Elle a donc utilisé les runes pour construire ce bombardier afin de s’emparer de la ville et des armes capables de neutraliser celles du roi Goldorus.

— Mais il aurait fallu qu’elle soit au courant pour ces armes, remarque Elya.

Je coule alors un regard vers Arthérien qui ne peut s’empêcher de rouler les yeux, agacé par mon comportement.

— N’est-ce pas, Arthérien ? Dites-nous comment cette « vipère » de reine Affriola a eu vent de la construction de ces armes…

— Les gens de votre monde sont-ils tous pareils ?

— Dieu merci non !

— J’ai trahi Sire Goldorus.

— Il a eu une liaison avec la reine Affriola, mais elle n’en reste pas moins une vipère.

— Elle a construit un bombardier !

— Elle a empêché une guerre qui aurait pu provoquer des milliers de morts !

— Je ne peux pas prétendre la connaître, j’ignore quels vont être ses plans et ses projets à l’avenir.

— En attendant, elle veut contracter une alliance avec Septuna, c’est peut-être bon signe, non ?

— Attendez, attendez…

Elya nous fait signe d’arrêter. Le pauvre semble complètement dépassé par les événements, pour une fois que ce n’est pas moi qui suis mise hors jeu ! Il faut bien avouer que mon enlèvement y est un peu pour quelque chose, en vérité, mais je suis malgré tout fière de savoir que, pour une fois, ma connaissance de la situation est plus approfondie que celle d’Elya.

— Je pensais que les autres royaumes n’étaient pas beaucoup plus développés que Septuna et pourtant nous recevons régulièrement de leurs nouvelles, dit-il.

— L’évolution est en marche, Elya, et une fois la machine lancée il est impossible de l’arrêter à moins de ne plus posséder de runes. C’est bien ce qui freine Septuna dans son évolution, n’est-ce pas ?

— C’est tellement rapide…

Arthérien tapote amicalement l’épaule d’Elya.

— Si vous le souhaitez nous pouvons envoyer un messager à Septuna pour tenir votre père au courant de la situation.

— Avec plaisir, oui.

— Bien. Suivez-moi.

— Je vous rejoins dans un instant.

Toriel et Mélisandre s’en vont donc en compagnie d’Arthérien et je les regarde jusqu’à ce qu’ils disparaissent de ma vue, puis je me tourne vers Elya. Il plonge son regard dans le mien et me caresse la joue. Ce geste me fait frissonner et je ferme les yeux pour savourer cet instant.

— Tu vas bien ? J’étais fou d’inquiétude, j’avais peur qu’il ne te soit arrivé malheur ou qu’il ne t’ait fait du mal, murmure-t-il.

— En vérité, pour tout t’avouer, il m’a bien traitée. Il avait l’intention de m’épouser.

— Pourquoi ?

— Je l’ignore.

— Il n’a pas… Il ne t’a pas touchée ?

Je secoue la tête, émue de le voir autant s’inquiéter pour moi. Il approche ses lèvres des miennes et m’embrasse avec autant de délicatesse que si j’avais été fabriquée en cristal. Je frémis et rouvre lentement les yeux.

— Allons-y, il nous reste du chemin à faire.

Lorsque je reviens à bord de Dents d’Acier, cette fois accompagnée par Elya, la reine Affriola nous accueille. Une longue discussion se déroule et j’en profite alors pour lui demander son aide, qu’elle nous amène jusqu’aux Grottes d’Antremerre. À ma plus grande surprise, elle accepte.

Et comme l’heure se fait tardive, nous mangeons puis je retourne dans ma chambre. Elya n’a même pas demandé de chambre pour lui, il se rend dans la mienne malgré le fait qu’elle soit petite et que le lit ne soit destiné qu’à une personne. Malgré tout, nous parvenons à y entrer à trois, oui à trois car Shou s’est invité lui aussi. Heureusement, il est assez petit et s’est blotti dans mon cou.

Le lendemain matin, je me réveille, mais je suis seule dans la chambre. Un étrange sentiment pèse alors sur mon cœur, mais je décide d’en faire fi. Je m’habille en quatrième vitesse et me rends dans la grande salle à manger, où j’espère y retrouver quelques visages familiers afin de pouvoir poser des questions sur notre avancée. J’y croise à peu près tout le monde et c’est là que je suis informée que nous ne sommes plus qu’à une petite journée des Grottes d’Antremerre. Malgré tout ce qui s’est passé, nous y serons arrivés bien plus vite que si nous n’avions pas rencontré le moindre souci. Ce n’est pas plus mal ainsi, mais je n’ai pas vraiment hâte de savoir ce qui nous attend par la suite. Je me souviens encore de cette conversation où il a été évoqué la possibilité de plonger dans l’eau. Ce n’est pas le fait de plonger qui me pose réellement souci, mais j’ignore combien de temps nous allons devoir rester dans l’eau et si nous avons des chances d’y rencontrer des créatures qui ne soient pas forcément très amicales.

J’essaie d’interroger Elya, Toriel ou même Mélisandre à ce sujet, mais aucun d’eux ne daigne me répondre ou tous élucident la question. Maintenant, je sais que j’ai réellement quelque chose à craindre de ce lieu, car leur silence est une réponse bien amplement suffisante à mes inquiétudes. Je passe le plus clair de mon temps sur le pont du zepplin, appuyée contre la rambarde, à regarder les paysages dévastés par l’armée de Sire Goldorus. Nous survolons actuellement Cereus, car c’est dans cette région que se trouvent les Grottes d’Antremerre. Vus du ciel, ces villes et ces villages ont encore plus triste allure et c’est là que je me rends réellement compte de l’ampleur des dégâts.

Ce tableau est morbide, alors je finis par détourner le regard et je m’assois sur un tas de cordes pour réfléchir à la suite des événements. Je suis si anxieuse que je ne vois plus les heures passer et quand Elya vient me chercher pour m’annoncer que nous sommes arrivés à destination mais qu’il vaut mieux passer la nuit à bord du bombardier, c’est à ce moment que je m’aperçois que la nuit est tombée et que Shou dort à mes pieds, sûrement depuis un bon moment. Il est donc grand temps de manger et se coucher, car une longue journée nous attend demain. Je l’appréhende déjà et je ne suis pas vraiment rassurée, si bien que je n’en dors pas de la nuit. Je passe le plus clair de mon temps à me tourner et me retourner en grognant. J’ai beau fermer les yeux, chercher le sommeil, essayer de m’imaginer aux côtés d’Elya pour me rassurer et m’endormir sur une pensée positive, je revois l’immense vague haute d’une dizaine de mètres se diriger droit sur nous pour nous englober, sa force me plaquer contre un arbre pour m’assommer et le cauchemar tourne au drame quand Shou perd la vie et qu’Elya est introuvable.

Je crois bien que depuis cette fois-là, le simple contact avec l’eau me terrifie. Je n’ai plus envie de revivre une expérience aussi traumatisante.

Finalement, mon agitation aura eu raison de moi, car Elya se réveille pour me demander si tout va bien. Je le rassure et le préviens que je vais prendre un peu l’air. En vérité, je reste sur le pont tout le reste de la nuit, jusqu’à ce que le soleil se lève. Une fois tout le monde réveillé, nous mangeons, remplissons nos sacs de nourriture et descendons de Dents d’Acier pour nous retrouver à l’entrée d’une immense grotte. Malheureusement, plus nous progressons à l’intérieur et plus les parois se referment autour de nous, si bien que nous sommes contraints de marcher en file indienne. Nous tenons tous à la main une torche pour nous éclairer, car l’endroit est sombre et humide, comme chaque grotte qui se respecte.

Notre avancée dure environ une heure avant que nous n’atteignons une vaste cavité au milieu de laquelle se tient une sorte de puits. Enfin, plutôt un trou dans lequel se trouve de l’eau, mais elle est tellement claire et lumineuse qu’elle éclaire très bien la pièce, si bien que nous n’avons plus besoin des torches.

— Cette luminosité est-elle normale ? je demande, intriguée.

— Pas vraiment, me répond Elya.

— Quelqu’un a déjà plongé par le passé pour voir où cela conduit ?

— Non.

— Donc nous ne savons pas quelle distance nous allons parcourir, ni s’il y aura des bestioles là-dedans ou même si ce tunnel conduit effectivement quelque part et encore moins si nous allons y trouver de la magie ?

— Tout mène à croire qu’il y a de la magie et une grande quantité de magie au vu de la lumière que dégage cette eau.

— Alors pourquoi personne n’a déjà osé l’aventure ?

— La peur, Amaranthe.

— Vous n’avez pas pensé à fabriquer de l’équipement de plongée ? Alors vous pensez aux moyens de transport et à l’armement, aux bombardiers, mais pas à quelques outils pratiques pour plonger et rester longtemps sous l’eau ?

— Tu es douée en apnée ?

— Pas vraiment, non.

La perspective de plonger dans cette eau, aussi belle soit-elle, me plaît de moins en moins et mon cœur s’emballe. J’imagine déjà les pires scénarios possibles et, franchement, ce n’est pas très rassurant. Voilà comment j’imagine les choses. Première possibilité, nous tombons nez à nez avec une horrible bestiole qui est ravie à l’idée de savoir que son repas du jour est servi sur un plateau d’argent, elle nous dévore avec ses grandes dents tranchantes. Deuxième possibilité, le trajet est si long que nous mourons noyés. Troisième possibilité, et la moins plausible, nous réussissons avec succès notre mission. Je pense que je préfère mourir noyée plutôt que dévorée, mais la noyade est une des morts les plus atroces paraît-il. Quoique se faire trouer la peau à plusieurs reprises puis être démembré ne doit pas non plus être une partie de plaisir. Il faudrait que je me penche vraiment sur la question pour me faire une idée précise.

— L’un de nous devrait rester ici dans le cas où il y aurait un problème, je suggère tout en croisant les doigts pour que je sois la personne toute désignée.

— Excellente idée ! Toriel et Shou, vous montez la garde. Si nous ne sommes pas revenus d’ici deux heures, faites demi-tour et prévenez mon père.

Super. Il préfère donc que sa sœur reste en vie plutôt que moi. Bon, j’avoue que trancher sur la question ne doit pas être évident, mais s’il tenait réellement à nous d’eux, alors il nous conseillerait sagement de rester toutes les deux ici plutôt que d’en sacrifier une.

Mes doutes reviennent au grand galop, mais je n’en fais pas part. Nous déposons tous nos sacs dans un coin. Je retire également mes chaussures alors que je sens l’angoisse s’emparer de moi un peu plus chaque seconde à mesure que nous approchons du moment fatidique. Je ne suis pas prête. Dès que j’ai le malheur de regarder en direction de ce puits, j’ai l’impression d’y voir mon avenir, ma mort.

Quelques minutes plus tard, Mélisandre est le premier à plonger, suivi de près par Elya. Moi, je reste assise au bord de l’eau, tremblante et terrifiée. Toriel pose sa main sur mon épaule.

— Tu peux le faire, j’ai confiance en toi, me dit-elle.

Moi, c’est tout le contraire. Je manque clairement d’assurance et elle ignore à quelle point je suis terrifiée. Je sais pertinemment que je n’y arriverai pas. Je n’ai jamais pu tenir plus de trente secondes sous l’eau et ma peur m’empêche de respirer comme il faut. Je sais déjà que j’ai toutes les chances au monde de me noyer, pourtant je souris à Toriel pour la réconforter.

— Ne t’inquiète pas, ça va aller.

Et sur ces paroles, j’inspire profondément avant de plonger. J’ouvre les yeux. Tout est clair, tout est limpide, je vois chaque détail et c’est presque aussi terrifiant que de se trouver dans une pièce plongée dans le noir. Je sais que je verrai forcément ma mort arriver en face si jamais nous devions faire une mauvaise rencontre.

J’aperçois Mélisandre et Elya qui se sont déjà éloignés et je tente de nager rapidement pour les rejoindre, mais cet effort me coûte plus que si je nageais tranquillement et je sens déjà l’air commencer à me manquer alors que mon cœur bat à tout rompre, si bien que j’ai l’impression qu’il va finir par jaillir hors de mon corps. J’en ai quelques étourdissements, mais j’essaie de me calmer. Après tout, ce tunnel ne semble pas aboutir sur l’immensité océanique, là où nous pouvons rencontrer des milliers de centaines de créatures prêtes à nous dévorer.

Mes mains tremblent et j’ouvre accidentellement la bouche pour tenter de récupérer l’air alors que la peur submerge mon esprit. L’eau s’engouffre dans ma gorge et mes poumons et je tente d’en recracher une grande partie, mais sitôt ce geste accompli ma bouche et ma gorge sont de nouveaux remplis d’eau. Je panique de plus en plus à la perspective de me noyer. Je savais que ça arriverait, mais je n’y peux plus rien à présent. Mes poumons sont en feu, l’air ne vient pas. C’est horrible. J’ai mal, je souffre, je m’agite, me tortille en m’agrippant la gorge comme dans l’espoir d’empêcher l’eau d’entrer, en vain.

Tout est en train de s’assombrir. L’eau devient noire. Finalement, la peur s’en va et je suis tout à coup en paix. La dernière image que je peux voir avant de m’endormir est Elya qui revient vers moi avec un air paniqué. Et puis je ferme les yeux pour m’endormir. C’est agréable.

***

— Insiste idiot !

— Elle est morte !

— Bien sûr que non ! Rah, pousse-toi espèce d’incompétent !

— Je ne sens pas son pouls !

— Tu es peut-être médecin ?

— Non, mais je sais reconnaître un mort quand j’en vois un.

— J’étais urgentiste.

— Quoi ?

— J’étais urgentiste dans mon monde.

— Tu étais quoi ?

— J’étais… Bref, j’ai déjà vu des morts revenir à la vie, crois-moi. Elle n’en fait pas exception.

Les voix sont lointaines. Elles résonnent comme des échos dans ma tête. Parfois, je comprends ce qu’elles disent, mais souvent c’est un pêle-mêle de mots incompréhensibles.

Seigneur Dieu, j’ai tellement froid et je me sens si mal. Je pensais pourtant que nous ne souffrions pas dans le paradis, que tout était beau et merveilleux. Ici, tout est noir et froid. Mon corps est lourd, gelé, et j’ai mal. J’ai tellement mal.

Je sens tout à coup un poids s’abattre violemment sur mon torse et j’ouvre les yeux en recrachant une quantité effroyable d’eau, abasourdie et frigorifiée. Je dois avoir une ou deux côtes brisées. Elya et Mélisandre m’entourent et semblent tous deux soulagés de me voir consciente.

Je tremble et me redresse alors qu’Elya me serre dans ses bras en remerciant Mélisandre, mais j’ai vraiment mal. Il a vraiment dû me briser quelques os en me ressuscitant et mes poumons sont comme deux incendies dans mon corps. Je tousse bruyamment en grimaçant à chaque quinte de toux, avant de réaliser l’endroit où nous sommes. Nous avons manifestement réussi. Nous sommes dans une salle tellement immense et haute que je n’aperçois pas le plafond, mais les murs sont couverts de cristaux luminescents et il y a une quantité indénombrable de rivières de magie liquide. Nous avons réussi…

— Amaranthe, tu es vivante ! souffle Elya à mon oreille. Le trajet était pourtant très court, que s’est-il passé ?

— J’ai… Euh, je… J’ai été prise d’une de ces crises d’angoisse.

Je ne voulais pas le reconnaître, je n’avais jamais eu ça jusqu’alors. Enfin, du moins jusqu’à Septuna. Je n’avais jamais été sujette à ce genre de crises, comme le fait que jamais je ne tombais malade. Je sais que je suis bourrée de défauts, mais j’ai une qualité : mon système immunitaire est incroyable et rien ne semble pouvoir m’atteindre. Jusqu’à ce que je débarque dans ce monde. Ma vie entière a été chamboulée.

Elya m’aide à me relever tandis que je jette quelques regards autour de nous, étonnée.

— J’ignore s’il y a une sortie, soupire Elya, mais il vaudrait mieux que tu ne bouges pas de trop, Amaranthe.

— Elya, je suis frigorifiée, j’ai mal et j’ai frôlé la mort. Je refuse de rester ici à souffrir en attendant du secours, alors s’il faut retourner en arrière, je le ferai.

— Pour que tu sois de nouveau prise d’une crise d’angoisse ?

— Tu m’as assuré que le trajet était court ! Et manifestement sans danger…

— Peut-être, mais je préfère éviter un autre accident qui cette fois pourrait te coûter la vie.

— Elya !

— Eh oh !

Nous nous tournons dans un même mouvement vers Mélisandre pour lui jeter un regard assassin, mais ça ne semble avoir aucun effet sur lui. Dommage, j’aurai essayé.

— Plutôt que de vous chamailler, il serait peut-être plus judicieux de voir s’il y a une sortie afin que nous puissions prévenir notre aimable roi et qu’il nous envoie de quoi ramener toute cette énergie jusqu’à Septuna, vous ne croyez pas ?

— Il faudrait que quelqu’un prévienne Toriel.

— Mélisandre va y aller.

Manifestement, la réflexion d’Elya ne semble pas vraiment plaire à Mélisandre, car ce dernier le dévisage.

— Et en quel honneur, puis-je savoir ? Tu devrais plutôt y aller, toi. Tu es le prince héritier, alors s’il y a des bestioles ici… Et puis vous perdrez du temps à vous disputer, vous serez dispersés et vos recherches risqueraient de n’aboutir à rien. Elya, c’est toi qui y retournes.

Elya proteste, tente de trouver des arguments, mais Mélisandre ne cède pas et, finalement, Elya est contraint de s’en aller. J’aurais préféré qu’il reste et que ce soit Mélisandre qui s’en aille. Il me fait signe de le suivre et je lui emboîte le pas en claudicant et en me tenant les côtes. Je ne cache pas que chaque pas est affreusement douloureux.

— Donc tu étais urgentiste ? je fais pour briser le silence qu’il y a entre nous.

— Tu nous as entendu ?

— Oui. J’ai dû émerger de mon inconscience au moment où tu devais probablement commencer à me tambouriner la poitrine.

— Désolé, mais si tu étais morte j’ignore comment aurait réagi Elya et nous n’aurions pas pu avancer.

— Oh, donc tu m’as tirée d’entre les morts seulement pour Elya ?

— Non, bien sûr que non.

— Je te taquine.

Il soupire et secoue la tête, mais il me semble percevoir un léger « Ah, les femmes ». J’ai envie de lui répondre, mais mieux vaut que je me taise, car ma réaction risque de ne pas lui plaire.

Je ne sais pas pendant combien de temps nous marchons, mais les murs commencent enfin à se refermer lentement sur nous et j’entrevois alors l’espoir que nous pouvons éventuellement trouver une sortie. Le trajet dure encore quelques minutes pendant lesquelles nous devons parfois sauter, enjamber un ruisseau ou se contorsionner tellement l’espace se rétrécit. Mais enfin, nous quittons cette grotte et atterrissons dans une forêt, au-devant d’arbres et arbustes, ainsi que de lianes qui abritent très bien l’entrée. Voilà pourquoi personne ne l’avait trouvée jusqu’alors.

Finalement, nous rebroussons chemin pour prévenir Elya et Mélisandre me demande d’attendre dans la grotte, à l’abri de tout danger. Quelques minutes plus tard, Elya revient et nous sortons de la grotte. Dents d’Acier se trouve juste au-dessus de nous et la reine Affriola décide alors de nous escorter jusqu’à Septuna. Le trajet ne devrait prendre que quatre jours, si ce n’est moins. Les choses s’accélèrent.

J’ai hâte de pouvoir rentrer et savoir comment les choses vont se dérouler et ce qu’il va advenir d’Elya et moi.

Quand Dents d’Acier repart et que nous nous éloignons des Grottes d’Antremerre, il fait déjà nuit noire et les étoiles sont nombreuses dans le ciel. Je les contemple longuement en imaginant un avenir déjà tout tracé aux côtés d’Elya. L’espoir revit en moi et je sais que les choses ne pourront être que meilleures. Ce monde m’a sauvée. Et maintenant, je sais que j’ai enfin ma place quelque part et que j’ai droit moi aussi, comme tout un chacun, au bonheur.


Texte publié par Nephelem, 12 juillet 2017 à 09h23
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