Nous avons quitté Rakilagg depuis près de deux heures environs et je me suis réveillée il y a un peu plus de trois heures maintenant, avec un mal de tête atroce et une bosse sur le front. Je ne suis pas sûre de pouvoir le pardonner à Elya. En vérité, depuis que j’ai ouvert les yeux je n’ai pas dit un mot et je ne cesse de revoir les images atroces de la mort de Gribouille ainsi que mon incapacité à pouvoir le sauver. Je vois encore son regard plein de détresse, ses paupières écarquillées par la terreur. Ma gorge se noue. J’ai encore cette boule au fond de l’estomac.
Je suis tellement refermée sur moi-même que je ne prête pas attention au paysage autour de moi, et pourtant c’est un véritable désastre. Ce doit être le deuxième village que nous traversons, complètement rasé et détruit par les flammes. Il y a encore des corps brûlés, massacrés et égorgés qui jonchent le sol. Même les poules, chèvres, chevaux, chiens, chats, et autres animaux, n’y ont pas échappés. Tout a été saccagé, réduit en cendres. Des hommes ont été pendus, des femmes gisent complètement nues dans une mare de sang et des enfants ont été rassemblés en tas pour être brûlés, mais tout ça… je ne le vois pas. Et je préfère ne pas le voir.
— C’est horrible, chuchote Toriel, horrifiée. Que s’est-il passé ?
— Ce doit être l’œuvre de Sire Goldorus, lui répond Mélisandre sur le même ton. Je suppose que Cereus n’a pas voulu s’allier à lui, et voilà sa réponse.
— Septuna n’est pas au courant.
— Et comment veux-tu qu’il le soit ? Si personne ne réchappe d’un tel désastre et si le roi n’envoie pas ses soldats sur le terrain, la communication est forcément coupée. Nous aurions dû partir avec une petite dizaine d’hommes, au moins pour en envoyer la moitié en éclaireurs et l’autre en messagers.
Elya leur jette un bref coup d’œil, puis il se retourne. Je sens son regard sur moi. Je suis contrainte de partager son cheval et ses bras m’enserrent, mais ce geste ne m’apporte aucune chaleur et je ne me sens pas non plus en sécurité. C’est un peu trop pour moi, tout ça. Même l’affection de Shou n’est pas suffisante pour me réconforter un tant soit peu.
— Amaranthe, s’il te plaît ! soupire Elya, exaspéré. Tu ne vas quand même pas garder cette humeur tout le long du voyage, si ?
Je hausse les épaules, démunie. Et après tout, pourquoi pas ? J’ai perdu Gribouille. Je l’avais avec moi depuis un peu plus d’une semaine, je m’étais attachée à lui. J’ai toujours aimé les animaux et je ne supporte pas que souffrance leur soit faite. Je m’attache peut-être un peu trop vite à eux et c’est ce qui me cause du tort aujourd’hui, mais Gribouille ne méritait pas ça. Il ne méritait pas une mort aussi atroce. Il méritait une meilleure cavalière, en vérité.
— Amaranthe, ressaisis-toi, bon sang ! Regarde autour de toi, c’est un désastre ! Sire Goldorus veut étendre sa domination, il ne faut pas perdre de vue notre objectif, tu n’es pas d’accord ?
— Bien sûr que si…
Mais à son contraire, je n’ai jamais vu un carnage pareil et après la perte de Gribouille, ce n’est pas ce qui va m’apporter de la joie et me faire sourire. J’ignore s’il est bête, stupide et idiot ou s’il le fait exprès, s’il s’en rend bien compte ou s’il est totalement ignorant, mais je souffre. J’essaie de fermer les yeux là-dessus, mais c’est impossible. Je les vois, tous ces corps mutilés, ces femmes violées, ces enfants abattus de sang froid, ces animaux égorgés. Comment ne pas le remarquer ? La violence nous entoure !
Je renifle bruyamment. Je ne veux pas céder, j’aurais voulu me montrer plus forte, mais jamais je n’aurais cru voir ça un jour. Je ne pensais pas que ce monde puisse être aussi violent. Lorsque j’ai atterri en Selphiade, j’ai sincèrement cru que tout était beau et merveilleux, que ce monde était en paix et que la justice régnait forcément. Il faut croire que je me suis lourdement trompée et je le regrette amèrement. J’ai trop idéalisé ce monde et le coup est dur à digérer.
— Je suis désolée, je bafouille. Je… C’est trop, Elya. Il y a d’abord eu Gribouille, puis maintenant tous ces gens… Ils s’en sont même pris à des enfants…
— Ce n’est donc pas seulement Gribouille qui est à l’origine de ton état ?
— Non.
— Je suis désolé, Amaranthe. Pardonne-moi… Nous allons contourner les villages…
À peine a-t-il prononcé ces paroles que Mélisandre s’empresse de le rattraper pour le dévisager, alors que je sens l’étreinte d’Elya se resserrer autour de moi.
— Elya, nous devrions peut-être nous rendre à Grand-Celehune. Je doute que la capitale ait été… Enfin, ils possédaient une lourde artillerie et une armée importante.
— C’est un sacré détour, remarque Elya.
— Je sais, mais si la capitale est tombée, il faut immédiatement prévenir ton père.
— Et qui veux-tu envoyer ? Je ne vous laisserai pas partir, Amaranthe et toi. Si les brigands ou même Sire Goldorus mettaient la main sur vous…
— J’ai été seul pendant quasiment deux ans, je pense pouvoir être apte à me débrouiller.
— C’est non. Et Toriel ne rebroussera pas chemin seule non plus.
— Mais pour qui tu me prends, Elya ? Ce n’est pas parce que je suis ta sœur…
— Je vous ai dit non alors c’est non, fin de la discussion !
Toriel affiche un air outré, celui que je lui connais tant, et talonne son cheval. Elle nous dépasse rapidement et s’éloigne. Son frère a beau tenter de l’appeler, elle l’ignore royalement et reste loin devant. Mélisandre la rejoint rapidement, probablement pour tenter de la raisonner, mais Elya garde un rythme soutenu. Nous arrivons enfin à la fin du village et le paysage sinistre disparaît.
Cette fois, nous sommes dans une vaste prairie verdoyante et fleurie. C’est un contraste assez saisissant avec le village qui se trouve juste derrière nous. Je me cale un peu plus dans les bras d’Elya. Mes paupières se font de plus en plus lourdes.
— Tu devrais te reposer un peu, ça te ferait du bien, me murmure-t-il à l’oreille.
Je ne me fais pas prier deux fois et ferme les yeux. Le sommeil vient immédiatement à moi.
Lorsque je me réveille, le paysage a changé. Nous ne sommes plus au milieu de vertes prairies, mais plutôt dans un endroit étrange bien que ravissant. J’ai l’impression d’être retournée au creux de ce ravin que nous avions traversé, mais cette fois il n’y a pas d’eau, le sol est plutôt mou et doux. C’est du sable. Le ravin est incroyablement grand. Il est parcouru de long en large par de hauts piliers d’une forme curieuse qui nous encerclent. La pierre est étonnamment lisse, comme si cet endroit avait été construit par la main et l’homme, et une lumière orangée se réverbère contre les murs et les piliers, illuminant joliment l’endroit. Pourtant, lorsque je relève la tête pour apercevoir le ciel, celui-ci est déjà noir et parsemé de quelques étoiles.
— C’est étrange comme endroit, je dis.
— C’est ici que nous serons le plus à l’abri cette nuit, me confie Elya en posant pied à terre.
Il m’aide à descendre de cheval. Mélisandre et Toriel ont déjà fabriqué un petit feu de camp et je constate que Mélisandre a été chassé du gibier pendant mon sommeil. Shou s’est creusé un trou dans le sable pour dormir.
— À l’abri de quoi ?
— Des intempéries. Les nuits, à Cereus, ne sont pas de tout repos, surtout que nous approchons de la plus mauvaise période de l’année. Tu entends ce bruit ?
Je n’entends rien alors je tends l’oreille, et il me semble effectivement percevoir un léger sifflement aigu.
— Oui…
— Nous sommes dans ce ravin depuis une heure, autrement dit nous sommes loin de l’entrée. L’endroit est parfaitement isolé et normalement insonorisé malgré son ouverture sur le ciel, mais ce que tu entends là, Amaranthe, c’est la force du vent qui souffle.
C’est incroyable. Tout ce que je découvre de ce monde ne cessera jamais de me fasciner. Les lieux dont il regorge sont absolument sublimes et parfois troublants. Entre autre, la douce lumière orangée de cet endroit, qui se rapproche davantage d’une grotte que d’un ravin à mon goût, est agréable et très belle. Au moins, je n’aurai pas à craindre chaque bruit que je pourrai entendre, car la visibilité est impeccable.
Je m’assois près du feu que Mélisandre et Toriel ont allumé, pendant que Mélisandre s’occupe de dépecer les animaux qu’il a chassés pour les mettre dessus à cuire. A vue d’œil, je dirais qu’il s’agit d’écureuils. J’ignore où il a pu les attraper, car tout Cereus semblait complètement dévasté lorsque nous y sommes entré, un peu comme si une catastrophe naturelle à grande échelle s’était abattue sur le royaume tout entier pour le rayer définitivement de la carte. Je ne pensais pas qu’il pouvait encore rester quelques animaux vivants.
Toriel prend place à côté de moi et m’adresse un doux sourire, puis vient replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille, sans détacher son regard du mien.
— Tu vas mieux ?
— Un peu, oui.
— Tant mieux ! Il nous reste encore un peu plus d’une semaine de marche avant d’atteindre l’endroit que mon frère vise.
— C’est où ?
— Tout au bout de Cereus, près de la côte. Il veut se rendre dans les Grottes d’Antremerre.
J’acquiesce. Sans carte, je ne peux pas me faire d’idée sur l’endroit exact de ces grottes, alors il faut que je fasse aveuglément confiance à Elya. D’ailleurs, que fait-il ?
Je tourne la tête et le vois qu’il attache les chevaux et les bichonne. Les pauvres bêtes semblent épuisées et leur voyage n’a pas été de tout repos. J’imagine qu’il doit tenter de les rassurer pour les détendre un peu, c’est gentil de sa part. Je devrais peut-être le rejoindre. En tout cas, j’en ai très envie.
— Je vais voir s’il y a un petit ruisseau ou un petit bassin quelque part, prévient Mélisandre en rassemblant toutes les gourdes d’eau.
Sur ces belles paroles, il s’éloigne d’un pas lourd et alors que je m’apprête à rejoindre Elya, car il y a bien longtemps que je n’ai pas goûté à ses lèvres, Toriel me tapote vigoureusement le bras et approche sa bouche de mon oreille.
— Dis Amaranthe, qu’est-ce que tu penses de Mélisandre ?
— Ce que… ? Quoi ?
— Chut !
Elya nous jette un bref coup d’œil et je lui souris, avant de reporter mon attention sur Toriel, effarée. C’est bien la première fois qu’elle me pose une question de ce genre et j’ai comme le sentiment qu’elle s’intéresse à Mélisandre. Je devrais peut-être lui dire mes soupçons quant aux siens…
— Je… Je ne l’ai pas assez fréquenté pour me faire un jugement de sa personne, je lui dis, mais il a l’air d’être honnête et intègre. Je pense que c’est quelqu’un de bien.
— C’est vrai ? Tu le penses vraiment ?
— Elya ?
En entendant le cri de Mélisandre, Elya abandonne aussitôt les chevaux pour se précipiter vers ce dernier, lequel pousse nonchalamment une créature en le menaçant de son arme. Voilà une situation à laquelle personne ne s’attendait. J’ai un curieux pressentiment, un mauvais pressentiment.
L’étranger, les mains derrière sa tête, avance à un rythme soutenu et lorsqu’il est assez proche de nous, Mélisandre lui donne un coup dans les jambes pour l’obliger à se mettre à genoux.
— Je l’ai trouvé à l’instant, il nous suit depuis deux heures environ, j’ai attendu que l’on soit assez loin dans la Grande Fissure pour l’attraper. Il pensait être discret…
— Je suis désolé ! Je vais partir !
— Et pour aller où, hein ?
Pour appuyer sa question, Mélisandre lui donne un coup dans le dos et l’étranger mord aussitôt la poussière. Je me relève pour me précipiter vers Mélisandre, surprise par son geste, mais surtout en colère.
— Arrête ! Ça ne se fait pas !
— Et tu crois peut-être que ça se fait d’espionner ?
— Nous ne sommes pas des sauvages ni des brutes, tu devrais le traiter avec un peu plus de respect…
— Enfin, Amaranthe, c’est un pleroki. Un pleroki !
— Et tu crois peut-être que je sais ce qu’est un pleroki ? Et même si je le savais, tu crois sincèrement que ça excuse ton geste ou que ça le rend coupable ?
Il est vrai que je n’avais jamais rencontré d’individu dans son genre. Il est assez particulier. Sa peau est recouverte d’écailles, il n’a pas de nez, mais des bronches au niveau de son semblant de cou. Il a également une longue nageoire étincelante dans son dos et ses mains sont palmées. Ses cheveux ressemblent plutôt à des tubes qui lui sortent de la tête. Il s’agit de toute évidence d’un être aquatique et je m’inquiète de savoir s’il peut survivre longtemps hors de l’eau. Et qu’est-ce qu’une telle créature fait-elle hors de son royaume, à suivre de parfaits étrangers comme nous ?
— Bien sûr que oui ça le rend coupable ! s’exclame Mélisandre.
Je lève les yeux au ciel, le saisis par le bras et l’éloigne du pleroki. Elya m’intime l’ordre de revenir, mais je l’ignore superbement. Il est clair qu’il faut régler nos soucis intérieurs si nous voulons pouvoir avancer en toute tranquillité. S’il y a des disputes ou une mauvaise entente entre nous, je doute que nous puissions arriver au terme de notre voyage et accomplir notre mission.
Je m’assure que nous soyons assez loin de Toriel pour qu’elle ne puisse pas nous entendre, puis je me tourne enfin vers Mélisandre en affichant un regard parfaitement outré pour qu’il puisse saisir le degré de mon mécontentement.
— Non mais ça va pas de réagir comme ça devant Toriel ? je lui fais à voix basse.
— Quoi ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a avec Toriel ?
— Mélisandre, si tu as l’intention de la séduire ce n’est pas en agissant ainsi que tu vas y arriver. Là, tu as seulement réussi à l’effrayer. C’est une pauvre petite créature fragile et innocente !
— Parce que tu crois sérieusement que j’ai une chance avec elle ? Laisse-moi rire…
— Elle m’a posé des questions à ton sujet. Elle s’intéresse à toi…
Son sourire disparaît aussitôt et il se retourne pour la regarder alors qu’elle se frictionne les bras pour tenter de se réchauffer. Il secoue la tête et se frotte les yeux en soupirant, manifestement agacé.
— La situation est plus compliquée qu’elle n’y paraît, Amaranthe. Tu essaies de vouloir faire le bien autour de toi, mais les gens de ce monde ne sont pas si différents du nôtre et j’ai été forcé d’accomplir certaines choses pour survivre. Je ne peux pas changer l’homme que je suis, Amaranthe. Pas même pour Toriel.
Je n’ai pas le temps de répondre qu’il fait demi-tour et je le suis, attristée. J’espère que Toriel ne me posera plus jamais de questions à son sujet. Sinon, que vais-je bien pouvoir lui répondre à part ce que Mélisandre vient de me dire ? Elle n’a aucun avenir avec lui à ce qu’il a laissé entendre. Elle risque d’être très déçue.
— J’ai tenté de l’interroger, dit Elya en nous voyant revenir, mais il ne m’a rien dit.
Je baisse les yeux et aperçois quelque chose que personne n’a remarqué.
— Il a un papier dans sa poche…
Elya s’en empare avant que Mélisandre n’ait pu mettre la main dessus et le déplie. Je le lis par-dessus son épaule et mes yeux s’agrandissent.
— C’est un avis de recherche, souffle Elya.
— Un avis de recherche ? Un avis de recherche pour qui ? demande Toriel.
— Pour Mélisandre, je lui réponds sans hésitation.
Elya fronce les sourcils et place le bout de papier juste sous le nez de Mélisandre alors que Toriel s’éloigne.
— Ta tête est mise à prix ! Et ce n’est pas un petit prix… Alors, Mélisandre, pourrais-tu nous expliquer ce que tu as fait et qui a provoqué la colère du roi Gaspathe ? Le peuple tout entier des pleroki te recherche ! C’est un chasseur de primes !
J’ai l’impression que plus le temps passe et plus la situation empire. C’est un véritable cauchemar. Mélisandre n’est pas celui qu’il prétend être. Ou plutôt, il n’a jamais véritablement dit qui il était, mais il s’est retrouvé incrusté dans ce voyage par ma faute, car il m’a trouvée moi, une humaine.
Je suis partagée entre l’envie de suivre de très près la discussion qui va se dérouler entre Elya et Mélisandre, et celle d’aller réconforter Toriel. Elle doit être véritablement déçue par la nouvelle qu’elle vient d’apprendre et je ne suis pas certaine de trouver les mots appropriés pour la consoler. Je n’ai jamais été douée pour ce genre de choses, comme pour beaucoup d’autres choses en vérité. Alors je décide de rester auprès d’Elya. Je veux savoir comment il va réagir et la première chose que je peux dire à ce sujet, c’est qu’il reste incroyablement calme pour le moment. Il contient sa colère, mais ses joues sont déjà bien rouges et ses lèvres crispées.
— Tu aurais peut-être pu nous informer de ton passé, Mélisandre. Pourquoi le peuple pleroki est à ta recherche ? Qu’est-ce que tu as fait d’autre ?
— Je ne tiens pas spécialement à en discuter et ce ne sont pas tes oignons, Elya.
— Bien sûr que si ! Et dois-je te rappeler à qui tu parles ? Tu me dois un peu de respect et je pourrais très bien te faire enfermer…
— Elya !
Cette fois, c’est allé trop loin et je suis intervenue. Je ne pensais pas qu’Elya serait capable de remettre son grade sur la table pour sortir les vers du nez à Mélisandre. Ce n’est pas son genre et j’avoue être un peu déçue par cette façon de faire. Je le pensais un peu plus noble. Elya ne daigne même pas me regarder et je me demande même s’il m’a entendue. Il est probablement trop en colère et je n’ai sûrement pas mon mot à dire. Si j’interviens encore et de manière plus prononcée, je pense qu’il s’en prendra à moi sans la moindre hésitation. Après tout, je ne suis pas Toriel, et même les sentiments qu’il éprouve à mon égard n’y feront rien. Il est comme ça. C’est Elya.
— Alors vas-y ? Qu’est-ce que tu attends ? Appelle donc tes chiens de gardes !
— Mélisandre !
Ce n’est pas moi mais Toriel qui a réagi. Mélisandre, lui au moins, la regarde et murmure quelques excuses du bout des lèvres.
— Alors ? le somme Elya. J’attends tes réponses !
— J’ai… J’ai simplement pris en otage la princesse quand elle est venue me rendre visite en prison. C’était la seule manière que j’avais trouvée pour m’évader.
— Et pourquoi t’es-tu retrouvé en prison ?
— Une dispute dans une taverne avec le frère de la princesse. Je ne l’avais pas reconnu.
— Et pourquoi t’es-tu disputé avec le Prince Blorke ?
— Son nom.
Mélisandre ne peut s’empêcher de s’esclaffer, mais il est bien le seul à rire en ce moment.
— Sérieusement ? C’est à cause de ça, d’une simple dispute de taverne, que tu t’es retrouvé à te faire haïr par tout un peuple ?
— Dit comme ça c’est sûr…
Je secoue la tête, anéantie et navrée. Décidément, je ne sais plus vraiment quoi penser de tout cela.
Et pendant qu’Elya et Mélisandre s’expliquent sur le sujet, probablement pour savoir si Mélisandre va encore faire partie du voyage, le pleroki profite de l’inattention générale pour voler l’épée d’Elya et prendre Toriel en otage. Aussitôt, Mélisandre dégaine son arc et encoche une flèche, mais le pleroki veille bien à ne pas être dans son champ de vision.
— Je vous propose deux solutions, dit-il. Soit vous me livrez Mélisandre et je ferme les yeux sur ma capture, le roi n’en sera pas informé, soit je pars avec elle pour assurer mes arrières et vous aurez tout intérêt à ne pas me suivre, sinon je l’égorge sans la moindre hésitation.
— Il s’agit de la princesse du roi Arthurion, remarque Mélisandre, lequel s’entend très bien avec le roi Peleth. Autrement dit, vous provoquerez une guerre et votre royaume aura toutes les chances d’être éradiqué de la carte.
Le pleroki tique mais continue de reculer en tenant fermement Toriel. Elle reste incroyablement calme. Si j’avais été dans sa situation, je crois que j’aurais hurlé en me débattant ou alors je serais probablement tombée dans les pommes. Quoi qu’il en soit, le pleroki n’a pas l’air franchement rassuré par les paroles de Mélisandre et il est vrai qu’il aurait pu choisir meilleure cible mais, d’un autre côté, Toriel peut effectivement lui permettre de s’échapper.
— Voilà ce que je te propose, continue Mélisandre. Tu relâches Toriel et, en échange, tu pars loin d’ici.
— Tssss, vous allez me tuer dès que je vous tournerai le dos.
— Mais non, mais non…
Le pleroki crache alors tout un flot de paroles incompréhensibles, sûrement des insultes prononcées dans sa langue, tout en reculant encore.
— Elya…
— Tais-toi, Amaranthe.
Je me refroidis aussitôt. Jamais Elya ne m’a parlée sur ce ton. Je sais bien qu’il tient beaucoup à sa sœur et que sa situation l’inquiète. Il doit sûrement réfléchir à une solution mais, parfois, je me demande vraiment s’il tient plus à sa sœur qu’à moi. Mélisandre a toujours le pleroki dans sa ligne de mire, mais ne tire pas. Et comme personne ne réagit, il s’éloigne lentement mais sûrement. Si nous le laissons faire, il va la ramener jusque dans son royaume et il nous faudra faire un sacré détour pour la délivrer si tant est que nous y parvenions. C’est une perte de temps conséquente, je ne peux pas le permettre. Je saisis l’arc des mains de Mélisandre et vise le pleroki.
— Amaranthe ! Tu n’es pas encore prête et si je ne tire pas c’est pour une bonne raison, tu ne crois pas ?
Ce qu’il ignore, c’est que je ne vise pas la tête. Je ne suis pas une tueuse. La flèche part, siffle, fend l’air à toute vitesse et va se planter dans la jambe écaillée du pleroki qui hurle, sautille sur place et se plie en deux en lâchant sa cible. Toriel en profite pour fuir et courir dans notre direction. Sans attendre, le pleroki lâche l’épée et prend la poudre d’escampette.
Toriel s’échoue dans les bras d’Elya et Mélisandre me donne un coup sur l’épaule.
— Bien joué…
— Merci, mais nous n’aurions pas eu à faire ça si vous aviez été un peu plus attentifs à votre prisonnier et si toi, Mélisandre, tu ne nous avais pas caché autant de choses.
Je jette l’arc à terre et retourne m’asseoir près du feu. Je n’en n’ai rien à faire d’avoir paru froide, Elya n’a pas été tendre à mon égard lui aussi alors je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce. Je n’ai même plus faim à cause de tout ça alors je m’enveloppe dans ma couverture pour dormir.
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