Nous sommes partis depuis un moment déjà. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé, mais je commence à avoir mal aux pieds et aux jambes. Les chevaux me manquent, ainsi que la compagnie de Toriel. Heureusement, je peux me réconforter avec la pensée qu’Elya m’aime.
Je lui jette un rapide regard et un sourire fend mon visage. Quand il s’en aperçoit, il détourne le regard, les joues roses.
— Quoi ?
— Non, rien.
— Alors arrête de me dévisager.
M. Grincheux est de retour ! J’ai envie de me coller à lui et lui tenir le bras en m’esclaffant, mais je ne suis pas sûre qu’il apprécierait. Dommage. Il faut que je garde un peu de mon sérieux, surtout que la route que nous empruntons n’est pas très sûre. Elle est dangereuse. Mieux vaut-il être attentif.
— Combien de jours nous reste-t-il avant que nous n’atteignons Septuna ?
— Beaucoup trop. J’espère que le reste du voyage va se dérouler sans encombres, je ne suis pas certain d’assurer notre survie si un problème devait nous tomber sur les bras.
— C’est rassurant. Moi qui espérais compter sur toi pour me sauver.
— Amaranthe, tu as atterri dans un monde hostile, dangereux. Je ne peux pas forcément garantir ta sécurité. Tout dépend du danger qui nous menace.
— Je vivais dans un monde hostile moi aussi. Dans un genre différent, certes, mais je pense qu’ici j’ai plus de chances de survivre que de là où je viens.
— Sérieusement ?
J’acquiesce d’un signe de la tête.
— Tu combattais des créatures ?
— Je combattais quelque chose de plus fourbe que des créatures.
Je lui adresse un pauvre sourire. Je n’ai pas spécialement envie de lui en dire plus et il semble le comprendre. Il ne s’attarde pas plus longtemps. Je ne peux m’empêcher d’entrelacer nos doigts et c’est avec joie que je constate qu’il ne se défait pas de cette étreinte chaleureuse.
Nous nous sommes écartés de la plage. Nous l’avons quittée il y a un moment et nous cheminons à présent vers une montagne. Je crois qu’Elya a l’intention de la franchir. Elle n’est pas très haute et plutôt rocheuse, mais elle offre plusieurs endroits où s’installer tranquillement pour la nuit. Arrivés au pied, Elya déniche un petit sentier qui monte tranquillement et nous l’empruntons. Je sens chaque petit caillou sous mes pieds. C’est désagréable et douloureux.
Une heure plus tard, alors que le ciel commence à s’assombrir, Elya décide qu’il est grand temps pour nous de nous poser. Nous ne trouvons malheureusement pas de branche pour fabriquer la tente que j’avais confectionnée, il nous faudra donc dormir à la belle étoile. J’espère qu’il ne va pas pleuvoir, mais je suis sceptique.
— Cet endroit est trop ouvert, nous devrions essayer de trouver un abri pour la nuit.
— Je ne suis pas certain qu’il y en ait. Il va falloir faire avec.
J’ignore pourquoi, mais je sens que la « chance » va tourner en notre faveur. Comme par hasard. Il fallait que ça tombe la seule nuit où nous n’avons aucun abri. J’espère que ce sera de courte durée et que je n’aurai pas très froid.
Malheureusement, nous n’avons rien à nous mettre sous la dent, alors pour oublier ma faim je préfère me coucher tout de suite. Je m’endors assez rapidement et facilement, en vérité, malgré la dureté du sol. Pourtant, en plein cœur de la nuit je suis réveillée par un bruit familier et une sensation désagréable. Je suis trempée jusqu’à la moelle des os. Ma couverture est collée à moi et il pleut à verse. C’est à peine si je sens les membres de mon corps, je suis déjà frigorifiée. Tremblante, je me recroqueville et me frictionne les bras en grelottant et claquant des dents, les lèvres bleuies. Je savais que ça allait arriver.
Je sens quelque chose derrière moi et quand je tourne la tête, Elya est là et se blottit contre moi pour me réchauffer. Son geste n’apporte pas vraiment de chaleur, il ne m’aide en aucune façon à me réchauffer, car nous sommes tous les deux mouillés. Pourtant, je suis heureuse de le sentir contre moi. Je souris, le remercie et ferme les yeux, mais il est impossible pour moi de trouver le sommeil. Nous restons collés l’un à l’autre toute la nuit pour tenter de nous tenir chaud et la pluie ne s’arrête qu’au petit matin, quand le soleil commence à se montrer timidement. Je me sens exténuée. Je n’ai pas beaucoup dormi et mon estomac est vide. Je ne suis pas au meilleur de ma forme et j’espère que nous ne ferons pas de mauvaise rencontre au cours de notre voyage. Je ne suis pas certaine qu’Elya soit en mesure de pouvoir combattre efficacement un ennemi. Nous sommes affaiblis à cause de notre faim et du manque de sommeil.
Nous remballons nos affaires, moi en essayant de me vider la tête pour tenter d’oublier le froid qui me saisit. Je m’efforce de marcher au même rythme qu’Elya pour oublier la sensation désagréable des vêtements qui me collent à la peau. Finalement, je parviens à me réchauffer et mes vêtements commencent enfin à sécher. C’est un soulagement, mais il reste encore un point négatif : les cailloux. Les semelles des bottes que je porte sont trop fines. Je sens tout. J’espère que nous sommes bientôt arrivés à destination, mais je sais qu’il nous reste plus d’une semaine de marche. Enfin, ça c’était quand nous avions encore les chevaux. Sans eux, je pense que la durée de notre voyage est facilement doublée. Quelle galère. Je soupire. Nous n’avons même pas attendu les secours. Ils ne vont jamais nous retrouver. Nous sommes fichus, c’est certain.
— Est-ce que tu crois que nous avons des chances d’atteindre Septuna sans y laisser notre vie ?
— Oui, c’est possible, mais compliqué.
Possible mais compliqué. Je crois que la consolation n’est pas le fort d’Elya. Il ne doit pas savoir apporter un peu de réconfort aux autres. Pauvre de moi ! Il me laisse quasiment sans espoir.
Les chemins que nous empruntons sont étroits, raids, pentus, mais bientôt nous entamons une descente. Elle est certes dangereuse, mais je vois enfin la fin de notre calvaire et mes pieds vont pouvoir être un tant soit peu soulagés. J’ignore s’il existe des dieux dans ce monde, mais je ne peux m’empêcher de les remercier.
Lorsque nous atteignons enfin le pied de la montagne, je sens un profond soulagement m’envahir. Ça y est, nous avons enfin quitté les sentiers tortueux et douloureux de cette maudite montagne rocheuse ! Je demande alors à Elya de marquer une pause et retire mes bottes pour masser mes pieds. Ils sont rouges et il y parfois la marque de certains cailloux qui se sont un peu trop incrustés. C’est agréable de pouvoir se reposer un peu.
— Nous n’allons pas pouvoir marquer souvent de pause, c’est trop risqué, me prévient immédiatement Elya.
— Peut-être, mais je suis une femme et je n’ai pas l’habitude de marcher autant, encore moins avec des bottes aussi inconfortables ! je proteste.
Il arque un sourcil, étonné.
— Ce sont les bottes les plus confortables, généralement les femmes sont ravies de pouvoir les porter quand elles sortent se promener à cheval ou en forêt. C’est à peine si elles sentent la matière sur leur peau.
— Je préfère ne pas sentir le sol sous mes pieds, tu vois ? Surtout quand il y a des cailloux pointus qui décident de m’attaquer.
J’entends Elya soupirer, mais je préfère ne pas le regarder. Je dois sûrement le décevoir par mon comportement. Je le sais, j’en ai bien conscience, mais je ne suis pas une voyageuse ! Et je n’avais pas prévu de représenter un danger. D’ailleurs, tout ça n’aurait jamais dû arriver ! Ce portail, ce monde, ces créatures… C’est tellement incroyable ! Parfois, j’ai encore du mal à réaliser ce qui m’arrive.
— Accorde-moi encore cinq minutes Elya, s’il te plaît…
Il grimace et détourne le regard pour observer l’horizon. C’est assez dégagé. Nous sommes dans une plaine. Elle est vaste, il y a quelques côtes et pentes, d’énormes rochers, des arbres, mais l’herbe est jaune. Le soleil a dû frapper plusieurs jours de suite ici, l’endroit semble aride. De ce que je vois, il ne semble pas y avoir de point d’eau à proximité ou même de quoi se nourrir. J’ignore dans quel pétrin nous nous sommes fourrés, mais je crois que nous allons amèrement le regretter.
— Il n’y a apparemment personne, dit-il finalement. Cinq minutes, pas une de plus.
— D’accord.
Je lui souris. Son regard est tendre. Je sais qu’il me protège et se soucie de ma sécurité, mais je suis capable de me défendre toute seule. Je suis une femme, certes, mais j’ai plus d’un tour dans mon sac. Je peux me débrouiller. Je sais que j’en suis capable.
Je le vois qu’il épie l’arbre sous lequel je me suis réfugiée. Il l’étudie attentivement puis grimpe habilement sur la plus grosse branche. Je le dévisage, impressionnée. C’est ça que j’aurais aimé faire sur la plage quand j’ai trouvé les noix de coco jaunes. C’est comme ça que j’aurais voulu grimper ! Finalement, il abat tout son poids sur une branche assez fine pour la briser et redescend.
— Mais qu’est-ce que tu fais ? je bredouille, incrédule.
— Je vais nous fabriquer des arcs.
Il pense à tout. Je n’aurais jamais eu l’idée d’une telle chose. De toute manière, je ne sais pas construire d’armes. Il a donc du talent et dans plusieurs domaines. C’est admirable. Je l’envie.
Il emprunte mon couteau et commence à tailler le bois. Finalement, nous restons là une bonne demi-heure et quand nous reprenons notre marche, j’ai déjà beaucoup moins mal. Cependant, la douleur revient rapidement et je sais qu’elle ne s’en ira réellement que lorsque je me serai véritablement posée, c’est-à-dire le soir en allant me coucher.
Elya continue de tailler le bois tout en marchant, mais prête malgré tout attention à la route pour éviter les obstacles qui se dressent sur son chemin. Je ne peux m’empêcher de le regarder et l’admirer. Il est beau. Il est merveilleusement beau, et j’ai la chance d’être aimée par lui. Mon cœur s’emballe et je souris stupidement, ravie à cette seule pensée.
La plaine est plus grande que je ne l’aurais crue. Alors que l’après-midi est bien avancée, nous continuons de cheminer à travers elle. L’herbe sèche craque sous mes pieds, des moustiques me tournent autour et je ne cesse de me gratter les jambes et les bras en soupirant, agacée. Je transpire à grosses gouttes, mes cheveux sont trempés par la sueur et j’ai horriblement chaud. J’ai même l’impression d’avoir du mal à respirer. Il y a bien longtemps qu’Elya a abandonné la fabrication de son arc à défaut de ne pas avoir de corde pour l’achever. De toute manière, nous n’avons pas de flèches.
J’ai faim. Mon estomac grogne et mes jambes ne sont plus que du coton. J’ai l’impression que je vais m’écrouler à tout moment. C’est une sensation véritablement désagréable.
— Pitié, Elya, dis-moi que nous avons bientôt traversé cette maudite plaine aride, je lui dis en haletant.
Il se contente simplement de hausser les épaules. Je ne suis pas rassurée. Il faudrait que la chance tourne en notre faveur, mais je n’ai jamais vraiment eu de chance au cours de ma vie et je crois que la malédiction me poursuit aujourd’hui encore, dans ce monde. J’espère qu’Elya n’était pas quelqu’un du type chanceux, sinon il va forcément arrêter de me fréquenter à force de rencontrer des problèmes en étant à mes côtés.
Mes mains commencent à trembler et ma vue se trouble par moment. Je serais capable d’avaler n’importe quoi à cet instant. Je crois. Enfin, il y a quand même des limites. Je me laisse choir dans l’herbe et je sens la terre brûlante chauffer mes genoux. Elya se retourne, ennuyé, et roule des yeux.
— Amaranthe !
— Je suis désolée, mais j’ai la dalle !
Mes mains caressent l’herbe sèche et mon regard s’attarde longtemps sur les touffes. Une idée assez dingue me traverse alors l’esprit et j’arrache une touffe d’herbe.
— Qu’est-ce que tu fais ? me demande Elya.
— Ce que je fais ? Eh bien, je remplis mon estomac pour le contenter !
Et sans attendre de réaction de sa part, j’enfourne l’herbe dans ma bouche et la mâche sous les yeux ahuris d’Elya. Bon, j’avoue qu’elle n’a pas très bon goût mais ça aurait pu être pire malgré tout.
— Tu es folle ! C’est de l’herbe et elle est sèche !
— Vous mangez bien des légumes qui sortent de la terre ! L’herbe c’est pareil, ça fait partie de la nature et ça sort de la terre. Elle est forcément comestible.
— Non, pas forcément. Tout ce que la nature a créé n’est pas forcément très bon, très sain ou sans danger.
— Je sais, mais de l’herbe reste de l’herbe. Ça a toujours été inoffensif que je sache. Et comme ça atterri dans mon estomac, ça le remplit.
Je continue de manger et il me regarde longuement, puis s’assoit en face de moi, arrache une touffe et hésite longuement.
— Allez, arrête avec tes manières pudiques et avale ce truc !
Il grimace de dégoût. Je sais bien que ce n’est pas forcément les manières d’un prince de se nourrir d’herbe, mais la situation est telle que nous n’avons plus le choix et il va bien falloir qu’il l’admette tôt ou tard. J’arque les sourcils et le dévisage. Il soupire puis introduit prudemment l’herbe dans sa bouche, mâche doucement, sans bruit, le regard sceptique. Je souris, ravie. Eh bien voilà ! Je vais peut-être arriver à faire quelque chose de lui… Un peu comme sa sœur qui hésitait à se baigner dans un bassin naturel.
Toriel me manque atrocement, c’est fou. Nous continuons de manger pendant une vingtaine de minutes environ, jusqu’à ce que nos estomacs soient à peu près contentés. Mes mains ont cessé de trembler et mes jambes ont retrouvé leurs forces. Il ne reste plus qu’à trouver de l’eau, mais je me sens revigorée et prête à marcher longtemps s’il le faut pour survivre. Je ne veux pas me laisser abattre. Je refuse de mourir aussi stupidement. Les bandits n’auraient pas même besoin de nous exécuter. C’est assez pitoyable. Elya paraît moins enclin et moins motivé, mais le fait que j’accélère le pas le pousse à me rattraper pour se trouver devant moi.
Alors que le jour tombe et que quelques étoiles commencent à apparaître dans le ciel, j’entends tout à coup un bruit qui m’est familier. Étonnée, je plisse les yeux et coule un regard en direction d’Elya. Il l’a entendu lui aussi. Il accélère le pas. Et quelques mètres plus loin, nous arrivons aux abords d’un lac. Lorsque je baisse les yeux, je constate que l’herbe est déjà un peu plus verte. Je n’avais pas prêté attention à ce détail. J’étais trop occupée à me soucier de l’endroit où nous allions atterrir pour dormir cette nuit.
— De l’eau ! Il y a de l’eau !
Je m’accroupis et tends les bras, place mes mains en coupe, puis commence à boire avidement. Elya en fait tout autant et Shou sort du sac où il a élu domicile pour dormir, puis s’abreuve également, assoiffé. Je m’asperge également le visage et les cheveux, mais ce n’est pas suffisant pour me rafraîchir. J’ai encore envie de me baigner, mais je crois que ce n’est pas très prudent après la nuit que nous avons passée. J’ignore encore comment nous allons faire pour traverser le lac, mais ce sujet d’inquiétude ne me préoccupe pas plus que cela.
— Avec un peu de chance, si nous continuons dans cette direction nous allons tomber sur une cabane de pêcheur, me dit Elya. Et je te parie ce que tu veux qu’elle est cachée dans ce bosquet d’arbres, là-bas.
Je tourne la tête et aperçois effectivement un attroupement d’arbres inhabituel. Nous nous trouvions dans une plaine quasi désertique, avec peu de végétation, et voilà que le décor change tout à coup. Elya me presse et m’aide à me relever. Nous marchons vers le bosquet et les paroles d’Elya sont rapidement fondées. Il y a effectivement une petite cabane en bois, avec un quai et une barque qui tangue au rythme des vagues du lac. Nous sommes sauvés !
Sans hésiter, Elya frappe durement à la porte. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais attendu le lendemain matin pour déranger la personne. Ce n’est pas très poli de frapper à cette heure-ci chez les gens, nous risquons de réveiller la personne qui se trouve là.
— J’arrive, j’arrive !
C’est une voix rauque qui nous répond. Une voix d’homme. La porte s’ouvre si brusquement que je ne peux m’empêcher de sursauter et un homme d’un certain âge nous ouvre pour nous dévisager avec froideur. Sa peau a la même couleur bleutée que celle d’Elya et il a les mêmes oreilles allongées et pointues. Nous sommes donc sur le territoire d’Elya, c’est une certitude. Nous sommes chez lui. Pourtant, Elya ne semble pas encore connaître entièrement son royaume, mais il doit être vaste et j’imagine que tous les endroits ne sont pas forcément fréquentables.
Nous sommes à Dolomen et c’est donc un Dolomenian qui nous fait face et nous regarde à tour de rôle avec un air méprisant. Il est imberbe et je crois que c’est une des particularités de cette race.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? crache le Dolomenian.
— Excusez-nous de vous déranger si tard…
— Vous avez vu l’heure, sérieusement ? J’étais en train de dormir !
Elya me marmonne sa réponse agressive et je ne peux en déduire qu’une seule chose : ce Dolomenian n’a pas l’air très amical. C’est un beau parleur et s’il dormait réellement, je ne pense pas qu’il aurait été capable de s’habiller aussi rapidement en aussi peu de temps. Pourtant, malgré tout, je reste silencieuse pour laisser Elya traiter la situation à sa manière.
— Je suis vraiment désolé, mais j’aimerais emprunter votre barque pour traverser le lac…
— Et puis quoi encore ? Vous êtes cinglé ou quoi ?
Il s’apprête à refermer la porte mais Elya la retient de justesse. Son regard s’assombrit et je sens une boule étrange au fond de mon estomac. Je n’aime pas la façon dont les choses tournent.
— Monsieur, je suis le Prince Elya, fils du roi Dorigane. Je vous prierai donc de bien vouloir vous exécuter sans protester et de me faire traverser le lac sans plus de cérémonie, sous peine de sanction.
Le Dolomenian pince les lèvres et inspire bruyamment, puis acquiesce finalement en grognant. J’avoue qu’Elya est plutôt sexy quand il se montre imposant comme ça. J’aurais voulu qu’il me dise ce qu’il a raconté à ce Dolomenian pour qu’il accepte finalement notre requête, mais Elya ne pipe mot.
Le Dolomenian nous fait signe de patienter et va récupérer quelques affaires, puis nous indique ensuite de le suivre. Nous grimpons dans la barque, il la détache et nous naviguons tranquillement sur les eaux calmes et plates. Je ne sais pas où nous nous dirigeons actuellement, ni même si nous allons droit vers notre propre mort, mais je suis soulagée de savoir que nous atteindrons bientôt l’autre côté du lac.
— Comment vous appelez-vous ? demande tout à coup Elya, peut-être pour briser le silence.
— Regthar, messire.
— C’est très aimable à vous, Regthar, de nous faire traverser ce lac.
— Comme si on m’avait donné le choix. Votre père, je le connais.
— Je n’en doute pas une seconde.
— J’avais fait une requête auprès de lui, un jour, et il n’a pas voulu m’écouter ! À cause de lui, j’ai perdu ma femme, mes enfants, mes terres et mes animaux ! Tout ! Et maintenant, je vis dans cette misérable cabane de pêche et il ose encore me demander de lui payer ses fichues taxes alors que je ne devrais même pas ! Vous voyez où c’est que j’en suis réduit ? Je mange tous les jours du poisson ! Je lave une fois par semaine mes vêtements et je suis obligé de… Ah, désolé, je ne voudrais pas offenser les oreilles de la p’tite dame.
Elya me traduit aussitôt le récit de Regthar. Je n’aime pas trop ce que j’entends. Regthar accuse le père d’Elya, mais il pourrait tout aussi bien se venger sur lui. Le regard d’Elya s’est fermé et moi je tente de penser à autre chose, mais me détendre semble impossible. Je surveille chaque fait et geste de Regthar, suspicieuse et inquiète. Son regard s’attarde un peu trop sur moi et je ne peux m’empêcher de détourner les yeux.
— Toi, t’es pas d’ici.
Je suis absolument persuadée qu’il s’adresse à moi et je crois deviner ses paroles. Je déglutis péniblement. J’espère sincèrement qu’il n’est pas très futé ou ignore tout des humains, comme c’est le cas de la plupart des personnes que nous avons rencontrées sur notre route.
— T’es quoi au juste ? À quel royaume tu appartiens ?
— Elle n’a pas à vous répondre.
— Ouais…
Il soupire et continue de pagayer en fixant l’horizon d’un air absent. Mes mains tremblent, mais je pense que le pire est passé. La barque continue d’avancer lentement en direction du rivage qui se trouve loin devant nous.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2778 histoires publiées 1267 membres inscrits Notre membre le plus récent est JeanAlbert |