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tome 1, Chapitre 7 « La cavale » tome 1, Chapitre 7

Un éclat argenté brille. Je crie. Une ombre noire passe devant mes yeux. Une force puissante me pousse. Le bruit d’un choc se fait entendre. Ma tête se heurte contre le plancher de l’auberge.

C’est le chaos.

Le souffle court, je me redresse péniblement en grimaçant. J’ai mal à l’arrière du crâne. Mélisandre s’est levé et a dégainé une épée sortie de je ne sais où. Il combat contre les deux inconnus encapuchonnés et les personnes présentes dans l’auberge, affolées, paniquées, fuient aussi vite que possible. Moi, je me recule pour me coller contre le mur derrière moi. Je ne voudrais pas représenter une gêne pour Mélisandre et il est sûrement trop concentré à combattre pour se soucier de moi.

Tout ça, c’est de ma faute. Si je n’avais pas regardé de côté, nous aurions peut-être eu une chance de fuir. Je me relève en m’appuyant contre le mur. Mélisandre pousse l’un des hommes qui se prend la table et tombe à genoux. L’autre hurle et abat son épée sur Mélisandre. Il enchaîne les coups avec une rapidité hors du commun qui me laisse perplexe. Mélisandre n’est pas aussi agile et pare les coups avec difficulté, mais il a de l’endurance. Je vois l’autre type se lever avec des gestes maladroits et je ne réfléchis pas. Je perds le contrôle de mon corps, mes mains saisissent une chaise et je la fracasse contre sa tête. Il s’écroule inerte au sol en lâchant son épée et je m’en empare aussitôt pour la tendre vers l’autre inconnu.

— Arrêtez ! je crie. Lâchez votre épée !

— Il ne vous comprend pas, Amanda !

— Il est tout seul contre deux !

— C’est un Cereusian, et les Cereusians sont têtus !

Je grimace. J’aurais voulu lui apporter mon aide, mais je ne sais pas me battre. Je ne sais pas comment manier l’épée et je pourrais être rapidement désarmée. Mélisandre semble reprendre l’avantage dans le combat, son pied vient s’écraser contre le visage du Cereusian et ce dernier, sonné, s’affale par-terre en renversant plusieurs chaises au passage. Mais il est coriace et, tout en gémissant, commence à se relever. Malheureusement pour lui, Mélisandre lui assène un coup dans les côtes et un autre en plein visage. Il ne se relève pas. Mélisandre fouille les poches des deux hommes et récupère une bourse.

— Partons d’ici avant qu’ils ne se réveillent !

— D’accord !

J’attrape rapidement mon sac à l’intérieur duquel Shou s’est caché et j’emboîte le pas à Mélisandre. L’aubergiste qui est tout ce temps resté caché derrière le comptoir se lève et nous menace avec une spatule en bois en nous criant dessus, mais nous l’ignorons complètement. Nous avons plus urgent à faire.

Suivre le rythme de Mélisandre est difficile et je suis rapidement à bout de souffle, mais je m’efforce pourtant de continuer. Notre course folle dure plusieurs minutes et finalement je me plie de douleur à cause d’un point de côté naissant. Mes poumons sont en feu et mes joues me brûlent. Je dégouline de sueur et mes cheveux se collent à mon visage. Je n’en peux plus. Je n’ai pas autant d’endurance que lui et le sport n’a jamais été ma passion. Même Shou est hors d’haleine. Dès que nous avons quitté l’auberge, il a sauté hors du sac et couru près de moi. Nous offrons un spectacle assez pitoyable à Mélisandre, je dois le reconnaître.

Comme il ne nous entend plus derrière lui, il se retourne, et quand il nous voit il s’approche, le regard mécontent.

— Sérieusement ?

— Je suis désolée, Mélisandre, je ne suis pas très sportive, je lui dis avec l’impression d’étouffer. Je… Il faut faire une pause.

— Nous venons à peine de quitter l’auberge, ils pourraient être sur nous d’une minute à l’autre et ils ont peut-être des chevaux !

— Pourquoi ? Vous n’en n’avez pas ?

— Non ! C’est hors de prix. Et je suis plus discret sans cheval.

— Il va falloir penser à investir dedans, dorénavant.

— Et c’est quoi ce truc ?

Il me désigne le sac de farine que je transporte avec la louche. En temps normal, moi-même j’aurais ri, mais là je me sens complètement affligée et désespérée.

— C’est un sac.

— Un fardeau.

— Il y a de la nourriture dedans, je grommelle pour tenter d’argumenter.

— Ce n’est pas très pratique, il faut vous procurer quelque chose de mieux.

— Je n’avais que ça sous la main.

— Vous êtes désespérante, Amanda.

— Je vous remercie.

Si ça avait été mon ex, je pense que je l’aurais giflé. Les critiques et les remontrances me poursuivent encore, j’en ai assez. Et pourtant, nous venons à peine de nous rencontrer. Qu’en sera-t-il lorsque nous aurons appris à nous connaître ? Et moi qui espérais réussir à m’en sortir seule. Je m’étais sentie revivre, regonflée d’espoirs, et voilà que toutes mes espérances s’effondrent d’un coup. Je suis lamentable. Je me sens honteuse. Et je ne peux pas faire mieux.

Mélisandre me presse, mais je suis incapable de fournir un effort de plus. Je ne peux que marcher.

— Il y a un autre village près de la côte, pas très loin, dit-il. Nous allons nous arrêter là-bas et regarder le prix des chevaux. Vous me coûtez excessivement cher, Amanda.

— Je sais, et j’ai dû coûter plus cher encore à Elya.

— Comment ça ?

— J’ai été vendue sur le marché aux esclaves.

— Vous ne faites pas les choses à moitié.

— Ce n’est pas dans mes habitudes.

Il continue de pester puis me fait signe de me mettre en marche. Par sécurité, nous nous enfonçons dans la forêt pour éviter d’être trop exposés. Nous atteignons le prochain village sans soucis et Mélisandre se renseigne sur le prix des chevaux pendant que je regarde autour de moi, méfiante. Finalement, il revient près de moi, bredouille.

— Trop cher, je n’ai pas assez d’argent sur moi.

— Alors qu’allons-nous faire ?

— Selphiade est une petite île. Nous allons nous rendre sur le Grand Continent. Non seulement nous pourrons semer nos deux traqueurs, mais en plus il y a une diversité de villes et de paysages époustouflante. Nous aurons plus de chances de trouver des chevaux à bas prix là-bas. Selphiade est une île un peu trop chère.

— Mais que faites-vous ici, alors ?

— J’avais des comptes à rendre. Allez, suivez-moi.

Il se remet en route, mais je lui indique la direction opposée.

— Non, le port est par là-bas !

— Il y en a un autre de ce côté et je ne prendrai sûrement pas le risque de rebrousser chemin pour croiser ces deux énergumènes.

Soit.

Nous traversons ainsi l’île en coupant à travers la forêt et nous atteignons un petit port alors que le jour décline lentement. Il n’y a que deux quais et trois bateaux. Ce n’est pas un très grand port, mais j’imagine que ça fera amplement l’affaire. Quoique. Ces bateaux ne m’ont pas l’air très solide et peut-être un peu trop petits, j’ignore s’ils sont réellement capables d’affronter un océan, de se fracasser contre de hautes vagues en cas de tempête et de défier les orages.

Je laisse Mélisandre s’adresser au seul Sylphien présent et je vois une petite bourse passer d’une main à l’autre, puis Mélisandre me fait signe de le suivre. Il m’aide à grimper sur le bateau après que je lui ai passé Shou et nous quittons le port quelques minutes plus tard, en direction de l’horizon.

— Vous êtes certain de votre coup ? je m’enquiers, inquiète. Ce bateau n’a pas l’air d’être construit pour naviguer sur les océans.

— Le Grand Continent ne se trouve qu’à une journée et-demi d’ici environ. Je crois qu’il est en mesure de nous y conduire sans soucis.

— Si vous le dites.

De toute manière, il s’y connaît mieux que moi, il a vécu un an dans ce monde alors que moi, je viens tout juste de débarquer. C’est ici, sur l’océan, sur cette eau calme et plate, que je commence à sérieusement regretter mon départ. Là-bas, j’étais en sécurité. Je ne craignais rien. Et maintenant, me voilà en train de fuir des personnes mal intentionnées, en pleine cavale.

Je soupire et m’appuie contre la balustrade du pont en contemplant l’horizon avec un air dépité. Le bateau tangue au gré des vagues, vacille d’un côté et de l’autre, tranquillement. J’inspire profondément et tente de garder mon calme, mais mon estomac se noue. J’ai peut-être mangé trop vite, je ne sais pas, où alors cette course folle a détraqué mon estomac. Ce n’était peut-être pas une très bonne idée de courir comme ça juste après avoir mangé. Mélisandre me rejoint et me jette un rapide coup d’œil.

— Vous êtes un peu pâle, me dit-il.

— Ah oui ?

Il acquiesce.

Ce n’est sans doute rien.

Pourtant, la seconde d’après mon estomac se soulève et je me penche violemment par-dessus la balustrade pour régurgiter tout le repas si généreusement offert par Mélisandre. Il grimace et se recule.

— Vous avez le mal de mer ?

— C’est la première fois que je voyage en bateau, je ne sais pas si j’ai le mal de mer, je lui réponds en haletant, le souffle court.

Mon estomac se tord et j’ai encore envie de vomir. Moi qui voulais sérieusement me montrer forte et courageuse, voilà quel genre de portrait j’offre à un inconnu. Je suis pathétique. Je commence à croire que, vraiment, je ne vaux rien. Je n’ai ma place dans aucun monde, ni le mien ni celui-ci.

— Sérieusement, Amanda, vous êtes une cause désespérée. Vous fuyez la famille royale, vous ne savez pas vous battre et vous avez le mal de mer. À quelles autres surprises je dois m’attendre ?

— Si vous saviez…

— De quoi ?

— Non rien.

Je soupire. J’ai un goût acide et amer dans la bouche, mais ce ne sont pas les restes de ce que je viens de dégobiller. Non. C’est de l’amertume, de la rage, de la haine, de la colère, et une pointe de tristesse. Ce sont les sentiments que j’ai ressentis juste avant de quitter la famille royale. Et lui ne me connaît que depuis quelques heures. Il me considère déjà comme un fardeau. C’est ce que je suis donc pour les autres ? Un fardeau ? Une incompétente ? Une incapable ? J’aurais mieux fait de faire ce que j’avais à l’esprit quand j’étais encore dans mon appartement. Je pense que ça aurait simplifié la vie de bien des gens. Au moins Mélisandre n’aurait-il pas eu à traîner un boulet avec lui. Je suis un poids, je vais le ralentir, je vais lui causer des problèmes. Je devrais peut-être m’en séparer tant qu’il en est encore temps.

Il s’éloigne et je le regarde faire. Shou se frotte contre moi en ronronnant, mais je le repousse du pied et descends dans la cabine pour me reposer, énervée. Je referme la porte avant que Shou n’ait pu entrer. Je ne veux personne avec moi, je veux rester au calme.

***

— Amanda ! Amanda !

— Quoi ?

J’ouvre les yeux en grommelant. Mélisandre est penché par-dessus moi et me secoue comme un prunier. Je repousse vivement sa main avec agacement et me relève.q

— Nous sommes arrivés.

— D’accord.

Je récupère mes affaires et nous descendons du bateau après avoir remercié le capitaine. Shou est curieusement calme, il doit probablement me faire la tête. Très bien, comme ça nous sommes deux !

— Écoutez, Mélisandre, je commence avant que nous reprenions la route, nous devrions peut-être nous séparer. Je vais sûrement être un aimant à problèmes pour vous, je n’ai pas envie de vous causer du souci.

Il hausse les sourcils et croise les bras. Pour une fois, je préfère dire la vérité, au moins les choses sont claires et il ne pourra pas dire que je ne l’ai pas prévenu. Ça l’incitera peut-être même à se détacher de moi plus facilement. Pourtant, il secoue la tête et moi, je ne peux que me sentir gênée.

— Non, Amanda, je ne peux pas faire ça. J’aurai votre mort sur la conscience. Et il va bientôt faire nuit. Ce n’est pas prudent de s’aventurer seule en pleine nuit.

Ah, ce n’est donc que pour ça qu’il ne veut pas que je m’en aille de mon côté. Moi qui espérais qu’il s’était un peu attaché à moi.

— Et puis, si vous êtes ici c’est pour une bonne raison.

— Ah oui ? Franchement, je ne vois pas très bien laquelle.

— Amanda, en quelles circonstances vous est apparu le portail ?

— Comment ça ?

— Est-ce que vous étiez heureuse ?

Je ne peux m’empêcher de m’esclaffer. Moi ? Heureuse ? Quelle blague ! Quand je vois l’air blasé qu’il affiche, je reprends contenance. Il est sérieux.

— Non, je n’étais pas heureuse. Professionnellement, c’était une catastrophe, et amoureusement, je crois que j’ai atteint le summum du désespoir de cause. Mon compagnon m’a quittée le jour où le portail m’est apparu.

— Vous n’attendiez donc plus rien de la vie, n’est-ce pas ?

— Exactement.

— Il m’est apparu le jour où j’ai appris que ma femme m’avait trompé et envisageait de me quitter. J’étais totalement effondré. Moi aussi, Amanda, je n’attendais plus rien de la vie. Ma femme m’a suivie et tout le temps qu’elle est restée à mes côtés dans ce monde, elle n’a pas arrêté de se plaindre et m’accuser de ce qui nous arrivait. Elle est morte un mois après notre arrivée. Et aujourd’hui, j’ai de nouveau de l’espoir, un nouveau but !

— Un nouveau but ?

— Oui.

Il n’approfondit pas. Il ne veut sûrement pas m’en dire plus, tant pis. J’ai l’habitude que les gens me cachent des choses.

— Et que croyez-vous que je vais trouver ici ?

— Vous m’avez avouée de but en blanc que vous pensiez être un boulet pour moi, ces paroles ne sont pas anodines, Amanda. Si elles ont franchi vos lèvres, c’est qu’elles ont été pensées. Et elles ont été apparemment pensées facilement, c’est qu’elles ont dû vous poursuivre durant toute votre ancienne vie. Amanda, je vais faire de vous une femme compétente qui sait se défendre.

— D’accord, et comment allez-vous vous y prendre ?

— Nous devons d’abord nous trouver un cheval pour voyager plus facilement et rapidement. Et je peux tenter de vous trouver une épée.

— Une épée ? Non, c’est trop dangereux. Trop lourd. Je serai capable de me décapiter avec un tel engin entre les mains.

Un petit sourire naît sur ses lèvres et il se détourne de moi, puis commence à marcher. Je le suis, étonnée qu’il ne me reproche pas mon manque de volonté. Il doit sûrement avoir quelque chose en tête et j’ignore de quoi il s’agit, mais j’espère ne pas être déçue. Nous quittons le port où nous avons fait escale. Il est petit lui aussi, bien qu’un peu plus grand que l’autre. De là où nous sommes, j’aperçois déjà la toiture de quelques maisons.

— Nous allons nous arrêter là-bas et trouver une auberge, car le prochain village est à trois jours de marche.

— Vous ne vouliez pas acheter de cheval ?

— Ici ils sont trop chers aussi. Là où je veux nous emmener, ils sont à un prix déjà plus abordable. Je n’ai pas beaucoup d’argent, Amanda.

— Et où est-ce que vous dégotez votre argent ?

— En volant des voleurs.

Ah. Je savais que je n’aurais pas dû poser la question. Quoi que, au moins ne s’attaque-t-il pas à de pauvres innocents. C’est une bonne chose. J’ai une multitude de questions à lui poser, poussée par la curiosité, mais je n’ai pas envie de le lasser ou de le harceler. De toute manière, peut-être obtiendrai-je les réponses en temps et en heures. Je l’espère, tout du moins.

Nous atteignons le village une heure plus tard et quelques regards se tournent vers moi. Au contraire de Mélisandre, je n’ai pas de cape et de capuche pour dissimuler mon visage, j’attire forcément l’attention. Nous franchissons alors la porte d’une boutique de vêtements et Mélisandre sélectionne une cape bordeaux, identique à la sienne, puis m’aide à m’en vêtir et relève la capuche sur ma tête.

— Vous allez un peu moins attirer l’attention ainsi, me dit-il. Et puis ce genre de cape tient chaud, vous aurez moins froid lorsque nous devrons dormir dehors.

— Dormir dehors ?

— Vous espériez quoi ? Que nous parviendrons à dénicher une auberge chaque nuit ?

Il est vraiment sérieux ? Je me vois mal dormir dehors, par-terre, dans le froid. C’est inconfortable et puis qui c’est ce qui pourrait nous arriver en pleine nature ?

— Ne vous inquiétez pas, me dit-il avec un petit sourire, le confort de votre ancienne vie va vous manquer les premiers temps mais vous allez rapidement vous habituer à ce nouveau mode de vie.

— Espérons que vous ne vous trompez pas.

Quand nous quittons le magasin, je commence à avoir faim et Mélisandre m’affirme que l’auberge n’est plus très loin et que les repas qu’ils servent là-bas sont délicieux.

— J’ai remarqué que les Sylphidens ne mangent pas de viande.

— Ici vous en aurez.

— Dieu soit loué ! Et est-ce qu’il y a aussi une salle d’eau à l’auberge ?

— Oui, un bassin commun.

— Commun ?

— Soyez rassurée, il n’est pas mixte.

— Mais il est commun.

Il s’arrête et me dévisage longuement.

— Vous êtes vraiment une femme, vous.

— Et quoi ? J’ai besoin de me laver, mais je refuse de le faire devant d’autres femmes ! Et ce ne sont même pas des femmes, d’ailleurs.

— Vous avez de la chance, Amanda, car je connais un endroit où vous pourrez vous laver en toute tranquillité, mais ne croyez pas que ce sera toujours le cas. Une fois, il m’est arrivé de voyager un mois entier sans avoir l’occasion de me laver.

Un mois entier sans se laver ? Quelle horreur ! Il devait puer le chacal ! Je n’ai pas envie d’en arriver là.

— Et l’eau est chaude là où vous allez m’emmener ?

— Oui, Amanda, l’eau est chaude !

Amen !

C’est tout ce que j’avais besoin d’entendre. Mélisandre semble un peu exaspéré, mais je n’en n’ai que faire. Moi, je suis plutôt soulagée de savoir que je vais bientôt pouvoir me laver et, surtout, que je vais pouvoir manger de la viande ! J’ignore encore de quelle viande il peut s’agir, mais rien qu’à l’idée de manger quelque chose de plus consistant, je me sens rassurée.

Nous entrons dans l’auberge et, à l’heure qu’il est, elle est pleine à craquer. Malgré tout, nous parvenons à dénicher une petite place et une jeune femme s’approche de nous. Mélisandre lui passe commande, mais il parle une autre langue que le Sylphien et je ne peux m’empêcher de le regarder avec un air atterré.

— Vous parlez combien de langues ?

— À peu près toutes les langues.

— Et ça fait seulement un an que vous êtes là…

— J’ai dû apprendre à m’adapter rapidement pour survivre. Au fait, surveillez bien votre Nerhak, ils les cuisinent ici.

— Quoi ?

Je lui jette un air affolé et j’attends qu’il explose de rire en me disant : « Je vous ai bien eue, hein ? », mais il reste terriblement sérieux. Aussitôt, je serre Shou contre moi et le caresse, puis dépose un bisou sur son front. Content, il remue la queue et me lèche le visage.

— Si des gens veulent te prendre, grogne ou crie ou fais je ne sais quel bruit que tu fais, d’accord ?

Je ne sais pas s’il m’a comprise, mais en tout cas il ne boude plus. La serveuse revient avec notre repas et malgré l’odeur curieuse qui s’en dégage, le goût est très agréable. Après avoir mangé, Mélisandre loue une chambre pour la nuit et nous montons nos affaires là-haut. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a une salle d’eau attenante.

— C’est la suite royale, la dernière chambre disponible, m’explique-t-il.

— Super, je vais pouvoir me laver plus tôt ! je m’exclame, folle de joie.

— Profitez-en, oui, car votre prochain bain ne sera pas avant deux jours. Je vais m’absenter, j’ai deux-trois achats à faire.

— D’accord.

Je passe une bonne heure dans l’eau à me laver et me détendre, mais quand je reviens dans la chambre, Mélisandre n’est toujours pas là. Et je refuse de m’aventurer au-dehors sans lui, alors qu’il fait nuit. Alors je m’allonge dans un lit, j’attends patiemment, mais l’ennui et le silence me fatiguent et je finis par m’assoupir.


Texte publié par Nephelem, 12 juillet 2017 à 09h05
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