Chemins de traverse.

Raccourcis d’urgence.

Il pourrait trouver une centaine d’autre noms, doucement euphémiques, pour désigner ces trajets extrêmes qui impliquent de sortir de notre univers et de plonger dans d’autres mondes.

Des mondes d’eau, de feu, d’air. Des mondes de pénombre et de lumière. Des mondes de vide absolu.

Pour ces derniers, il n’est pas vraiment sûr qu’il s’agisse réellement de mondes – des déchirures dans l’espace et le temps, peut-être ?

Mais à partir du moment où l’on y rentre par un point A, et que l’on peut en ressortir par un point B, plus rapidement qu’à pied, à cheval, en bateau ou à dos de dragon, ces trajets nécessitent d’être répertoriés.

Le seul souci, c’est que les mages qui ont trouvé ces raccourcis n’ont pas toujours le sens de l’orientation. Leurs indications sont si fluctuantes et imprécises que c’est parfois une véritable aventure de parvenir à retrouver le point de sortie qu’ils ont découvert ou créé : heureusement qu’il dispose d’un rare et précieux détecteur de failles interplanaires. Mais il en vient quand même à les soupçonner, pour certains d’entre eux, de vouloir conserver le secret sur leurs petits raccourcis. Surtout quand le portail s’ouvre dans leur bureau et aboutit dans la cave d’une taverne ou la cour d’une maison de plaisirs.

Heureusement pour eux, le Haut Conseil de la Magie ne porte aucun intérêt à leurs petites turpitudes. Ce qui l’inquiète, c’est le risque de voir ces passages employés pour des actes vraiment crapuleux : assassinats, complots, et tout le reste… C’est pourquoi le Haut Conseil estime qu’il est plus sûr de bien les connaître, dans l’intérêt commun. Tout emploi réitéré d’un passage entre les mondes sans l'avoir déclaré aux services de l’Atlas est lourdement sanctionnée. Et le Haut Conseil a les moyens de le savoir…

Cartographier ces passages ne suffit pas : il est indispensable de dresser la liste complète des recommandations nécessaires à observer dès que l’on souhaite les emprunter. En commençant par leur ouverture : il faut déjà posséder les pouvoirs et la technique pour parvenir à le faire, ce qui ne concerne qu'une minorité de gens même dans la communauté magique. Si l'on s'attaque à ce genre de défit sans l’expérience requise, on peut ouvrir la mauvaise porte et provoquer un drame mineur – l'irruption de démons enragés par exemple. Ce qui peut avoir des conséquences plutôt désagréable pour le responsable et son entourage.

Même avec les compétences approprié, il faut savoir se préparer et s'équiper convenablement, en fonction du type d'univers à travers lequel on s’apprête à circuler. Un univers d'eau nécessite un sort de respiration aquatique – et une collection de harpons en cas de mauvaises rencontres. Un monde de feu, une armure ignifugée ou un charme de protection assez puissant pour résister à des températures avoisinant celle de la lave ou du métal en fusion.

Et encore, on parle ici des situations... simples. Imaginez, mettons, un monde où l’atmosphère est méphitique, le sol un vaste sable mouvant et peuplé, pour couronner le tout, de moustiques géants et de tiques grosses comme le poing ? On en viendrait à préférer la lave.

Il y a des cas où mieux vaut affronter trois jours de voyage dans notre monde. Voire dix. Même quinze, ou vingt, à la réflexion.

Pour sa part, il a tendance à penser que prendre ces raccourcis, c’est au final se donner de la peine pour pas grand chose. Tous les chemins mènent à Rho’m. A titre personnel, il préfère suivre la route la plus sûre. Et arriver à bon port.