Tout bon aventurier connait au moins une grotte abritant un dragon. Les plus téméraires ont même déjà vu de leurs propres yeux les trésors fantastiques amassés dans ces antres obscures. Pourtant, aucun d'eux ne connaît vraiment l'histoire de ces majestueuses créatures, aucun d'eux ne pourrait vous conter l'histoire de Rösell.

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Les dragons sont une espèce étrange, fascinante. Peut-être l'avez-vous déjà remarqué, mais on ne rencontre jamais de dragonne. Sachez qu'il fut un temps où ce n'était pas vrai. Eh oui, je veux bien sûr parler de Rösell. On raconte qu'elle était la plus belle créature que notre monde ait jamais porté et qu'il n'en connaîtra pas d'autre. On dit même que sa simple vision pouvait envoûter un homme et qu'un seul mot d'elle suffisait pour que tous ses congénères lui obéissent. Et pour cause : Rösell était la mère de tous les dragons !

Elle était d'une douceur et d'une sagesse qui n'avait d'égal que sa beauté. Son corps entier était couvert d'écailles d'or toutes plus brillantes les unes que les autres, un véritable joyaux ayant pour écrin l'azur du ciel. Certes, tous ses rejetons n'ont pas hérité de sa bonté, de sa bienveillance, mais ils ont en réalité bien des raisons de nous en vouloir et je soupçonne que s'ils ne se sont pas lancés, depuis, dans une grande chasse à l'homme, c'est certainement à cause de, ou devrais-je plutôt dire grâce à, Rösell. Mais ceci est pour la fin de notre histoire et nous n'en sommes qu'au début.

Rösell fut donc la première de son espèce mais cela ne dura pas. Très vite, elle donna naissance à de nombreux petits. Des verts, des marrons, des rouges, des noirs... De toutes les couleurs en réalité mais aucun autre doré, pas plus qu'elle ne mit au monde une seconde femelle. La mère des dragons demeurait une créature unique.

Un jour, un jeune berger en quête d'une de ses bêtes égarées se fit surprendre par un orage terrible et il trouva refuge dans un caverne fort spacieuse. Une caverne abritant un dragon ! Dès qu'il aperçut écailles et griffes, le jeune homme, tout sauf téméraire, se mit à trembler de tous ses membres et implora l'effroyable créature de bien vouloir l'épargner. Il faut dire que pour les bergers, les dragons sont de terribles prédateurs. Mais par chance, le pleutre était tombé sur le bon écailleux. Rösell s'amusa de sa réaction et le rassura aussitôt. Elle le convia même à rester en sa demeure aussi longtemps que durerait l'orage. Ainsi donc, berger et dragonne firent connaissance et discutèrent une bonne partie de la nuit. Avant de repartir, le jeune homme voulut emporter un souvenir de cette rencontre, une preuve que tout ceci n'était pas qu'un rêve étrange. Il ramassa donc dans le sable une écaille tombée du dos de cette incroyable créature.

De nombreux jours s'écoulèrent dans l'antre paisible de Rösell, jusqu'à celui où le berger revint la voir. Ils discutèrent à nouveau toute la nuit et, au petit matin, le visiteur tout sauf désintéressé ramassa une poignée d'écailles avant de filer. Car voyez-vous, les écailles de Rösell n'avait pas seulement la couleur de l'or, il s'agissait bel et bien d'éclat de ce métal, dans sa forme la plus pure et précieuse.

Très vite, la rumeur de ce berger devenu soudain riche propriétaire se répandit dans les terres alentours. Il ne fallut guère de temps pour qu'un petit malin suivent ledit berger dans ses étranges sorties nocturnes, et qu'un autre malin suive le premier... Et ainsi de suite. Rösell était enchantée de faire ces nouvelles rencontres, d'avoir un peu de compagnie. Ses petits étaient tant occupés à parcourir le monde qu'ils ne venaient pas souvent la voir. Comme je vous l'ai dit, la dragonne était la bonté incarnée et elle ne se doutait pas le moins du monde des intentions pas vraiment honnêtes de ses hommes qui venaient à sa rencontre.

Mais il fut bientôt plus de pillards pour venir ramasser les écailles qu'il n'y en avait à récolter et, un beau matin, Rösell vit revenir son ami le berger, qui avait dû passer la nuit dans sa grotte à chercher les derniers éclats d'or dans le sable, le visage en sang. Un aventurier bien plus téméraire que lui n'avait eu aucun scrupule à lui arracher son trésor par la violence. La douce Rösell, ne comprenant pas ce que ses écailles avaient de si extraordinaire, et voulant consoler son ami, se frotta l'échine contre la roche de sa caverne et fit pleuvoir sur le malheureux plus d'or que sa bourse ne pouvait en contenir.

Le malfrat étant resté par là, et voyant revenir sa victime plus lourdement chargée qu'à leur première rencontre, comprit qu'il y avait là réponse à la pénurie d'éclats à récolter. Avide mais pas inconscient, il s'en alla chercher des compagnons de méfait. Il s'en vint ainsi à la grotte une troupe armée de pics et de lames en tous genres et ils attendirent que l'occupante des lieux soit endormie pour se jeter sur elle. Rösell tenta tant bien que mal de se défendre mais la violence lui était une chose inconnue. Elle appela ses enfants à l'aide, supplia qu'on vienne à son secours, mais la pauvre créature succomba sous les coups de ses assaillants.

Quand les premiers rugissements de rage des dragons, ameutés par les lamentations de leur mère, retentirent, les malfrats avaient déjà disparu et les petits ne trouvèrent qu'un amas sanguinolent en lieu et place de leur douce maman. C'est ce jour-là qu'est née cette haine féroce qu'ont les dragons à l'égard des hommes et aucun d'eux ne trouva le repos avant d'avoir déniché un à un les coupables, leurs descendants, les descendants de leurs descendants...

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Tout bon aventurier connait au moins une grotte abritant un dragon. Les plus téméraires ont même déjà vu de leurs propres yeux les trésors fantastiques amassés dans ces antres obscures. Les curieux connaissent à présent le terrible secret qui se cache derrière ces montagnes d'or. Vous savez maintenant que derrière chaque dragon protégeant farouchement ses richesses se cache un enfant veillant éternellement la dépouille de sa mère...