"Schtroumpfez la corde!"
"Oui, Grand Schtroumpf!" Répondirent le Schtroumpf Costaud, le Schtroumpf Farceur et le Schtroumpf à Lunettes. "O HISSE!" " La saucisse!" Ajouta le Schtroumpf Bêta.
Et patatra! Gargamel se retrouva une fois de plus ligoté, pris à propre piège. Les lutins bleus poussèrent des hourras en sautant autour de lui, victorieux.
"C'est Schtroumpf Schtroumpf Schtroumpf
Qui fait Schtroumpf Schtroumpf Schtroumpf! " Chantaient-ils gaiement de leurs voix nasillardes.
"Les Schtroumpfs! Je vous aurai!" Pesta le sorcier vaincu, réduit à l'impuissance.
Mais les petites créatures étaient déjà loin.
Après de longues heures de contorsions, de reptation, de gesticulations, de protestations, d'inutiles vociférations et quelques luxations, le méchant homme parvint enfin à se libérer de ses liens. Il put alors enfin laisser libre cours à sa rage, tambourinant des poings sur le sol. "Je déteste les Schtroumpfs! Je HAIS les Schtroumpfs!" Tempêtait-il, s'égosillant dans la poussière.
Mais bientôt, la lassitude l'emporta sur la rage. Il se releva, épuisé.
"Je hais les Schtroumpfs…" Lâcha-t-il une dernière fois sans conviction, en époussetant sa pauvre robe noire toute rapiécée. Avec un soupir, il libéra son chat du coffre branlant dans lequel ses minuscules ennemis l'avaient enfermé. "Je sors, Azrael. Sois bien sage en mon absence."
Il quitta sa misérable chaumière sous le regard dubitatif du roux greffier – qui avait certes l'habitude de voir son maître ridiculisé mais guère celle de le voir se calmer si vite. L' alchimiste avait simplement besoin de prendre l'air – cela n'avait, somme toute rien d'étonnant si l'on tenait compte de la quantité de saletés qu'il avait avalées en se débattant sur son dallage malpropre.
Ses pas auraient pu, comme souvent, le mener au cœur de la forêt voisine où il aurait alors certainement cherché une énième fois le village de ces petites pestes bleues. Mais au bout du compte, il aurait sans doute perdu nombre d'heures et son chemin dans cette vaine exploration – d'autant qu'il faisait maintenant nuit.
Ce fut donc jusqu'au village tout proche que le portèrent ses vieux souliers rouges. Plus précisément, à la taverne du village. Au comptoir de la taverne, même pour être parfaitement exact, à côté du seul client qui semblait aussi désespéré que lui.
"Marie-Bernadette m'a quitté…" Sanglotait le quidam, le nez dans un verre de whisky – qui ne devait pas être le premier à en croire la teinte de son nez, qui eut rendu jaloux un coquelicot. "Ma reine… Mon petit cœur… Ma bibiche en sucre!" Il éclata en lourds sanglots alcoolisés.
"Que s'est il donc passé, mon ami?" lui demanda le magicien dégarni après avoir commandé un hydromel.
"Il y a que je suis marin pêcheur, Répondit Jean-Raoul – car c'était son nom- et que puisque je passe de longues semaines en mer, elle en a eu assez de m'attendre! Elle m'a plaqué pour le poissonnier, alors que c'est un pauvre type! Hoooouuuu! Je suis si malheureux!"
"Les femmes, les femmes, on en trouve à tous les coins de rue! Les Schtroumpfs en revanche, ça c'est une rareté!" Contra Gargamel, qui venait d'avaler cul-sec son premier verre.
"Les Smurfs?" Tenta maladroitement de répéter son compagnon d'infortune et de beuverie. "Qu'est ce que c'est quoi?"
"Les Schtroumpfs, Môsieur, sont une espèce unique de lutins qui, grâce à mes immenses talents d'alchimiste, pourraient me permettre de transformer le plomb en or! Oui, en or!" Scanda le-dit alchimiste, déjà rendu sentencieux par les premiers effets de sa liqueur. "… Si seulement j'en attrapais… Et c'est bien là qu'est mon problème, à moi! Ces sales petits démons me font tourner en bourrique! Je… Je hais les Schtroumpfs…" gémit-il. "Tavernier! Un autre! … Et laissez donc la bouteille!" Il replongea son nez crochu dans sa boisson, pour y noyer son désespoir.
Combien d'imprécations haineuses avait-il ainsi lancées dans le vide? Combien de fois avait-il – en vain- juré de se venger? Combien de plans fumeux, de stratégies tortueuses, de scénarii ineptes, de tactiques médiocres avait-il élaborés pour parvenir à ses fins? Depuis combien d'années, de décennies, même?
"A quoi bon? Pleurnicha-t-il, je n'y arriverai jamais! Je ne suis qu'un bon à rien! Un alchimiste raté! Tout ça à cause de ces maudits Schtroumpfs! Je déteste les Schtroumpfs!"
"Et moi j'aime Marie-Bernadette!" Bêla l'amoureux éconduit. Et de pleurer de concert sur le comptoir de chêne poli qui n'en demandait pas tant. Il ne fallut pas moins de deux bonnes bouteilles d'alcool au miel pour l'un au malt pour l'autre, pour qu'enfin se tarissent leurs flots de larmes.
"Tu sais, quand même, c'est pas très gentil, ce que tu veux leur faire à ces pauvres Schlümpfes…" commença l'amant malheureux.
" Schtroumpfs." Corrigea son voisin de tabouret.
"Oui, enfin peu importe. Tu ne t'es jamais dit que tu devrais… Je sais pas… Les laisser un peu tranquilles?"
"Oui, concéda le mage édenté, maintenant que tu le dis, c'est vrai, j'ai parfois eu des remords… Mais toi, tu ne voudrais pas te venger de ta fiancée? Tu pourrais, je ne sais pas… Lui lancer un sort, pour lui faire perdre ses cheveux ou la couvrir de pustules!"
"Moi? Mais je ne sais pas faire ça!
Oh… La magie, ce n'est pas sorcier! En fait, c'est un peu comme la cuisine: il suffit de suivre la recette d'un grimoire et le tour est joué! D'ailleurs, si tu veux je t'offre mes livres. Oui, tous mes livres! J'en ai assez, de cet occultisme à la manque! Je te donne tout, à toi, mon ami, mon frère! Ma tour, mon laboratoire, mes maudits bouquins et même Azrael, tiens!"
"C'est ta femme?" Demanda l'autre, sur un ton un peu trop avide.
"Mais nooooooon, voyons!" Pouffa l'alchimiste désormais repenti. "C'est mon chat!"
"Ah oui… Enfin c'est mieux que rien… Hé bien moi, en échange, je t'offre mon bateau. J'en ai soupé, de naviguer sur les flots!"
"Marché conclu!"
Ainsi les deux pochetrons s'enlacèrent tels des amis de toujours. La taverne fermant, ils furent mis dehors par le tenancier. Dans les rues endormies, à la lumière de la lune, ils achevèrent de s'encourager mutuellement avec force slogans positifs et inédits: "En marche!" Criait l'un. "Le changement, c'est maintenant!" Criait l'autre. "Oui, on peut!" "Debout les alcooliques!" "Fort fort lointain d'abord!"
Ce jusqu'à être douchés à grand renfort de seaux d'eau glacée par les riverains au sommeil par eux dérangé. Après ces adieux humides et néanmoins émouvants, ils se séparèrent enfin: Jean-Raoul se rendit chez Gargamel et ce dernier tituba jusqu'au port.
… De la soirée.
Mais, me demanderas-tu, Lecteur avisé, qu'advint-il de l'infortuné Jean-Raoul?
Eh bien au matin, en proie à une formidable gueule de bois, il entreprit de concocter un filtre d'amour pour reconquérir le cœur de sa dulcinée. Seulement, l'alchimie est avant tout une science de précision et entre la balance faussée et les pots mal étiquetés au contenu souvent périmé de son prédécesseur, voilà que son mélange fulmine et le transforme en crapaud.
Funeste destin, me diras-tu. Que nenni! Car c'est sous cette forme batracienne qu'il trouva l'amour dans une mare toute proche, avec une femelle très semblable à la belle Marie-Bernadette. Ils s'accouplèrent, furent heureux, et eurent beaucoup de têtards.
Mais, protesteras-tu, Lecteur généreux, qu'advint-il du pauvre Azrael, abandonné, seul et sans croquette? Il finit par trouver refuge chez mon amie Joanna. Et là, crois-moi, il ne sera pas malheureux: s'il est un paradis sur terre pour les félins de tout poil, c'est bien là.
Mais enfin, pesteras-tu avec raison, Lecteur averti, qu'advint-il de notre héros Gargamel, injustement délaissé par ma prose? C'est là une longue histoire… La nuit et l'ébriété trompeuses guidèrent les pas mal assurés de notre ex-sorcier sur la mauvaise embarcation qui, par un concours de circonstances tout à fait désastreux, levait l'ancre dès l'aube suivante. Découvert en pleine mer par les matelots, alors qu'il ronflait comme un sonneur à fond de cale, il fut forcé de faire office d'assistant Maître coq jusqu'à la première escale, qui se trouvait être à Saint-Pierre de La Réunion.
Là, faute de Schtroumpfs, il décida de changer de carrière et se fit barman. Désormais, il y coule des jours heureux, régalant les touristes de ses cocktails au curaçao.
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