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Hésitant, le vampire sonne à la porte.

- Bonjour, je suis monsieur Essandier, j'ai rendez-vous avec...

- Entrez, je vous prie. Je sais fort bien que nous avons rendez-vous.

Etonné, le jeune homme examine un moment la femme qui lui fait face, qu'il estime dans la quarantaine.

- Je suis désolé, je m'étais attendu à une personne âgée et...

La femme blonde lui fait signe de la suivre et il se tait en examinant ce qui l'entoure.

- Un appartement situé au rez-de-chaussée absolument normal. conclut-il en se demandant s'il ne s'est pas trompé.

Il serre le pieu de bois qu'il a caché dans son sac, prêt à se défendre lorsque la propriétaire des lieux lui fait signe de s'asseoir autour d'une table ronde dont le bois a été ciré il y a peu.

- Je n'ai pas bien saisi votre requête mais vous m'avez demandé si j'avais l'esprit ouvert et si je m'y connaissais en défunts alors j'ai accepté de vous recevoir. dit-elle. Nous avons une heure, la séance est à deux cent euros comme convenu, payable d'avance.

Abriel hésite puis il s'assied sur la chaise qu'on lui désigne en tendant la petite liasse de billets qu'il a préparés.

- Je suis amoureux d'une jeune fille. Le problème est que je suis un...non-vivant et elle, une humaine tout à fait normale. Vous allez me répondre que je pourrais la mordre et la faire devenir comme moi mais cela me semble injuste. Elle ignore ce que je suis, je fais tout mon possible pour le lui cacher. Je voudrais savoir s'il serait possible de... me ramener à la vie et si le prix à payer est de renoncer à l'immortalité, je l'accepte volontiers si cela me permet de cesser de me cacher, avoir une descendance peut-être, me marier légalement sous une fausse identité, bien sûr.

La femme l'examine attentivement avant de lui sourire.

- Une fausse identité? Je doute que vous compreniez combien cela est difficile dans le monde actuel. Si un de vos descendant acceptait de vous aider en admettant qu'il porte le même nom que vous et que vos âges et votre ressemblance...

- Mon nom de famille a disparu il y a bien longtemps. Au milieu du dixt-neuvième siècle, une jeune fille se marie et un nom de famille disparaît, c'est injuste et malheureux.

Les poings serrés, il sent la colère le submerger et il serre les poings pour ne pas la laisser éclater. Il croise le regard de son interlocutrice et il se souvient que la séance va lui coûter une coquette somme s'il ne se hâte pas.

- Etes-vous une vraie sorcière? Je ne vois ni balai, ni grimoire, ni chaudron dans votre intérieur. interroge-t'il en examinant le décor de la pièce.

- Et vous? Pour un non-vivant, vous parlez beaucoup. Bien, vous voulez revenir à la vie? Je n'ai pas souvenir que la littérature ésotérique évoque de tels cas. Vous allez mourir, vous le savez?

- J'ai vécu bien des vies, solitaire et en marge de la société. Et puis, je peux toujours trouver un vampire qui accepte de me mordre lorsque l'âge viendra pour redevenir immortel. Peut-être même avec la femme que j''aime si elle l'accepte. Mais pour le moment, elle ignore tout de mon...état. Je pourrai avoir des enfants...

- Et des cheveux gris, un cerveau atteint de démence sénile, de l'incontinence, une retraite misérable faute d'avoir cotisé suffisamment. Et vous risquez la mort, une voiture et la vie s'échappe de votre corps pour ne plus jamais revenir. Je ne suis pas spécialiste en vampirisme mais il me semble que votre état présente tout de même des avantages indéniables.

Amusé, son client se lève et il se penche vers elle.

- Accepteriez-vous que je vous morde? Pour gagner l'éternité? Et la solitude, une fois que vos amis et votre famille ont disparu? Que vous ne pouvez fréquenter car ils vous ont enterré et pleuré? Quelle femme m'aimera? Un vampire? Combien croyez-vous qu'il y a de vampires sur cette planète? Savez-vous combien de vies il faut prendre pour nourrir un être tel que moi?

La sorcière rebondit sur la question pour couper sa diatribe.

- Justement, je me demandais comment vous vous nourrissiez. Si des cadavres humains étaient vidés de leur sang, la police l'aurait remarqué, des disparitions auraient été signalées. Ou des vols de poches de sang à l'hôpital.

Le vampire sourit, amusé avant de se rasseoir.

- Tout s'achète en ce monde. Les poches de sang volées par les employés de l'hôpital peuvent se payer à des employés peu scrupuleux qui falsifient des registres. Il y a le sang des abbatoirs et la chasse aux animaux. Je n'aime pas le rat mais il est abondant et personne ne s'émeut de leur mort. Les chats et les chiens errants me répugnent comme tous les animaux domestiques d'ailleurs, je me dis qu'ils ont des propriétaires qui les recherchent. Il n'est pas rare que je les ramènent chez eux ou à la porte d'un cabinet vétérinaire lorsque j'en croise.

- Vous êtes donc bien intégré à notre société.

- Tout à fait, une fausse identité et un accès à internet sont une aide précieuse pour vivre caché. Quand les registres d'état civil ont été mis en ordre, je vivais en marge de la société, je déménageais souvent. L'informatique est arrivée et j'ai enfin pu réintégrer la société humaine. J'ai appris à falsifier mon identité et les dossiers pour survivre. Et vivre, tout simplement. Vous n'imaginez pas comme vivre seul et ignoré de tous est difficile. Pouvez-vous faire ce que j'attends de vous?

La sorcière réfléchit un long moment en silence.

- Vous avez un téléphone? Je vais faire des recherches et je vous recontacte.

Le vampire sourit et il lui tend sa carte de visite avant de se lever pour quitter les lieux.

- A bientôt, je l'espère.