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tome 3, Chapitre 18 tome 3, Chapitre 18

Dans l'antichambre, Rune fait les cent pas, nerveux. Il serre contre ses côtes le dossier qu'il tient sous son bras pour se donner du courage. Il se demande depuis combien de temps il attend lorsqu'un valet en livrée violette brodée d'argent vient le voir et lui demande de le suivre. Ils passent dans plusieurs petits salons au parquet ciré avant de pénétrer dans un petit cabinet de travail. Rune note le lambris de bois très clair presque blanc peint de motifs floraux, les larges fenêtres rondes au fond de la pièce et l'épais tapis de laine noire coincée sur un bureau de bois massifs entouré de trois chaises. Près de la fenêtre, quatre fauteuils recouverts de velours bleu nuit et une petite bibliothèque surchargée de livres et de papiers complètent l'ensemble.

Le roi lève les yeux de sa table de travail où il termine l'écriture du décret que la reine lui dicte. Les souverains se lèvent et demandent au jeune homme de s'asseoir à son aise sur les fauteuils près de la fenêtre qui laisse entrer une pâle lumière.

- Bonjour Rune, vous avez demandé à nous voir ? demande le roi.

- Oui, je tenais à vous faire parvenir une reproduction du tableau de Falba Slikar exposé dans le musée de la ville d'où je viens.Vos majestés. complète précipitamment le jeune garçon.

Les souverains se penchent sur la reproduction du tableau et remercient chaleureusement Rune.

- Merci infiniment. Quels sont vos projets actuels ? s'enquiert le roi.

- Je compte continuer à voyager et découvrir la fédération.

- Et votre amie, comment se passent ses études ?

- Bien, à ce qu'il me semble. Elle est douée dans la magie.

- Et comment vont vos amis ?

- Ils continuent à travailler dans leur boutique qui marche plutôt bien pour une petite île comme celle où ils vivent.

- Nous passerons peut-être vous rendre visite, nous envisageons de visiter un peu mieux le royaume et nos sujets dans les mois à venir.

La discussion se poursuit durant une partie de l'après-midi autour de boissons chaudes et froides, de sandwichs et de pâtisseries diverses.

Ambrelune, face à la table, peine à rassembler ses ingrédients. Elle en prend un avant de le reposer puis elle se plonge dans sa réflexion durant un instant avant de recommencer son manège qui dure depuis dix minutes. Derrière elle, elle entend ses camarades glousser discrètement. Elle soupire et elle décide d'utiliser les grands moyens ; elle retourne à sa table prendre ses livres de botanique et de minéralogie pour parvenir à reconnaître les plantes et minéraux nouveaux pour elle.

- Mademoiselle, il y a un problème ? s'enquiert le professeur de potions. Les soins magiques complexes le seraient-ils trop pour vous ?

- C'est que j'ai bien quelques idées de remèdes mais je peine à différencier les ingrédients, je n'ai jamais utilisés la plupart de ceux qui sont à ma disposition aujourd'hui et...

Le professeur soupire.

- Vous n'avez pas assimilé les bases et vous espérez vous en sortir ? Bien, reprenons du début. Vous allez aller à la bibliothèque me trouver un livre de botanique et de reconnaissance des pierres. Pendant ce temps, je vais vous noter sur des morceaux de papier le nom des ingrédients à votre disposition, vous aurez jusqu'à la fin de l'heure soit une heure pour mettre chaque étiquette près de l'ingrédient correspondant. Vous me rendrez votre devoir pour la semaine prochaine, cela vous convient-il ?

Les joues empourprées, la jeune fille acquiesce avant de déposer ses affaires sur son bureau pour se rendre à la bibliothèque emprunter des ouvrages. Un quart d'heure plus tard, elle revient dans la salle de cours, les bras chargés sous les regards moqueurs de ses camarades. Ambrelune feint de les ignorer et elle se rend au fond de la salle pour se plonger dans les livres. Lorsque sonne la fin de l'heure, le professeur ramasse les travaux des élèves qui sortent en courant et il vient auprès d'elle.

- Avez-vous trouvez ce que je vous cherchiez ?

- Je crois bien...

Les lèvres serrées, Ambrelune attend le verdict du professeur qui se déclare satisfait malgré quelques erreurs qu'il s'empresse de lui expliquer. Soulagée, la jeune fille sort enfin et elle court dans les couloirs pour ne pas être en retard à son prochain cours. Elle se demande si elle ne devrait pas reporter son année d'études, elle a tant de choses à apprendre mais elle ne doit pas décevoir ses amis et il est normal qu'il lui soit difficile de reconnaître certaines plantes ou pierres qui arrivent déjà en poudre dans la boutique où elle travaille. Elle a une pensée pour ses amis, elle songe que si Rune avait suivi le même chemin qu'elle, les choses auraient été bien plus faciles, ils auraient été deux à affronter les difficultés.

Par cette belle fin de journée, Andrea profite que Raya est sortie pour consulter son grimoire. En temps normal, il ne serait pas permis de toucher au grimoire de son amie ; c'est comme s'il lisait son journal intime mais il ne résiste pas à sa curiosité dévorante. Le sorcier jette un coup d’œil par-dessus son épaule pour s'assurer qu'il est seul et il quitte le laboratoire pour aller fermer boutique. Certain d'être parfaitement tranquille, il retourne dans la pièce du fond pour consulter le manuscrit, un peu mal à l'aise de se sentir comme un voleur. Il feuillette lentement les pages épaisses du lourd volume, il sourit à la lecture des premiers sorts créés par son amie. Il apparaît qu'elle aimait visiblement changer les couleurs des objets du quotidien : ses peluches et ses couvre-lits se paraient de couleurs vives. Un peu plus tard, la sorcière s'est intéressée aux animaux et elle a commencé à leur faire changer de couleur avant de leur occasionner des modifications mineures. D'après ses notes, elle a relâché des rats à deux queues ou plusieurs oreilles dans la nature en cachette de ses parents avant de s'essayer à redonner leur forme originelle à l'objet de ses expériences avec plus ou moins de succès. Au fil des années, ses formules se sont complexifiées et elle a créé des créatures de plus en plus élaborées et loufoques. Un bruit dans la maison fait sursauter le sorcier qui s'était perdu dans sa lecture. Il remet prestement le grimoire à sa place et il court dans la boutique qui est vide. Il rougit de sa sottise avant de se dire qu'il est grand temps de cesser de rêvasser et de se remettre au travail. Lorsqu'il pose les yeux sur son propre grimoire, il songe que le sien paraît presque une œuvre d'art jamais utilisée tant il est soigné comparé à celui de son amie qui est raturé, taché d'encre et de taches diverses. Le sorcier se demande si le fait que Raya s'est plus concentrée sur ses expérimentations au lieu de se préoccuper de la bonne tenue de son recueil personnel de sorts et de la bonne marche à suivre ne l'a pas aidée à repousser ses limites et sa créativité. Songeur, Andrea termine les commandes que les clients lui ont confié en s'interrogeant sur sa pratique de l'art de la magie après avoir pris soin de déverrouiller la porte.

Prudemment, le garde toque à la porte. Derrière la porte de bois sculpté, les voix se taisent. Dans le cabinet où des cartes du royaume sont étalées à même le parquet, les souverains et leurs conseillers font le point sur l'état du royaume et notamment de ses finances. Le commerce reprend trop lentement pour assurer son avenir immédiat, il devient urgent de développer les exportations avec le s autres pays de la fédération.

- Vos majestés, un pli de toute urgence pour vous.

Le roi avance la main pour prendre le parchemin et remercie. Une fois seuls, il lit le contenu de l'épître qui révèle que la principauté de Roupounaï se trouvait en difficulté suite à des mauvaises récoltes et des épidémies, le prince demande leur aide de toute urgence. La reine soupire, ils ne peuvent pas ignorer cette demande pressante mais les finances du royaume ne leur permettent pas de telles largesses. Après vive discussion, ils décident de faire de leur mieux pour leur fournir des médicaments et des vivres.

Quelques semaines plus tard, le prince Hentir de Roupounaï fait parvenir un courrier au palais pour remercier les souverains de leur aide et leur faire savoir qu'un tableau de Falba Slikar est exposé dans la salle du trône depuis des années. La majestueuse peinture représente une scène de bataille avec des soldats en armure qui se battent dans une plaine enneigée visiblement quelque part dans la mer de Glace.

- Comment ça, nous ne pouvons pas commander de liane dorée de Muir ? s'indigne Andrea.

- Désolée, têtard mais nous n'avons pas les moyens de satisfaire tes ambitions. dit Raya en haussant les sourcils, un brin moqueuse face à la réaction de sa moitié-magique. L'aurais-tu oublié, par hasard ?

Le sorcier grommelle une réponse incompréhensible. Il avait oublié leur manque de moyens et il est las de sans cesse restreindre ses ambitions et ses expérimentations car Raya refuse qu'il utilise son pécule personnel pour aider au développement de sa boutique.

- Bonjour, je cherche...

Incrédule, la jeune femme qui vient d'entrer tente de reprendre contenance. Puis elle est pris d'un fou rire qui la secoue durant d'interminables secondes sous les yeux des deux tenanciers de la boutique qui attendent qu'elle reprenne son souffle.

- Pardon, je suis Gemme Madus, tu ne dois pas te souvenir de moi Raya-la-catastrophe-ambulante qui a brûlé ma robe en première année. Tu as finalement trouvé du travail ?

- Je suis associée dans cette boutique. répond Raya d'une petite voix.

- Que puis-je pour vous ? intervient Andrea qui sent la tension dans la pièce.

- Et tu travailles avec le fameux Andrea Sorcery, le sorcier si prometteur de sa promotion. s'esclaffe la sorcière.

- Que voulez-vous ? interroge de nouveau Andrea d'un ton plus menaçant.

- Pardon l'autre sorcier de l'île n'avait pas ce que je voulais, je cherche de la poudre de fleur d'alisse.

- Nous n'en avons pas. répond Andrea d'une voix froide. Autre chose ?

Mal à l'aise, la cliente répond qu'elle ne cherchait rien d'autre.

- Nous allions fermer boutique, laissez-moi vous raccompagner jusqu'à la porte.

Joignant le geste à la parole, Andrea suit la sorcière et il claque violemment la porte derrière elle sans un au revoir avant de rejoindre Raya au comptoir.

- Tu connais cette petite peste ?

- Une ancienne camarade de classe.

- Charmante. Bien, j'ai du travail. Mais tu n'aurais pas dû la laisser te parler ainsi, tu le sais.

- Je sais. dit la sorcière d'une toute petite voix. Merci d'être intervenu.

- Bien, vous avez une heure pour m'allumer un feu avec un repas chaud.

Ambrelune observe ses camarades s'éloigner et elle regarde autour d'elle. Dans la clairière au milieu de la forêt près de l'école, elle se demande ce qu'elle est supposée trouver et elle fouille sa mémoire et son grimoire à la recherche d'une idée. Ne sachant que faire, elle rattrape un groupe qu'elle a vu entrer dans un fourré juste devant elle. Elle a senti le regard du professeur de botanique sur elle et elle espère ne pas le décevoir même si elle n'a pas la moindre idée de ce qu'elle est supposée faire. Un moment, elle envisage de chercher de la nourriture et elle réfléchit à ce qu'elle sait de la manière d'allumer un feu mais ce n'est pas ce qu'on attend d'elle. Elle fouille sa mémoire et elle se rend compte que jamais Andrea ne lui a appris comment survivre dans la nature, elle se promet de lui en parler. Incapable de faire ce qu'on lui demande, la jeune fille regarde ses camarades réussir avec plus ou moins de bonheur la tâche qui leur est confiée. Ambrelune ramasse de petit bois auquel elle met le feu et elle attend le verdict. Le regard déçu du professeur sur son sortilège la met mal à l'aise mais elle sait qu'elle ne peut faire mieux en l'état actuel de ses connaissances.

- Je vous donne une semaine pour me rendre un devoir avec le descriptif détaillé pour obtenir ce que je vous ai demandé. Sinon,votre note sera égale à zéro.

- Merci monsieur. murmure la jeune fille.

« Cher Andrea,

j'ai eu affaire à un exercice trop complexe pour moi et j'ai une semaine pour espérer me rattraper et ne pas avoir zéro. Peut-on en discuter ensemble de vive voix ? Cette semaine, je finis tous les jours à quinze heures. J'espère que tout se passe bien pour vous. A bientôt.

Ambrelune »

Andrea soupire à la lecture de la lettre de son amie. Le sorcier hésite à lui répondre de se débrouiller par elle-même mais il était arrivé à la moitié de sa missive lorsqu'il s'est souvenu qu'elle n'est pas d'ici et qu'elle ignore des choses qui lui semblent simples. A regret, il lui propose un rendez-vous le lendemain après-midi.

- Mais tu me laisses seule à gérer la boutique ? s'étonne Raya.

- Oui, il y a trop de travail et Ambrelune a besoin de moi. J'en profiterai pour faire le tour des boutiques et laisser des cartes de visites.

- Tu veux trouver de nouveaux clients ?

- Oui, la boutique tourne bien, elle nous permet de vivre mais j'ai de plus grandes ambitions.

- Comme quoi ? demande Raya les bras croisés lui barrant le passage alors qu'il tente de quitter sa chambre.

- Je ne sais pas. Des sorts plus complexes peut-être, des demandes plus intéressantes et plus rémunératrices. Avoue que tu rêves d'envie de voir tes compétences en métamorphoses envahir le monde... pouffe le jeune homme en la repoussant avec douceur mais fermeté.

- Mouais, si tu le dis, têtard. Tu seras absent combien de temps ?

- Une journée tout au plus.

- Dans ce cas, je peux venir, j'aurais grand plaisir à revoir Ambrelune également.

- Je vais la voir pour l'aider à élaborer un sort, pas pour le plaisir. Mais si tu veux venir, rien ne t'en empêche. s'impatiente le sorcier en cherchant ses affaires éparpillées dans sa chambre.

- Tu me l'aurais proposé. assène Raya comme une évidence.

- Je n'y ai juste pas pensé. répond le jeune homme en jetant pêle-mêle dans son sac cahier, encre, plume et grimoire de travail.

- C'est bien ce que je disais. Dépêche-toi, tu vas arriver en retard à ton rendez-vous.

- Merci de tenir la boutique. dit Andrea en franchissant la porte d'un bond avant de détaler pour se téléporter jusqu'au lieu de rendez-vous.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 28 avril 2019 à 17h22
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