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«  Mes chers amis,

Après avoir beaucoup voyagé, j'ai mis mon épée au service du roi et de la reine comme vous le savez. Lors de ma première bataille, je vous avouerais que je me suis conduit comme un couard. Nous devions défendre les côtes de la partie continentale de la mer de Muir, là où il a une grande plage au large de l'archipel des perles roses et des perles dorées. Les ennemis ont suivi la côte tout simplement jusqu'à passer la frontière. Ambrelune doit se souvenir de cette grande plage où nous sommes allés, il s'agit bien de cette immense plage qui se prolonge au sud-ouest. Ce que nous ignorions alors, c'est que des mines se trouvent dans cette partie du royaume de Muir : de l'or, du diamant, de l'argent, du sel. De vrais trésors se trouvent dans les terres intérieures bien loin des falaises de craie où nous étions. Il y a tant d'endroits que je voudrais vous montrer à mon retour.

Toujours est-il que peu après le début de la bataille, j'ai senti mon courage défaillir. Pourtant, j'étais au milieu d'autres sorciers, j'étais plutôt à l'abri mais je n'ai pas pu. J'ai déserté mon poste et j'ai fui. Je me suis téléporté dans les déserts de Moprina et j'y ai passé des jours entiers à marcher sur les cailloux tranchants et bancals jusqu'à arriver à l'étendue de sable de la deuxième moitié de ce désert. J'ai craint de marcher sur un scorpion ou sur une autre créature dangereuse mais j'avais besoin de rester un peu au calme et seul. J'ai rencontré quelques habitants de cette zone dépeuplée qui m'ont invités à partager un repas. J'avais besoin de réfléchir, ma vie a tant changé en une année que je suis arrivé en Berethiel-Nienor, je devais décider de mon avenir. Puis j'ai eu le sentiment qu'il était temps pour moi de rentrer. Je vais passer quelques temps dans la vallée divine, j'ai envie de revoir ses fleurs merveilleuses. Je rentre bientôt. Je crois que je vais tenter de me lancer dans le commerce de ces perles merveilleuses que j'ai trouvées dans la mer de Muir, je dois en discuter avec nos souverains auprès de qui je dois aller m'excuser de ma conduite en tout premier lieu, mais je suis certain qu'elles se vendront à bon prix dans notre royaume.

J'espère que tout se passe bien ici et que vous me pardonnerez ma conduite lâche et déshonorante. A très bientôt. Portez-vous bien.

Rune. »

Ambrelune achève sa lecture, heureuse de savoir son ami bientôt de retour mais également un peu inquiète des conséquences de sa désertion.

- Vous croyez qu'il risque quoi pour avoir déserté ? demande-t'elle un peu inquiète.

- Que veux-tu qu'il risque ? Rien, un sermon pour n'avoir pas tenu ses engagements tout au plus. Sauf si le royaume est en danger, personne n'obligerait qui que soit à se battre, il y a bien assez de sujets belliqueux pour notre armée. Mais il est vrai que dans ce cas, les sorciers sont en première ligne. Il ne tardera pas à revenir. Et aller s'excuser auprès des souverains, bien qu'inutile, sera un gage de sa bonne foi.

Soulagée, la jeune fille chasse les pensées de fuites et d'emprisonnements qu'elle avait imaginées.

En effet, deux semaines plus tard, Rune est de retour après avoir été rendre visite aux souverains pour s'excuser de sa conduite et leur exposer son projet de commerce avec le royaume de Muir. Devant un repas hâtivement réchauffé, il leur raconte les derniers événements ainsi que son projet qu'ils approuvent. Il leur offre des perles de la mer de Muir avant d'aller se reposer. Les trois sorciers examinent les perles à la lueur de la lampe et ils se demandent quel prix ils pourraient en tirer s'ils les vendent.

Dès le lendemain, Rune entreprend les démarches pour mener son projet à bien. Il visite quelques banquiers et un jeune homme qui vient d'ouvrir son établissement accepte de lui accorder un prêt conséquent. Rune se téléporte donc dans la ville de Muir afin de rencontrer des négociants en perles avec qui il signe bientôt un accord commercial. Puis, des perles brutes et montées en bijoux plein son sac, il rentre en Berethiel-Nienor où il trouve une échoppe à louer pour une somme modique dans la ville de Kittery. Le jeune garçon passe plusieurs jours sans voir âme qui vive dans son magasin mais enfin, le bouche-à-oreille fonctionne et la rumeur se répand que des perles de la mer de Muir sont à vendre dans la ville, ce qui n'est pas arrivé depuis l'arrivée des souverains maudits.

Quelques plus tard, les sorciers de l'île de Lathi se rendent dans une bijouterie pour voir s'ils peuvent faire monter les perles sur un bijou. Ravi de pouvoir travailler avec de telles perles, le bijoutier s'enquiert de leur provenance car on trouve fort peu de perles de la mer de Muir dans le royaume. Confus, ils répondent qu'ils les ont reçues en cadeau. Les perles dorées, noires, bleues et vertes en main, le bijoutier leur fait des propositions. Ils optent finalement pour des broches simples en argent qui leur permettra de les porter facilement pour fermer leurs capes. Sur une baguette d'argent, les perles sont simplement alignées pour former un bijou discret mais de grand prix. En secret, ils en font faire un exemplaire pour Rune qui se montre ravi de ce cadeau.

La vie quotidienne reprend à la boutique mais Rune ne trouve pas sa place parmi eux. Dans la maison qu'il partage avec Ambrelune, il s'est aménagé un coin de bureau dans l'étage qui lui est dévolu où il organise son futur commerce. Il énumère ses contacts dans la mer de Muir puis il fait le tour des bijouteries de l'île de Lathi pour savoir s'ils seraient intéressés par l'achat de ses perles. Ces perles devenues fort rares les intéressent en effet grandement. Le jeune garçon prend alors seulement conscience que le monopole de la vente des perles merveilleuses pourrait se révéler un fardeau et non une bénédiction car il se doute que tous les bijoutiers du royaume pourraient se montrer intéressés par ces ornements. Après quelques jours de réflexion, il décide de partager ses ventes entre un bijoutier de l'île de Lathi, un bijoutier de la ville-commerce de Kittery et un bijoutier de la ville de Léthyl, la capitale de l'île. La rareté de sa marchandise lui assurera un confortable revenu sans trop d'efforts et de toutes manières, les perles ne peuvent pas être produites en masse dans l'archipel. Il est évident que les huîtres bien que fort nombreuses ne peuvent produire plus de perles que la nature le leur permet et que la production restera limitée. Les bijoutiers qu'il a choisi sont tous des bijoutiers réputés comme étant les meilleurs sur les plans techniques et artistiques dans un style qui lui plaît tout en étant varié. Ses perles sont entre de bonnes mains et c'est avec émotion qu'il voit les premiers bijoux montés avec ses perles en vitrine. Bientôt la rumeur se répand que les perles merveilleuses de la mer de Muir sont de nouveau accessibles dans le royaume. Malgré leur prix élevé, elles s'arrachent car on n'en avait pas vues depuis l'arrivée au pouvoir des souverains tyrans. Devant les vitrines des bijoutiers choisis par Rune, la foule se presse pour admirer ces trésors de la mer. Beaucoup se découragent devant le prix des bijoux mais ils trouvent néanmoins rapidement preneur et Rune reçoit bientôt une large part des bénéfices de ces ventes. Il sourit lorsqu'il voit la liasse de billets dans sa main, il va pouvoir vivre à sa guise en étant enfin indépendant. Il pourra voyager dans la fédération et peut-être faire d'autres merveilleuses découvertes. Et il ne finira pas sa vie comme sorcier à fabriquer des potions sur l'île de Lathi avec ses amis.

Quelques jours plus tard, une liasse de documents exposant son projet en main, il se rend dans une banque pour demander un prêt. Un peu inquiet, Rune attend dans une petite salle d'attente que l'on veuille bien le recevoir. Il s'est habillé d'un habit noir brodé de fil d'argent pour paraître plus âgé même s'il sait que son jeune âge sera un fort handicap pour convaincre son interlocuteur. Enfin, un vieil homme le reçoit dans son bureau. Rune expose son projet durant d'interminables minutes puis il annonce le montant du prêt qu'il souhaite obtenir et les modalités de remboursement qu'il propose. La femme en face de lui l'a écouté avec attention puis il réfléchit quelques instants sans rien dire.

- Oui, cela me semble une bonne idée. Avez-vous une quelconque expérience dans le commerce ?

- J'ai travaillé avec des sorciers indépendants. Je renseignais les clients, préparais les commandes, je faisais la comptabilité et je m'occupais des taxes à verser mensuellement à l'état. répond-il en enjolivant la réalité. Ce sont des amis et ils m'aideront au début si j'ai des questions. Leur volume d'affaires est plutôt conséquent. ajoute-t'il ce qui est un mensonge. De plus, les souverains du royaume de Muir m'ont accordé l'exclusivité du commerce avec notre royaume pour les cent prochaines années et nos souverains m'ont assuré l'exclusivité de la vente dans le royaume pour les dix années à venir. Nous savons tous que les huîtres ne peuvent produire qu'un nombre de perles limité bien que constant. Elles n'ont pas grande valeur là où elles sont produites car elles sont communes.

Rune se tait à bout d'arguments et il attend sous le regard de la banquière qui ne dit rien.

- Bien, je vous accorde ce prêt. Comme convenu, il sera remboursable sur cinq ans avec un remboursement anticipé possible.

- Merci ! dit Rune en se levant fou de joie.

Une fois hors de la banque, Rune rentre sur l'île de Lathi pour annoncer la bonne nouvelle. Penchés sur une préparation compliquée, Andrea et Raya ne lui prêtent que peu d'attention. Lorsqu'enfin ils lui accordent leur attention, ils déclarent qu'il faut fêter la bonne nouvelle. Le soir même, la petite troupe se rend dans un restaurant pour fêter l’événement ainsi que le prochain départ d'Ambrelune.

Durant ce laps de temps, Ambrelune se plonge plus que jamais dans les études et les expérimentations de toutes sortes afin de réussir son année. Avec Andrea, elle passe de nombreuses heures dans le laboratoire et elle le suit également chez les fournisseurs et sur les marchés. Il lui apprend à différencier les ingrédients les uns des autres sans se fier aux étiquettes mais à les reconnaître à la vue, à l'odeur et à la texture. Le sorcier aux cheveux verts la met en garde contre la mauvaise habitude de se fier au goût pour différencier des ingrédients car bien des sorciers s'empoisonnent de cette manière. Il l'initie également à la gestion des stocks et à la tenue des livres de comptes d'une part pour habituer la jeune fille à ces tâches nécessaires et également pour qu'elle le décharge un peu de ces tâches. Le sorcier est de mauvaise humeur car Raya a refusé de se joindre à eux sous le prétexte d'avoir trop de travail et en leur rappelant que si elle s'est arrêté à son B.O.U.M., c'est pour une raison. Si elle avait souhaité malgré tout poursuivre ses études sur la voie de la magie, elle aurait tenté d'entrer comme apprentie chez un sorcier quelconque. D'un ton morne, Andrea lui a répondu qu'elle devrait saisir cette occasion pour se former à son art mais la sorcière a haussé les épaules et elle s'est replongée dans ses potions et dans son mutisme. Le sorcier n'a pas insisté, il a supposé à juste titre que Raya, dégoûtée par la manière dont ses études se sont passées ne veut plus en entendre parler. Alors qu'Ambrelune s'énerve de sa mauvaise humeur, Andrea la regarde, interloqué avant de s'excuser. En effet, elle n'a pas à supporter le poids de sa mauvaise humeur. Un peu détendus, ils discutent des dernières nouvelles données par Rune et la jeune fille tente d'évaluer ce qu'elle doit acheter pour maintenir leurs stocks tout en respectant leur budget serré. Devant de la poudre d'écailles de dragon, elle hésite et elle ne parvient pas à se décider. Son acolyte qui avait la tête ailleurs se rend compte de sa perplexité et il vient à son aide en lui rappelant qu'ils ont des écailles de dragon. Bien que cet ingrédient soit difficile à réduire en poudre, ils devraient y parvenir au moyen de sortilèges. Ambrelune acquiesce en se sentant un peu stupide de ne pas y avoir songé elle-même. Timidement, elle demande s'ils ne pourraient pas flâner un peu pour une fois qu'ils sortent de leur île. La ville-commerce de Kittery où ils se sont rendus car Ambrelune voulait savoir si elle ne trouverait pas des grimoires intéressants pour ses études à venir est immense et elle voudrait en profiter pour prendre des vacances qu'elle estime bien méritée. Andrea fait la moue car il estime que c'est du temps perdu mais il finit par acquiescer, au fond, pas mécontent de s'accorder un peu de repos. Ils achètent des brochettes qu'ils grignotent en déambulant dans les rues animées malgré le temps pluvieux puis ils se décident à rentrer chez eux après quelques heures à flâner dans des quartiers où ils n'ont pas l'habitude de se rendre.

De retour chez eux, ils rangent et étiquettent soigneusement leurs achats avant de mettre à jour le livre de suivi des stocks. Puis Andrea tend à la jeune sorcière la liste des commandes à envoyer dans la journée pour des clients qui ont passé commande par courrier en lui disant de se débrouiller. Surprise, Ambrelune le retient par la manche alors qu'il allait passer dans le magasin.

- Je suis supposée me débrouiller toute seule ?

- Oui, tu ouvres les courriers, tu vois ce qu'ils veulent, tu m'écris au dos ce que tu proposes et quand tu as fini, tu viens me voir. Si je valide tes propositions, tu réalises les préparations et tu les expédies d'ici ce soir.

- Mais il y en a une dizaine ! s'écrie-t'elle déjà dépassée par la masse de travail en perspective.

- Je sais, mais je te rassure, c'est comme ça tous les jours. Aussi, tu as intérêt à faire vite. s'amuse-t'il en la laissant seule.

Peu rassurée, Ambrelune se mord la lèvre avant de prendre les lettres puis de rejoindre sa chambre. Au calme, elle fouille dans ses grimoires pour tenter de trouver les solutions appropriées. Elle commence par les demandes les plus simples pour lesquelles, elle se contente de réarranger les sorts proposés par ses manuels pour gagner du temps. Puis elle se penche sur les demandes les plus compliquées et extravagantes. Elle met de côté deux d'entre elles qui concernent des philtres d'amour qu'elle refuse d'emblée puis elle se penche sur les trois demandes restantes. L'une d'elle concerne une femme qui désire un enfant sans y parvenir, une autre expose la demande d'une jeune fille de guérir son chat malade qu'elle aime plus que tout au monde alors que la dernière émane d'un vieil homme qui souhaite assécher une mare insalubre de son jardin. La sorcière soupire, elle trouve ces demandes fort peu enthousiasmante mais elle se penche néanmoins sur ses livres pour trouver une solution. Durant deux heures, elle feuillette des manuels mais elle ne trouve pas tout à fait ce qu'elle cherche. Elle termine de bricoler ses propositions lorsqu'elle entend toquer à la porte de sa chambre, Andrea vient la voir pour l'heure de thé et lui dire que le temps imparti pour ses propositions est écoulé.

- Mais je n'ai pas terminé ! s'exclame-t'elle.

- Tant pis ! Tu seras plus rapide la prochaine fois. Allez, nous t'attendons dans notre salon. dit-il en quittant la pièce.

Avec un soupir, l'adolescente rassemble ses brouillons avant d'entrer dans la maison de Raya et Andrea où elle s'affale sur un fauteuil d'un air boudeur. Raya lui sert du thé pendant qu'Andrea lui arrache ses feuilles pour les examiner assis avec nonchalance sur l'accoudoir de son fauteuil. Il marmonne des mots indéfinissables alors qu'Ambrelune se sert en biscuits, un peu inquiète de ces marmonnements. Enfin, il lui rend les feuilles en s'asseyant dans un fauteuil libre.

- Je valide mais tu pouvais faire bien plus simple et donc plus rapide à préparer.

- Comment cela ?

- Fais ce que tu as décidé de faire, ensuite, je te dirai comment tu pouvais gagner un tiers de temps. Et fais vite, ces potions doivent partir avant ce soir. s'amuse-t'il devant l'air renfrogné d'Ambrelune qui a plongé son nez dans sa tasse.