Des nouvelles leur parviennent peu à peu de la situation globale du royaume, les créatures maléfiques qui hantaient certaines régions ont peu à peu été chassées par les magiciens royaux et la population qui a enfin trouvé le courage de se rebeller contre les créatures qui détruisent leurs champs et leurs maisons. La paix se rétablit peu à peu dans le royaume et il redevient possible de circuler en sécurité sans craindre les bandes de rôdeurs.
Rune et Ambrelune se rendent un matin à l’académie de magie munis d’une lettre du roi qui les autorise à fouiller les bibliothèques et les archives pour leurs recherches dont le sujet demeure secret. Le secrétaire les reçoit puis il les conduit à l’immense bibliothèque qui contient la majorité des connaissances liées de près ou de loin à la magie. Laissés seuls, Rune et Ambrelune se demandent par où commencer. Après réflexion, ils s’intéressent plus particulièrement aux peintres et la peinture en magie ainsi qu’à la magie de la région de Fulvia.
Ils noircissent leurs carnets mais rien de concret ne les interpelle. Toutefois, ils notent quelques sorts et quelques idées qui pourraient leur servir lors d’une prochaine tentative. Au bout de deux semaines, découragés, ils abandonnent leurs recherches et ils rentrent chez Raya, la mort dans l’âme.
- Et si nous tentions de voyager dans le temps ? Pas de musée, pas de tableau, pas de voyage. commence Rune.
- Nous le regretterions, tu le sais. répond Ambrelune.
- Nous regretterons notre décision, quelle qu’elle soit.
- Rune, tu crois que nos pouvoirs magiques existeront toujours dans notre monde ?
- Aucune idée. Peut-être allons-nous oublier tout ce que nous avons appris.
- Et rien ne dit que l’on puisse vraiment voyager dans le temps. conclut la jeune fille. Sii nous avions mal cherché ? Nous nous sommes concentrés sur les sortilèges. Peut-être que nous devrions nous intéresser à la peinture elle-même. Je veux dire, peut-être que cette peinture est maléfique et qu’elle n’a pas été enchantée ce qui expliquerait pourquoi nous ne trouvons pas de sortilège. Par exemple, nous pourrions envisager qu’un esprit maléfique nous retient ici de son propre chef. Ou que c’est autre chose.
- Une force maléfique qui aspire des personnes ou des âmes pour les emprisonner dans ce monde ?
- Peut-être bien. Mais la seule force maléfique rencontrée en ce monde est celle du roi et de la reine que nous avons vaincus.
- Peut-être que notre destinée n’est pas accomplie ?
- Comme si nous n’en avions pas suffisamment fait ! Tiens, nous allons chercher quelles quêtes restent à accomplir pour nous faire une idée du temps pendant lequel nous allons demeurer coincés ici !
- Ambrelune, calme-toi ! Nous trouverons un moyen et rassure-toi, notre famille n’a même pas remarqué notre disparition.
- Je sais mais d’un côté, j’aimerais rester ici et de l’autre, ma famille et la technologie me manquent. Je ne sais pas quoi faire ou choisir.
- Tranquillise-toi, pour le moment, nous n’avons pas le choix. dit Rune avec un sourire.
- Je sais ! Ce n’est pas prudent mais j’aimerais aller dans la baie de Wyvre. Tu crois que nous prenons tant de risques que cela ?
Après avoir parlé à Raya et Andrea de leur projet, la maisonnée décide de s’accorder des vacances. La baie de Wyvre n’est séparée du lagon d’émeraude où ils vivent que par une large bande de sable. Ils s’y arrêtent quelques heures pour se baigner puis ils se dirigent vers le marais attenant.
- Si je suis l’effrayante Raya, je ne sais pas ce que sont les créatures qui vient en ces lieux.
Raya rit alors qu’ils arrivent à proximité du marais de Wyvre, le marais des monstres. Ils pataugent dans boue quelques minutes puis ils se figent en voyant un énorme serpent noir tacheté de rose onduler à quelques mètres d’eux. Fascinés, ils le regardent s’éloigner doucement dans la boue. Soulagés, ils reprennent leur marche et ils sont rapidement assaillis par une nuée de gros moustiques qui tentent de les piquer. Ambrelune en écrase un avant de pousser un cri, le moustique a éclaté comme une bulle de savon en répandant du sang autour de lui.
- Chut ! C’est dangereux par ici ! lui murmure Andrea. Je maintiens que cette visite n’est pas une bonne idée.
Peu à peu, ils s’enfoncent dans le marais, des insectes bourdonnent autour d’eux. Des ragon-dins et des campagnols amphibies nagent à bonne distance.
- Tiens, Acédie, un de tes cousins te salue ! s’esclaffe Raya en leur montrant une grenouille. Andrea fait mine de ne pas avoir entendu et ils poursuivent leur route.
Après avoir marché durant deux heures dans la boue, ils se décident à rentrer.
- Un feu follet ! dit Rune
La lueur bleutée s’élève au-dessus du sol à quelques mètres d’eux.
- Est-ce que c’est dangereux ? demande Ambrelune.
- Bien sûr que non, trouillarde. dit le jeune garçon en la poussant pour qu’elle continue sa route.
- Tenez, regardez donc par là ! Une loutre géante à poil bleu. dit Raya en leur montrant du doigt une immense ombre qui s’avance vers eux d’un air menaçant.
- On s’en va ! décrète Rune. J’en ai assez !
De retour chez Raya, les deux adolescents mettent quelques minutes à se remettre de la vision de la grande loutre au pelage bleu qui se tenait devant eux quelques minutes plus tôt. Elle semblait vouloir les dévorer, même si Raya leur a assuré que cette créature d’un mètre de haut n’est pas dangereuse sauf si elle est en colère.
Après cette escapade, Rune et Ambrelune s’enferment de nouveau dans la bibliothèque royale dans l’espoir qu’une intuition ou le hasard leur donne une piste. Ils sillonnent le pays pour chercher des livres rares et interroger des magiciens, mais si tout le monde connaît la légende, personne ne peut leur fournir de données fiables.
Ils sont retournés plusieurs fois à Fulvia pour s’entretenir avec Loris Slikar mais le peintre ne peut leur donner plus d’indications. Toutefois, il leur suggère de se rendre à l’académie royale
d’art pour vérifier si aucun vestige ne subsisterait dans leurs collections privées.
Munis d’un ordre de mission signé de la main des souverains, les deux adolescents se présentent quelques jours plus tard à l’académie royale d’art de Skärmdel située près de la vallée divine. La longue bâtisse de pierre blanche et rose à la façade sculptée de motifs floraux leur plaît immédiatement. La directrice les reçoit après une demi-heure d’attente durant laquelle ils parlent à voix basse.
- Nous venons d’ailleurs et nous souhaiterions savoir si vous connaissiez les secrets du peintre Falba Slikar, le peintre fou ?
- Bien, si nous avions connaissance de telles aberrations, elles ne seraient pas enseignées ici. Mais je vous autorise à consulter nos archives.
La jeune fille regarde la vieille femme maigre qui lui fait face, elle devine que sous son air sévère se cache un cœur tendre. Les deux jeunes gens remercient puis ils sont conduits à la bibliothèque. Durant des heures, ils cherchent parmi les étagères et les vitrines de bois sculptés. Ils commencent à se décourager quand Rune met la main sur un volume intitulé De l’art de donner vie à sa toile par Falba Slikar. Trépignant de joie, ils commencent à prendre des notes, le cœur battant.
« Notes De l’art de donner vie à sa toile par Falba Slikar
jeu de couleurs et de lumière
les yeux sont le reflet de l’âme d’un personnage
insuffler la vie à son personnage
la magie d’un tableau est la conjugaison de ce que le peintre insuffle à sa toile et de ce que le public voit »
Les deux adolescents relisent leurs notes, ils se regardent et ils comprennent pourquoi le tableau les a aspirés ; ils ont vu la beauté du tableau et ils n’ont pas douté de sa réalité.
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