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tome 1, Chapitre 11 tome 1, Chapitre 11

Alors que la neige tombe à gros flocons, Rune sort dans le jardin pour admirer le tapis immaculé et cotonneux qui recouvre les alentours. Sans un mot, le jeune homme se lève et part à pied vers la capitale. Il doit vérifier quelque chose et il se téléporte au cœur de Léthyl endormie. Personne ne le remarque lorsqu’il apparaît dans une étroite ruelle. Transi de froid malgré son épais manteau, le garçon aux cheveux châtain en bataille que la longueur n’a pas réussi à discipliner réfléchit à l’endroit le plus approprié pour trouver le renseignement qu’il recherche. Ses yeux se lèvent vers le château et il se rappelle de la bibliothèque où Raya a volé un grimoire lors de leur fuite. Il sent encore sur ses mains la poussière des lourds volumes qu’elle lui avait donnés. Il se demande si le vol a été remarqué. Assis sur ses talons, il tente de se remémorer la pièce et son emplacement puis de retrouver le souvenir de ce moment pour se représenter l’endroit. Alors que le vent apporte une brassée de flocons de neige dans la ruelle, il disparaît.

Rune se retourne, il est seul dans une pièce peu éclairée. A tâtons, il trouve une lanterne et il soupire de soulagement en regardant alentour : il est bien dans la bibliothèque, sa mémoire ne lui a pas fait défaut. Le cœur battant, il écoute un long moment les bruits du château mais tout est silencieux. Rassuré, après s’être déchaussé, il avance avec lenteur entre les rayons. Après une heure de recherche, il trouve enfin le volume qui l’intéresse. Recouvert de peau d’anguille, le mot Prophéties luit en lettres dorées. Le jeune homme hésite puis se ravise, il n’est pas un voleur mais il doit faire vite. Fébrile, il tourne les pages pour trouver ce qu’il cherche.

Deux étrangers venus d’un autre monde, deux êtres aux immenses pouvoirs, deux âmes qui changeront le monde.

Il rit doucement, c’est une blague, cette prophétie ne veut rien dire et n’importe quel acte, même infime peut changer la face du monde. Soulagé, il s’apprête à quitter la pièce mais l’envie de visiter ce lieu est la plus forte. Avec précaution, Rune arpente les couloirs déserts. Il entend des domestiques s’affairer dans une pièce proche, des voix et des rires s’élèvent dans le silence. Interdit, il s’arrête, prêt à rentrer au moindre problème. Mais rien ne se passe et il continue d’avancer jusqu’à tomber sur ce qu’il cherche : le cabinet du roi. D’un sortilège, il fait fondre la serrure et il entre dans la pièce déserte. Prestement, il referme la porte et commence sa recherche. Son manteau replié lui sert de sac où il met ce qui l’intéresse : des livres de comptes, des bijoux de prix, des parchemins qu’il ne prend pas la peine de lire. Alors qu’il allait repartir, Rune trouve ce qu’il cherche : les journaux intimes du roi cachés dans le spacieux double-fond du bureau sculpté. Lourdement chargé, il se téléporte dans la forêt.

Transi de froid, le jeune garçon se demande s’il a fait le bon choix et ce qui a bien pu le pousser à cette folie. La nuit est tombée et il se relève, il a une idée. Des heures durant, il dissémine ses trouvailles dans le royaume sans savoir si cette idée est bonne ou s’il s’agit d’un risque insensé qu’il a couru pour rien. Au lever du jour, épuisé, il se téléporte chez Raya et Andrea.



xXxXx

A midi, Raya frappe à la porte de la chambre de l’adolescent. Rune gémit puis se rendort.

- Tu es malade ?

- Non, j’ai mal dormi.

- Bien tenté mais ça ne prend pas. La prochaine fois que tu vas courir les demoiselles ou les damoiseaux, range tes chaussures. Je sais qu’elles n’étaient pas là quand tu es allé te coucher car c’est moi qui les ai mises où tu les as trouvées.

- Raya, j’ai fait une grosse bêtise !

- Quel genre ? J’adore les bêtises des autres quand elles ne me concernent pas ! dit la sorcière en s’asseyant sur le bord du lit d’un air radieux.

- On doit en parler dans tout le royaume. J’ai volé des choses que j’ai pensé avoir de l’importance chez le roi et je les ai éparpillées un peu partout. Je ne sais pas ce que je cherchais, une vengeance contre ce tyran, sans doute.

- Mais nous sommes à l’abri de lui, ici. Presque.

- Oui, mais Roséliande en a souffert et combien d’autres ? Le roi est riche, pourant, la population vit dans la misère et la terreur des soldats du roi. Le pays d’où je viens n’est pas parfait mais les choses ne sont pas comme ici. Tu comprends ? Ce n’est pas juste et je ne le supporte pas.

- Je comprends. Lave-toi, habille-toi et viens manger ! dit la sorcière en lui jetant des vêtements propres à la figure. Avec de la chance, tu vas déclencher une révolution, je ne veux pas manquer ça ! dit Raya qui sort en sautillant sous l’œil désemparé et consterné du jeune homme.

Durant le repas de midi qui est fort tardif, Rune avoue ses exploits de la nuit. Andrea le sermonne en lui rappelant qu’il a fait une folie avant de se resservir de la soupe au potiron sans revenir sur l’incident.

- J’ai trouvé mention de la prophétie dans un grimoire du château : Deux étrangers venus d’un autre monde, deux êtres aux immenses pouvoirs, deux âmes qui changeront le monde. C’est à cause de ça que les habitants nous considéraient comme des sauveurs, ça m’intriguait, je devais savoir ce qu’il en était même si ce ne sont que des foutaises. commence timidement le jeune voleur.

- Vraiment ? s’étonne le sorcier aux cheveux vert émeraude. Peut-être que la folie de cette nuit ne sera pas vaine.

Les jours suivants, Rune s’inquiète des conséquences de son acte irréfléchi mais rien ne semble changer. Et puis, brutalement, des attaques contre les soldats du roi se font de plus en plus fréquentes, des embuscades ou encore des vols de chevaux. Au début, le roi augmente les effectifs des patrouilles et face au manque de volontaires, il enrôle de force des jeunes gens pour garantir la sécurité dans son royaume tandis que l’hiver se prolonge et que la famine commence à se propager. Des brigands envahissent les chemins et les bourgs isolés. Un soir que Rune s’est téléporté dans la lande pour observer les étoiles et tenter de deviner l’avenir, une flèche se plante dans son cœur. Il baisse la tête et ouvre la bouche pour pousser un cri qui meurt dans sa gorge en même temps que lui.

- J’ai cru que c’était un riche seigneur, on n’en tirera rien d’autre que sa jolie cape, filons ! dit le chef de la bande.

Pressant leurs chevaux, les brigands se fondent dans la nuit.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 20 mai 2017 à 22h11
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