Après s’être éloigné des soldats, ils longent la chaîne de montagne jusqu’à atteindre une baie au climat plus clément. Elle s’ouvre sur une mer inconnue, bordée par quelques petites villes qui étincellent sous le soleil. La plage de sable fin les appelle et ils cachent précipitamment leurs affaires derrière des rochers puis ils se dirigent vers la mer. Avec délice, ils font couler le sable chaud entre leurs doigts puis se lancent dans la construction d’un château de sable. Cet amusement enfantin leur permet d’évacuer la tension des jours précédents.
- Tu crois qu’on se rapproche de la porte ? demande Ambrelune.
- Je ne sais pas. Pourquoi ?
- Nous pourrions tenter de rentrer chez nous. Nos parents doivent s’inquiéter.
- Dans tous les livres que j’ai lu qui parlent de voyage dans un autre monde soit personne ne remarque l’absence des héros, soit ils reviennent alors que des siècles ont passé. Je ne m’en inquiète pas.
- Si je résume, tu ne t’inquiètes pas de peut-être trouver ta maison en ruine, des étrangers vivant dedans et tes parents morts depuis des siècles. répond la jeune fille.
- Je ne voyais pas les choses sous cet angle. Et puis, nous n’avons pas le choix. Il semble que cet endroit soit désert, peut-être pourrions-nous y passer la journée ?
- J’approuve ! Une journée de vacances nous fera du bien.
La journée se passe en baignades, promenades sur la plage, châteaux de sable et ramassage de coquillages pour le repas du soir. Le soir venu, ils tendent une tente de fortune avec des bâtons plantés dans le sable et des pierres. Les yeux levés vers des constellations inconnues ils se demandent comment elles se nomment et quelles sont les histoires qui s’y rattachent. Ils se disputent longuement pour décider si la lune qui éclaire le ciel est la même que dans leur monde, elle est si brillante qu’ils n’en distinguent pas les cratères mais ils concluent qu’il est impossible que cette lune soit la même que la leur. Si elle se voyait de ce monde, cet endroit aurait été découvert depuis longtemps par les diverses missions spatiales. Même s’ils n’en sont pas convaincus.
Le lendemain matin, ils étudient la carte pour tenter de déterminer où ils se trouvent. Ils se se situent sur la plage de Sliogàn en bordure de la baie du même nom. Incapables de se repérer seuls, ils cherchent le volcan indiqué par la carte et décident de s’y rendre afin de s’en servir comme point de départ fiable. Ils suivent le rivage durant une journée et arrivent en vue du volcan qui gronde doucement. Inquiets, ils observent le massif et décident de ne pas s’y attarder. Malgré le soir qui tombe, ils continuent leur route vers la vallée divine qu’ils estiment à trois heures de marche. N’écoutant pas leur fatigue, ils continuent leur route en se retournant à maintes reprises pour s’assurer que le volcan ne se réveille pas. Ce n’est qu’en arrivant en vue de la vallée dans la nuit tombante qu’ils se rendent compte de leur épuisement.
Au matin, la vallée divine s’étend devant eux. Emerveillés, ils se demandent comment ils n’ont pas pressenti cette merveille en se couchant. La vallée est emplie de fleurs de toutes sortes qui se mêlent en un harmonieux mélange de couleurs et de parfums. Leur petit-déjeuner rapidement avalé, ils s’empressent de s’enfoncer sous le couvert des arbres. Des fleurs inconnues aux couleurs, aux parfums et aux formes improbables les entourent de toutes parts. A regret, ils ne s’y attardent pas, fébriles à l’idée de rentrer chez eux le plus tôt possible. En quittant la vallée, ils hésitent car ils ne savent pas quelle direction prendre. De plus, ils s’étonnent que ce pays soit si peu peuplé car hormis quelques villages, ils n’ont pas rencontré beaucoup de traces de vie humaine. Ils se demandent si les souverains sorciers ne les auraient pas fait fuir vers des royaumes voisins.
A la sortie de la vallée merveilleuse, Rune et Ambrelune se rendent dans le village qu’ils voient en contrebas. Ils ne seraient pas contre un peu de compagnie mais ils supposent qu’on les recherche toujours, même s’ils sont vêtus à la mode du pays et qu’ils ont lavé leurs vêtements chaque fois qu’ils en ont eu la possibilité ; en effet, ils ont trouvé au bord d’un ruisseau où les habitants du lieu qu’ils traversaient alors lavent leur linge, un savon. Ils regrettent de ne pas oser nouer des contacts avec les habitants du pays. Depuis qu’ils ont quitté Raya, Andrea et Roséliande, ils sont seuls dans leur périple.
Après avoir étudié la carte, ils jugent plus prudent de suivre la rivière qui les mènera jusqu’aux collines prémonitoires puis à la porte en une dizaine de jours. Une fois qu’ils se sont assuré que leurs calculs tombent juste, ils commencent à s’inquiéter de leur absence prolongée. D’après leurs estimations, ils sont déjà partis depuis douze jours. Horrifiés à cette idée, ils décident de changer leurs plans.
- Si je me fie à la carte, si nous suivons la rivière puis prenons tout droit vers la porte, nous y serons au bout d’une trentaine d’heures de marche, soit environ six jours. Mais si nous sommes prudents et faisons un détour, nous perdrons deux jours.
- Ambrelune, peut-être pouvons-nous marcher plus longtemps chaque jour ?
Ils se regardent puis se replongent en silence dans l’étude de la carte. Ils savent tous deux qu’ils n’ont pas l’habitude de marcher autant. Cinq heures de marche quotidiennes entrecoupées de haltes sont le maximum qu’ils se sentent capables de faire.
- Ne t’inquiète pas, nous finirons bien par y arriver et dans les contes, personne ne se rend compte de l’absence des héros. Vite, cachons-nous, des soldats arrivent !
- Où ?
- Mais là, dans ces fourrés !
Des soldats en armure passent à petite distance de leur cachette. Aucun soldat ne les remarque mais cette frayeur leur rappelle le danger où ils sont.
Les jours suivants, ils continuent de longer la rivière et marchent de nuit pour passer inaperçus. Il leur est plus difficile de trouver des lieux où dormir et où ils ne sont pas à la merci des moustiques mais ce qui les inquiète le plus est la diminution de leurs provisions et l’absence de village auprès de la rivière. Dans leur monde, les villes se construisent autour des points d’eau, il semble que les choses soient différentes en Berethiel-Nienor.
- Tu crois que nous pourrions construire un radeau ? Il y a beaucoup de branches et d’arbres sur les bords de la rivière qui semble inhabitée. Nous gagnerions du temps.
- Je ne sais pas, je n’ai pas envie de finir noyée.
- Nous pouvons toujours essayer.
Ils mettent une demi-journée à construire un radeau suffisamment solide pour supporter leur poids. Ils savent qu’ils prennent un risque mais la tentation d’éviter plusieurs jours de marche est grande.
Au matin, ils mettent leur radeau à l’eau. Inquiets, ils craignent la dislocation de leur frêle esquif mais il tient. Malheureusement au bout de deux jours, ils manœuvrent mal leur embarcation qui vient s’échouer contre des pierres. Les bras et les jambes éraflées sur des pierres, les muscles douloureux, ils laissent libre court à leur découragement et leur colère.
- Mais qu’est-ce qui nous a pris de nous éloigner de cette fichue porte ! Au final, on y revient ! s’énerve le jeune garçon en tapant du pied dans une pierre.
- Nous aurions regretté de ne pas avoir visité ce pays, tu le sais.
- Mouais, un pays dangereux et inhabité. Quel merveilleux endroit pour des vacances improvisées.
- Sauf que nous n’avons pas le choix. Bon, on y va ?
- Non ! Tu sais où nous allons ? Droit sur les collines prémonitoires !
- Tu as raison, je propose qu’on continue jusque là et le moment venu, nous verrons à les contourner, je n’ai pas envie de revoir ce lieu maudit.
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