Eridelya est le nom bien compliqué de cette petite poupée. Sa porcelaine est toute blanche, sans fard, sans couleur, tout comme ses jolies cheveux bien brossés, sa robe, ses souliers... Nous l'appellerons Lili, un nom bien plus simple qui lui correspond sans conteste mieux.

Lili n'est pas très intéressante comme poupée alors, même si elle est toute neuve, sa petite maîtresse a eu tôt fait de l'abandonner sur ce lit. Ce n'est même pas son lit en plus. Ici il n'y a pas ses autres poupées, toutes ses peluches... Lili n'a personne avec qui parler, il n'y a que la fenêtre pour la distraire. Mais au fond, c'est plutôt normal de s'ennuyer quand on est aussi ennuyante. Juste retour des choses.

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En vérité, Lili est plutôt contente d'avoir sa chambre à elle : ici, sa petite maîtresse ne risque pas de l'abîmer, de faire des nœuds dans ses jolies cheveux, de perdre ses souliers... ou pire que tout : de la tacher ! En contre partie, Lili doit apprendre à se divertir seule, mais au fond, c'est plutôt facile.

Lili vit ainsi sa petite vie sans relief de petite poupée sans couleur jusqu'au jour où sa petite maîtresse rouvre finalement la porte de sa chambre. Lili se demande si on a à nouveau besoin d'elle, si la petite fille veut jouer avec elle... mais non. Sa petite maîtresse se tourne pour parler à quelqu'un dans son dos.

- Tu peux dormir ici quand tu viens à la maison. Elle ne sert à rien cette chambre de toute façon...

Ah, Lili va avoir un visiteur ! Ce n'est pas sa petite maîtresse mais un peu de compagnie n'est pas de refus, tout compte fait. La discussion tourne vite en rond quand on ne parle qu'avec soi-même.

Mais Lili déchante vite. Son nouveau camarade est un monstre énorme qui passe à peine dans la porte ! Lili en est sûre, il va l'écraser en se couchant sur lit et c'est tout ce qu'elle va avoir de ce visiteur ! Mais non, il ne l'écrase pas, il la regarde juste. Il est tout de même sacrément effrayant ce monstre ! Lili ne sait pas trop si elle doit avoir peur ou pas...

Le monstre revient souvent pour jouer avec Lili, mais elle, elle n'apprécie pas trop ça. Elle aimait bien pouvoir rester toute propre et toute jolie. Le monstre est une vraie brute, il la secoue, la serre, la bouge dans tous les sens, l'habille, la déshabille, coiffe ses cheveux n'importe comment... Lili avait peur d'être abîmée par sa petite maîtresse mais là c'est un carnage ! Sa belle robe est toute déchirée, ses cheveux ne ressemblent plus à rien et sa porcelaine si douce est toute fêlée ! Il n'y a pas à dire, Lili aurait préféré rester avec sa petite maîtresse...

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En vérité, Lili aime bien son monstre. Elle est contente d'avoir quelqu'un qui l'apprécie, qui joue avec elle. Après tout, c'est son rôle en tant que poupée ! Elle ne pouvait pas rester une petite poupée parfaite toute sa vie...

Mais voilà, le monstre, ce qu'il aimait, c'était la petite poupée parfaite, pas la vieille poupée toute cassée. Alors il ne vient plus. Et Lili est à nouveau toute seule. Mais c'est pas grave, elle a l'habitude !

~*~

En vérité, Lili ferait n'importe quoi pour ne plus être toute seule... Toute la journée, elle entend sa petite maîtresse rire à côté. Alors une nuit, elle n'y tient plus. Elle se glisse en secret dans la chambre de la petite fille pour voir à quoi ressemble ces poupées qui lui plaisent tant. Peut-être que si elle arrive à leur ressembler, sa petite maîtresse voudra bien la reprendre avec elle. Ces autres poupées, elles ont tout pour elle : de jolies couleurs sur les joues, sur les yeux, de jolies robes avec des rubans qui brillent, une chevelure de boucles parfaites. Lili était comme ça aussi avant, sans les couleurs. Aujourd'hui elle est juste bonne pour la poubelle ! Pour attirer sa petite maîtresse, il faudrait qu'elle soit encore mieux que ces poupées là. Comment ça pourrait être possible ?

Alors Lili a une idée de génie ! Elle passe la nuit à arpenter la maison endormie. Elle pique du maquillage, des mouchoirs de tissus de toutes les couleurs, du fil, une aiguille... Puis elle va attendre sagement que sa petite maîtresse se réveille.

Les jours suivants sont un vrai rêve : sa petite maîtresse s'amuse toute la journée à maquiller Lili et à lui faire une jolie robe en mouchoirs. Ses cheveux sont trop abîmés pour les coiffer mais ce n'est pas grave : il n'y a bien que Lili que sa petite maîtresse peut faire exactement comme elle le souhaite. Lili est aux anges, elle sera forcément parfaite puisque c'est la petite fille qui la peint et l'habille !

Mais Lili déchante vite. Le maquillage ne tient pas sur sa porcelaine toute douce, il fait même des traces et teinte ses craquelures. Et puis les robes en mouchoirs sont clairement moins jolies que celles en satin... Sa petite maîtresse se lasse de cette poupée qui veut jouer les intéressantes en se couvrant de couleurs. Les couleurs ne mentent pas, elles : elles ne restent pas sur une poupée aussi ennuyeuse.

Alors Lili retrouve sa chambre. Finalement, ce n'est pas si mal. Sa petite maîtresse vient de temps en temps pour repasser une couche de maquillage, essayer encore autre chose. Elle aime bien la barbouiller mais rapidement elle retourne jouer avec les vraies poupées.

~*~

En vérité, Lili donnerait tout pour être une vraie poupée. Mais elle n'est qu'un pantin désarticulé tout juste bon à être jeté. Mais la porter jusqu'à la poubelle, ce serait déjà s'intéresser un peu à elle. Et Lili, elle n'a même pas le droit à ça. Non, elle peut juste attendre là, en silence, que sa petite maîtresse veuille bien venir passer un peu de temps avec elle. Quand elle est là, Lili a l'impression d'être une vraie poupée, pour quelques instants. Même le monstre, Lili serait contente de le voir. Tant pis s'il la casse, s'il finit de déchirer sa robe, s'il lui arrache les cheveux... Au moins il y aura quelqu'un pour jouer avec elle...

Mais non, il n'y a personne...

~*~

En vérité, Lili aimerait bien que quelqu'un pense à la jeter. Elle a clairement fait son temps, elle n'a plus rien d'une poupée, ni même d'un pantin. Mais personne ne vient, la porte ne s'est plus ouverte depuis si longtemps. Pourtant elle entend toujours sa petite maîtresse rire à côté.

Alors une nuit, Lili prend sa décision. Ça ne sert à rien d'attendre un coup de mains de la petite fille ou même du monstre. Elle est une... chose... indépendante. Elle a sa volonté, elle sait parfaitement ce qu'elle veut ! Alors Lili s'en va trouver la poubelle de la cuisine et saute dedans.

Voilà, ce n'était pas bien compliqué, tout compte fait. Lili est enfin à sa place et elle ne le doit qu'à elle-même !

***

Et un jour, c'est le drame. Ça pleure, ça court dans toute la maison. Mais où est donc passée la vieille poupée de la chambre d'amis ? Elle n'a pourtant pas pu aller bien loin...