Appoline est effrayante. Une verrue mal placée au coin de la bouche et une dent manquante ne la font pas paraître très belle non plus. Appoline est maladroite. Se tromper et fabriquer une machine à rendre le linge sale ne l’a pas aidée non plus. Appoline est une sorcière. Une trop grande créativité l’a fait renvoyer de toutes les écoles de magie aussi. Mais Appoline est une rêveuse. Une scribouilleuse plus exactement.

Elle gribouille depuis toujours. Quelques poèmes aux rimes harmonieuses ont fini en sorts catastrophiques, faisant jaillir de ses carnets de notes dragons et farfadets. Bien sûr, mère a dû tout nettoyer et mère abhorre le ménage. Par conséquent, toute sa petite famille l’a maudite, car tous subirent l’humeur de la doyenne pendant longtemps. De ce fait, Appoline a hérité de deux verrues supplémentaires et de poils dans les oreilles.

Appoline est encore plus effrayante, empêchant les enfants de trouver le sommeil et réveillant par là même les parents déjà épuisés. Appoline est encore plus maladroite, car elle a encore plus peur de décevoir les siens, transformant en lait caillé les potions de mère et dématérialisant les balais de course de père. Appoline souhaiterait tellement être une fée, voletant de fleur en fleur afin qu’elles s’épanouissent. Mais Appoline doit cesser de rêver.

Pourtant, c’est plus fort qu’elle. Elle écrit, écrit… elle écrit partout. Cette fois, mère va la faire hospitaliser dans un asile, c’est certain. La fillette a même envoyé en secret une correspondance fournie à un établissement spécialisé. D’ailleurs, ils ne lui ont pas encore répondu. Ils se sont déplacés en personne. L’arrivée de trois mages risque de changer sa vie. Il y a le mage Noir, petit et rond, il est amusant. Le mage Tech, grand, son regard froid effraie la fillette. Enfin le dernier mage est une magicienne. Ayant la grâce et l’élégance d’un elfe, sa robe longue, bleue et légère volette, donnant l’impression qu’elle glisse plus qu’elle ne marche.

Appoline est effrayée. Appoline fait des maladresses et renverse son encrier sur les visiteurs. Appoline en sorcière peu appliquée, transforme en torche le mage noir, infecte de virus rose la cape informatique du mage Tech et raccourcit en mini-jupe rouge la tenue de la magicienne. Appoline lève les bras et écarte les doigts, espérant ne plus jeter aucun sort. Mais Appoline se trompe. Les phrases trop longtemps retenues sortent en flot de mots des paumes de la fillette, venant remplir des cahiers entiers.

Les trois mages se concertent. Ils sont d’accord. L’enfant a du talent, elle ne peut pas rester simple sorcière. Elle intégrera un nouvel établissement. L’école des conteurs sis Allée des conteurs. Elle a besoin d’un environnement propice à sa trop grande créativité. Il y a tant d’auteurs en manque d’inspiration, elle sera chargée du rayon horreur.

Appoline n’est plus effrayante, elle est singulière. Appoline est toujours maladroite, mais qui n’a pas besoin d’un peu de fantaisie ? Sa machine à rendre le linge sale est utilisée par l’ogre, rue des vampires. Appoline est une sorcière. Ses dragons, farfadets et autres trolls font l’enchantement de l’Allée où toutes les créatures magiques sont les bienvenues.

Appoline est heureuse, elle sera une conteuse.