Roseline venait tout juste d'avoir quinze ans, elle vivait dans un château avec ses parents qui avaient parmi leurs relations de nombreux sorciers, des fées et toute sorte de créatures énigmatiques. La jeune fille aimait à leur poser des questions sur leurs pouvoirs et à les écouter parler.
Durant le solstice d'hiver, les parents de Roseline organisaient traditionnellement un bal où ces gens merveilleux étaient conviés à festoyer librement. Car en ces temps reculés, on brûlait les sorciers et ceux qui pratiquaient cet art devaient se cacher.
Roseline était fascinée par ces pouvoirs et très très curieuse. Elle furetait un peu partout dans le château et tentait de déchiffrer les grimoires. Cette année-là, elle trouva un vieux sorcier endormi sur un livre ouvert dont elle reconnaissait l'écriture. La jeune fille s'approcha sur la pointe des pieds et reconnut du latin, langue qu'elle étudiait.
Brûlante de curiosité, elle tira doucement le grimoire à elle et commença à le feuilleter tremblant de peur, d'impatience mais également du délice de l'interdit. Le vieux sorcier remua, elle craignit de se voir démasquer mais il n'en fut rien, le vieil homme se rendormit. Maintenant, elle avait peur qu'on la trouve là ; pour cette raison, elle choisit une formule un peu au hasard pour que cette nuit merveilleuse « dure plus longtemps que le jour et la nuit réunis ».
Et elle dura cette nuit encore et encore. Elle ne finit jamais, tout le pays était figé dans cette nuit magique. Roseline ne savait comment briser le sortilège et elle ne pouvait quitter le pays qui était protégé par une barrière magique. Le contre-sort était une énigme dont elle ne connaissait pas la réponse : L'étoile d'argent apportée par le vent rétablira le cours du temps.
Roseline fouilla la bibliothèque à la recherche de la mention de cette étoile d'argent, elle fouilla les grimoires qui en parlaient parfois sans donner de précisions, elle fouilla la bibliothèque puis s'aventura hors des murs du château pour se nourrir et trouver d'autres sources d'information. Elle parvint à se nourrir grâce à la nourriture qu'elle trouva en abondance dans les caves et les greniers ; et c'est tant mieux car elle ne savait pas cultiver la terre ou chasser. Elle ne savait pas non plus s'occuper des bêtes qui vécurent leur vie dans les champs aussi libre qu'on peut l'être enfermé dans un champ aussi vaste soit-il.
Seule, elle errait dans le château et dans le pays, à pied le plus souvent car les chevaux étaient redevenus sauvages dans leurs vastes prés. Elle fouilla le laboratoire de l'enchanteur sans succès.
Dix ans passèrent ainsi et un jour, elle se décida à ouvrir les lettres cachetées qui prenaient la poussière sur le bureau du magicien. A quoi bon les garder secrètes puisqu'elle était seule désormais ? Elle espérait y trouver les coordonnées de magiciens mais elle ne pourrait les contacter donc elle chassa cette pensée.
Dans la cinquantième, elle trouva ce qu'elle cherchait :
« Cher ami,
Vous trouverez ici un échantillon comme nous en avions convenu ; il s'agit d'un gnaphale à pied de lion séché, une étoile des glaciers, une étoile d'argent qui pourrait vous servir pour vos expérimentations. Je suis actuellement en plein travaux sur cette plante rare et magnifique et je serais ravi comme je vous l'ai dit que nous échangions sur nos découvertes, car cette plante rare a des propriétés intéressantes. Ce serait notamment un excellent antidote aux soubresauts dans le cours du temps. », suivaient les formules de politesse d'usage.
Roseline tenait dans le creux de sa main une poignée de fleurs séchées qui avaient pâlies avec le temps. Tremblante, elle se dit que c'était peut-être ce qu'elle cherchait depuis si longtemps. Elle fit une décoction d'une moitié de fleur dans un tout petit peu d'eau pour ne pas gâcher son précieux ingrédient. Elle devrait sans doute tenter plusieurs façons de s'en servir. Une fois la décoction refroidie, elle en aspergea l'enchanteur qui reprit sa forme habituelle. Quand elle lui raconta sa faute, il fut furieux mais se contenta de ne rien dire et d'annuler le sortilège qui avait plongé le pays dans un sommeil de dix ans.
Elle était la seule à avoir vieilli durant ce laps de temps et elle ne put donc cacher être à l'origine de cet arrêt du temps. Elle avait désormais vingt-cinq ans, son père la déshérita pour toute punition et l'affaire fut close. La fête du bal de l'hiver n'eut plus jamais lieu par la suite car elle rappelait trop de mauvais souvenirs.
25 décembre 2016
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