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Je regarde ce corps humain, cette femme, se relever avec difficulté. Ses bras tremblent et ses jambes ne semblent pas vouloir la porter. Elle est frêle, elle paraît si fragile que cela me fend le cœur.

Ce qu’il m’arrive s’avère être complètement dingue, inimaginable même.

Je ne rêve pas, pourtant.

Peut-être ai-je consommé de la drogue et qu’il ne s’agit là que d’une vaste hallucination. Peut-être que rien n’est réel !

“Cristal, reprends-toi. C’est la réalité et tu ne te drogue pas.” me dis-je à moi-même, à haute voix.

La femme chat gémit de douleur, me faisant ainsi sursauter. Je ne perds pas un instant et je m’agenouille près d’elle.

En une telle situation, je ne sais que faire. Je ne peux pas appeler les secours, les pompiers, puisque je n’ai pas de téléphone et que, de toute façon, le réseau ne doit probablement pas passer par ici. Et je n’ai guère envie de demander de l’aide à Lucifer ou Gabriel. Encore une fois, je préfère écouter mon instinct.

Je pose une main sur son front et c’est avec horreur que je découvre qu’elle a de la fièvre.

Que faire ?

Je mordille ma lèvre inférieure avec une certaine nervosité. Je regarde alors autour de moi, dans l’espoir de trouver quelque chose susceptible de me venir en aide. Il s’agit d’une grande pièce vide et blanche. Un soupire las m’échappe : qu’est-ce que c’est que cet endroit ?

Du blanc dans les couloirs, du blanc dans cette grande pièce...

Je ne suis pas dans un rêve, je suis dans un satané cauchemar !

Je prends la femme chat dans mes bras et celle-ci pose l’une de ses mains sur ma joue. Nos regards se croisent, le sien est d’une étonnante couleur lilas. Une couleur inhabituelle qui sied à merveille à cet être surnaturel. Je lui adresse un doux sourire, je veux la réconforter, lui faire comprendre que je suis là pour elle, que je suis maître de la situation, quand bien même ce n’est pas vrai.

Je ne maîtrise absolument rien et ce, depuis un peu plus de dix-huit ans.

Une larme m’échappe. Elle coule le long de ma joue, pour s’échouer sur le joli minoi de l’autre. Elle secoue lentement la tête, me faisant la silencieuse demande de ne pas pleurer. C’est du moins ce que je suppose.

Qui est-elle ?

D’où vient-elle ?

Pourquoi un chat ?

Mais surtout… comment ?!

Je sursaute de plus bel lorsque je vois une petite boule de lumière bleue apparaître au centre de la pièce. Fronçant les sourcils, je l’étudie attentivement du regard.

C’est bleu, c’est rond et ça brille. Rien de plus à signaler.

Que va-t-il se produire à présent ?!

Je lève les yeux et je soupire longuement.

“Cristal…” murmure une voix.

J’écarquille les paupières et je dévisage la sphère lumineuse.

“Cristal…”

Je porte mon attention sur la femme chat au visage chaleureux. D’un simple regard complice, je comprends qu’elle m’encourage à rejoindre cette chose qui brille et qui flotte. Je la lâche donc délicatement et je retire ma veste en cuire pour l’en couvrir.

“Je reviens ! D’accord ?”

Supposant qu’elle m’a comprise puisqu’elle hoche vivement la tête, je me lève et je m’approche de la sphère bleue. Je l’entends qui m’appelle et qui m’attire, si bien que je m’en retrouve hypnotisée. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, ce que c’est, mais je n’ai pas peur.

Je tends mon bras gauche vers elle et je la saisis délicatement.

Un voile noir m’aveugle aussitôt et je me sens étrangement légère, comme si je venais de quitter mon corps.

“Cristal ? murmure une voix féminine qui m’est inconnue.

- Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ? osé-je demander, un tantinet craintive.

- Je suis toi, me répond-elle. Toi, dans le passé.

- Impossible… murmuré-je à mon tour, me sentant complètement dépassée par ce rocambolesque évènement.

- Je ne suis qu’un fragment d’âme, un fragment de ta mémoire passée. Je suis toi et tu es moi.

- Je ne comprends pas ! crié-je.

- Calme-toi, Cristal. Tu vas comprendre.”

Une femme aux longs cheveux blancs et à l’allure spectrale apparaît devant moi. Elle porte une longue robe noire qui fait ressortir l’allure morbide de sa peau presque translucide. Sur ses avant-bras se trouve des tatouages aux formes géométriques particulières.

Je n’ai pas le temps de demander plus d’informations qu’elle me prend les mains et que le noir laisse place à une grande plaine dégagée, luxuriante et d’une beauté à couper le souffle.

Le “voyage”, si on peut appeler cela ainsi, n’en reste pas moins violent, semblable à un brutal coup porté en plein plexus solaire. Mes poumons se vident de tout l’air qu’ils possédaient, décuplant l’angoisse de la situation.

“Où sommes-nous ? questionné-je, tout en me tenant les côtes.

- Au commencement.” me répond-elle.

C’est alors que je la vois, quelques mètres plus loin. Elle est assise à côté d’une femme à la magnifique chevelure ébène et… aux titanesques ailes blanches.

Je me tourne vers ma comparse en me demandant comment elle peut être à deux endroits en même temps.

“C’est quoi le commencement ? Qui êtes-vous ? Qui est la femme chat ? Je suis en train de rêver ?! C’est ça, hein ?”

Je la vois secouer lentement son ravissant minois, avant qu’un grand sourire ne prenne forme et ne l’illumine.

“Considère-moi comme un guide, Cristal. Et je t’en prie, calme-toi. Respire. Médite. Asseyons-nous. Le voyage promet d’être long.” me dit-elle de son ton chaleureux, presque... emplit d’amour et de tendresse.

C’est un fait quelque peu déstabilisant mais qui a le mérite de m’apaiser.

Je m’assois donc sur l’herbe fraîche, en étendant mes jambes devant moi.

“Dieu n’a pas créé les hommes. Il leur a seulement permis de s’élever, commence-t-elle à me renseigner. C’est un détail qui n’a là aucune importance dans ton histoire. Au commencement, tu étais une apprentie mage particulièrement douée. Tu étais avide de savoir et, dans la fleur de l’âge, peut-être un peu naïve.”

Les questions fusent dans mon esprit vivace, mais je ne l’interromps pas.

“Dieu a un jour envoyé ses anges sur Terre pour faire notre éducation. Et tu t’es liée d’amitié à l’un d’entre eux.”

Je regarde son double au loin, semblant discuter joyeusement avec ledit ange. Celui-là même dont le visage m’est familier.

“Lucifer, murmuré-je, consternée, la reconnaissant alors.

- Exactement.

- Mais… que s’est-il passé ?

- Ce qu’il s’est passé… ?”

Son regard ne brille plus, elle me semble maintenant mélancolique.

“Lucifer est tombée amoureuse.”