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tome 1, Chapitre 10 tome 1, Chapitre 10

Mes mains sont posées sur le rebord du lavabo en céramique, qui devait autrefois être blanc. Mon regard cendré, à la muqueuse marquée d’un vif trait noir, me juge sévèrement à travers le miroir brisé.

Mes cheveux pourpre font ressortir mon teint presque spectral, tant ma peau est blanche.

Des mois à ne pratiquement pas voir la lumière du jour, c’est sûr que ça n’aide pas.

Mais avais-je le choix ?

Non.

Ils étaient là.

Ils me suivaient.

Il me fallait fuir.

Et de toute façon, au domicile familial, je n’étais plus la bienvenue.

Lorsque ma mère, une mormon, a découvert mon attirance envers le genre féminin, elle n’a pas réfléchi plus longtemps : elle m’a mise à la porte.

Je ne la portais pas vraiment dans mon cœur, étrangement.

D’autant plus que je n’étais pas une enfant facile.

Les psychologues qu’elle m’emmenait souvent voir prétendaient que je souffrais de paranoïa sévère.

S’ils pouvaient voir ce que je vois, ils ne diraient pas cela. Non, ils appelleraient les flics, ou même l’armée !

Des formes noires, des choses ne s’apparentant à rien d’animal ni d’humain, me suivent. C’est ainsi depuis mon enfance. Dès mon entrée en maternelle, j’ai compris que j’étais différente. Car hormis moi, personne ne peut les voir.

Suis-je folle ?

Peut-être bien.

Aucun médicament n’est parvenu à les faire disparaître, cela dit. Et ma mère a toujours refusé les traitements usant des électrochocs.

J’ai fini par coûter cher à ma famille.

Je ne leur en veux pas de m’avoir bannie.

J’ouvre mon téléphone à clapet, qui affiche aussitôt vingt-deux heures : il est grand temps pour moi d’aller bosser.

A quelques centaines de mètres de mon studio, se trouve une boîte de nuit dans laquelle je joue les barmaids. La paye est suffisante pour entretenir le petit appartement dans lequel je vis depuis près d’un mois et la patronne ne pose aucune question. Le job rêvé.

J’enfile une veste en cuire, après m’être chaussée de rangers, puis je quitte l’immeuble abîmé.

Dans la rue, je ne m’attarde pas trop car, en effet, ce quartier n’est pas tranquille. Des gangs s’y trouvent cachés dans les ruelles sombres, des mecs vendant de la drogue, notamment.

Chaque mois, on peut être sûr qu’une voiture prendra mystérieusement feu.

C’est mieux que rien.

Les mains dans les poches, la tête baissée, je marche sans m’arrêter en direction du bar.

Mais quelque chose m’interpelle. Une odeur désagréable, putride.

Je fronce les sourcils et je ralentis la cadence. Je renifle l’air, cherchant l’origine de cette odeur infâme, à la limite du supportable.

Que se passe-t-il ?

Les ombres m’ont retrouvée ? Elles n’ont pourtant jamais eu d’odeur.

Un frisson d’effroi me parcourt l’échine, alors que je fais un tour sur moi-même pour observer les environs.

C’est alors que j’aperçois une asiatique, debout au milieu d’un carrefour. Elle attire mon regard avec sa robe rouge carmin et ses lèvres peinturlurées de la même couleur. Elle semble attendre quelque chose, elle patiente. Son visage est d’ailleurs tourné vers le ciel.

J’ai comme un mauvais pressentiment, tout à coup.

“Courage, Cristal, c’est pas le moment de paniquer !” me dis-je à moi-même.

Je m’approche lentement d’elle, discrètement, faisant mine de n’être qu’une passante comme les autres. Je garde cependant un œil sur elle.

A mesure que je m’approche, une forme se dessine et me devient de plus en plus claire.

Il s’avère que l’asiatique au teint de porcelaine regarde fixement une perfide créature, sans nul doute la source de cette désagréable puanteur. Son sourire est inquiétant, malsain, il me met terriblement mal à l’aise. Quant au monstre, lui, il semble peiner à respirer l’air pollué de la ville, les émanations des voitures et des usines à proximité. De plus, il se meut avec difficulté, de par sa stature imposante. Je constate également que sa peau, en état de putréfaction, brûle à certains endroits.

Je porte une main contre ma bouche, j’ai envie de vomir, de crier, de pleurer mais surtout de fuir.

Aucune larme ne coule, mon haut-le-cœur passe rapidement, crier m’est impossible puisque je semble être victime d’une soudaine extinction de voix, et je ne peux pas fuir puisque je suis… tétanisée.

Le corps de la bête commence à rapetisser, jusqu’à acquérir une taille humaine.

Sa peau tuméfiée et pourrie laisse place à un épiderme dénué d’imperfection et légèrement hâlé.

Ses yeux d’un rouge flamboyant s’adoucissent jusqu’à adopter un vert vif, telles deux resplendissantes émeraudes.

Et sur ce nouveau corps apparaît alors un élégant costume noir dont la chemise pourpre voit ses premiers boutons détachés.

Il se découvre face à moi un homme des plus séduisants.

Je suis apeurée, mais je ressens également quelque chose d’étrange, de... magnétique.

Une partie de mon esprit hurle au danger, tandis que l’autre supplie pour le servir et le satisfaire.

Peu m’importe de qui il s’agit, je dois m’en éloigner au plus vite.

L’asiatique se tourne vers moi. Nous nous regardons fixement quelques secondes. Elle parait surprise. Je sens les ennuis arriver.

“L’humaine me voit” indique-t-elle au monstre à désormais forme humaine.

Je détourne très vite le regard, pour ne pas croiser celui de “l’homme”.

Qui sont-ils ?

Pourquoi sont-ils différents des autres monstres ?

Je serre les poings, reprenant alors le contrôle de mon corps.

J’ai certes peur, mai je suis courageuse.

Fuir, c’est ce que je fais depuis des années.

Je leur tourne le dos et je commence à sprinter dans la direction opposée.

Je ne peux pas retourner chez moi, dans mon appartement, appeler la police est impensable, quant à me rendre au club… Non, je ne peux même pas y penser. Il est hors de question que je mette des personnes innocentes en danger.

Je me contente donc de courir à toute vitesse, traversant rues et quartiers, sans jamais m’arrêter, sans jamais vérifier qu’ils me poursuivent.

Mon instinct me dicte de partir le plus loin possible de cet endroit.

Je fonce donc aveuglément, dans la nuit noir, en ignorant les insultes des rares passants que je bouscule.

Et je procède ainsi, jusqu’à me retrouver contrainte de m’arrêter ; au milieu de la rue que je m’apprêtais à prendre, se trouve une fillette tenant un ours en peluche, en larmes.

Bien qu’essouflée, je m’approche d’elle, tout en veillant à ce que rien n’arrive par derrière. Et hormis un joli chat noir, je n’ai pas l’impression que l’on m’ait suivi.

Je reste sur mes gardes cela dit : Dieu seul sait de quoi sont capables les deux démons que j’ai rencontrés.

Je me penche vers elle et je lui offre un doux sourire, dans l’intention de la rassurer.

“Bonsoir ma jolie, que fais-tu dehors à une heure si tardive ?”

La petite lève la tête, essuie une larme et c’est ensuite avec horreur que je vois ses yeux prendre une terrifiante couleur rouge.


Texte publié par Fiorthnir, 19 mai 2017 à 12h29
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