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Lucifer me dépose sur le pas de la porte d’entrée.

Contrairement aux autres maisons du quartier, la mienne semble austère et capable de vous dévorer vivant tant ce qu’elle dégage est maléfique.

Je suis entrée dans une toute nouvelle phase : je ne ressens ni peur, ni appréhension. La “magie”, cette étrange mais puissante énergie, vibre en moi, je la sens couler dans mes veines.

Si bien que j’ai l’impression que plus rien ne peut m’arriver.

Elle est comme une vieille amie enchantée de me revoir.

Nous nous redécouvrons.

C’est une sensation des plus plaisantes.

Je me tourne vers Lucifer.

Elle aussi, elle paraît plus puissante qu’elle ne l’est déjà. Il émane d’elle cette chose atypique qui fait battre mon cœur à tout rompre. Nos regards se croisent et ne se lâchent plus, comme si un échange silencieux se produisait.

Des papillons se battent dans mon bas-ventre, avant qu’un feu ardent ne les remplace. Il fait soudainement bien plus chaud, ici… Non ?

Pourquoi suis-je ainsi attirée par elle ?

Qui est-elle pour moi ?

Qui est-elle tout court… ?

Tant de questions et nulles réponses, c’est aussi frustrant que ce qu’il se passe entre nous à cet instant.

Une vengeance est de mise !

Je lui tourne sèchement le dos, puis j’entreprends de déverrouiller la porte, sans attendre mon reste. Un halo de lumière m’entoure, servant de protection contre les premiers êtres pernicieux qui oseraient m’attaquer. Ils ne peuvent traverser cette puissante barrière que j’ai mise en place.

Je vivais dans un nid de démon sans le savoir.

Pourquoi ne pouvais-je pas les voir avant ?

Il me faudra faire des recherches. Mais pour ce faire, il me faut accéder au bureau de mon père.

Lucifer et moi marchons doucement. Elle se colle à moi, profitant ainsi de mon enveloppe protectrice. Je peux sentir son souffle chaud caresser ma nuque et sa délicate odeur fleurie chatouiller mon nez légèrement retroussé. Elle est si près de moi…

J’ai envie de me retourner et de… faire je ne sais quoi. Mais j’en ai envie. Je veux la voir, plonger mes prunelles dans ses yeux si clairs, colorés d’un bleu magnifique, épuré.

Non, Cristal, reprends-toi.

Garde en tête ton objectif !

Chat. Bureau. Livres.

Je gravis les escaliers avec rapidité, ne me souciant plus de l’agréable présence dans mon dos.

La porte du bureau de mon père est de nouveau verrouillée et je doute fortement d’en retrouver la clé dans la chambre de… ma non-mère.

Lucifer me pousse doucement sur le côté et, d’un violent coup de pied, elle brise la porte en deux.

Ca a le mérite d’être rapide et pour le moins efficace.

“Entrez et faites ce que vous avez à faire, Enchanteresse. Je garde l’entrée, me dicte-t-elle.

- Tu peux me tutoyer, lui indiqué-je en entrant dans cette étroite pièce.

- Fais vite.”

Je hoche vivement la tête, puis je balaie la pièce du regard.

Commençons par le chat.

“Minou… ? Où es-tu ?” appelé-je avec douceur.

Un faible miaulement m'interpelle et attire mon attention vers un coin de la pièce, à l’ombre du bureau, derrière la petite poubelle remplie de papiers. Je m’approche et découvre avec horreur le pauvre animal en fort mauvais état. Il est si mal en point que je doute qu’il survive.

Je m’agenouille près de lui et je caresse sa fourrure ébène.

Elle est de la même couleur que les ailes de Lucifer, remarqué-je alors.

“Mon pauvre ami… je ne sais que faire pour toi…”

Je me sens désolée.

Après Alexa, c’est au tour de ce chat de mourir par ma faute.

Parce que je suis trop faible.

Ma gorge se resserre, et je ne me retiens que difficilement de fondre en larmes.

“A moins que…”

Je me retourne pour observer la bibliothèque.

Appartennait-elle vraiment à mon père… ?

Je me relève et je m’en approche. Il doit exister un moyen, quelque chose… n’importe quoi me permettant de le sauver !

Le monde se met brusquement à tanguer autour de moi. Je ne me rends pas compte que je tombe lourdement sur le sol. Je suis prise de sueurs froides, avant que ma vue ne se brouille.

Mes iris prennent une vive couleur blanche.

Que m’arrive-t-il ?

Je ne peux plus bouger.

Le chat… je dois le sauver !

C’est comme si je venais de basculer dans un autre monde. C’est une sensation qui m’est maintenant familière, quoiqu’un tantinet différente de mes anciennes crises.

Le sol poussiéreux du bureau laisse place à ce qui semble être un rêve.

Un rêve éveillé ?

Alors que nous sommes assaillis par d’affreux démons ?

Pourquoi pas ?

Je ne parviens pas à lutter contre eux, de toute façon.

Se découvre alors face à moi une gigantesque et magnifique bibliothèque.

Les murs de pierres grises, le parquet de vieux bois recouvrant le sol et les torches enflammées me donnent un indice quant à l'époque dans laquelle je me trouve.

Mais que diable se passe-t-il maintenant ?

Une femme aux longs cheveux de jais, ondulés et se dégradant sur une étonnante blancheur au niveau des pointes.

Elle se trouve au centre de la grande salle et je remarque qu’un livre à la couverture marron lévite face à elle.

Ce livre, je le reconnais : il s’agit du bouquin dont je me suis servie pour traduire les parchemins.

D’ailleurs, en prêtant une plus grande attention à cette bibliothèque, je me rends compte que certains des livres entreposés ici sont les mêmes que ceux se trouvant dans la… réalité ? Appelons cela ainsi.

Une question primordiale s’impose alors à mon esprit : ce que je vois est-il réel ? Ou... l’a-t-il au moins été ?

Un miaulement se fait entendre et un chat noir surgit de nul part : l’animal que je pensais blessé est maintenant en train de quémander des caresses auprès de l’inconnue !

Impossible… Cristal, réveille-toi !

La jeune femme ne lui prête aucune attention. Je remarque alors que ses lèvres bougent, articulant des paroles inaudibles. Elle récite ce qui doit se trouver inscrit sur le livre. Et comme preuve de son intense concentration, je constate que ses minces et longs sourcils sont froncés.

Quelle sera la résultante de cette incantation ? Je n’en ai aucune idée. De fait, la curiosité s’empare de moi et me ferait presque grogner de frustration, encore.

Soudain, des formes noires, dont il émane quelque chose d’obscur, se précipitent vers elle avec de probables mauvaises intentions.

Un globe blanc, translucide, apparaît, la protégeant de la menace qu’ils représentent. Le chat gronde et ses poils se hérissent. En bon prédateur qu’il est, il est prêt à attaquer et à défendre sa maîtresse.

La vision s’arrête ici.

Cette incroyable femme aux aptitudes similaires aux miennes laisse place au beau visage de Lucifer, penchée au-dessus de moi et m’appelant.

“Enchanteresse !” ne cesse-t-elle de répéter.

Je grimace et j’essaie de la pousser, de la faire taire.

Je dois sauver le chat et découvrir mes origines !

“Enchanteresse ! Il faut partir maintenant ! Ils vont nous tuer !”