"Ta première semaine de cours s'est bien passée, ma chérie ?" retentit la voix de ma mère, depuis la cuisine, alors que je m'occupe de mettre la table.
Cela fait, effectivement, une semaine que j'ai intégré l'IUT R&T, et elle était absente durant ce laps de temps quelque peu conséquent. Je lui en veux, d'être aussi absente. Et je le suis d’autant plus depuis que j'ai constaté qu'elle l'est de plus en plus, depuis mes dix-huit ans.
"Mh." me contenté-je donc de lui répondre.
Je ne veux pas en parler avec elle.
Je suis énervée, fâchée, déçue. Plein d'autres synonymes me viennent en tête pour décrire ce que je ressens actuellement. Et comme si elle l’avait deviné, elle quitte sa cuisine pour me rejoindre dans la salle à manger, les mains sur ses hanches et un air désolé sur son visage.
"Jeune fille, vous ne prenez pas vos médicaments, je me trompe ?"
Je grince des dents puis je secoue lentement la tête, sans oser la regarder. ‘Médicaments’, elle n’a que ce mot-là à la bouche !
Je la vois approcher puis je sens ses bras se refermer autour de mes épaules. Je m'attendais à tout sauf à une chaleureuse étreinte de sa part.
Elle caresse ma tête avec douceur, avant d'y planter un baiser.
"Mon bébé grandit trop vite... murmure-t-elle.
- Maman, je suis grande... c'est gênant.
- Ma chérie... je m'inquiète pour toi, tu sais, répond-elle en ignorant mes protestations.
- Peut-être que si tu étais plus présente à la maison, commencé-je, tu t'inquiéterais moins.
- Je ne peux pas, Cristal, et tu le sais très bien. Je suis la seule à payer les factures, depuis que ton père est parti, riposte-t-elle, tendue.
- Je sais, lui dis-je en soupirant, mais tu me manques... et il m'arrive des choses étranges dernièrement...
- Tu me manques aussi."
Elle dépose un second baiser, cette fois-ci sur mon front puis elle me libère de son étreinte pour prendre mon visage entre ses mains, plongeant ses prunelles noisettes dans les miennes.
"Si tu prenais tes médicaments, il ne t'arriverait rien d'étrange. Souviens-toi de ce qu'a dit le médecin, ce ne sont que des mauvais tours joués par ta petite tête."
Elle a raison, je le sais et ça m’agace. Je mordille nerveusement ma lèvre inférieure et, finalement, la culpabilité me fait dire ce qu’elle a envie d’entendre :
"Maman... je suis désolée. Je les prendrais. Je te le promets."
Je lui souris, elle semble rassurée. Elle m'embrasse encore une fois le front, puis elle me lâche définitivement pour rejoindre la cuisine.
Elle ne revient qu'une dizaine de minutes plus tard, apportant une casserole pleine de soupe. Le repas se passe finalement bien et je suis enchantée de constater que nous ne nous disputons pas.
Au contraire, c'est avec un entrain que je ne me reconnais pas que je lui conte ma semaine.
À la fin du repas, je l'aide à débarrasser, puis nous nous installons devant la télévision, face à un film. Cela fait du bien de retrouver cette proximité avec elle. Nous parlons et nous débattons au sujet de telle ou telle série, vêtement, acteurs… C’est agréable mais, hélas, elle s'endort tôt.
Ses yeux sont cernés et elle me semble avoir perdu du poids. Ces détail pouvant sembler insignifiant m’indiquent cependant qu’elle travaille beaucoup plus qu’elle ne le devrait. Je me doute même qu’elle doit faire des heures supplémentaires.
C’est une femme courageuse.
Je profite que ce soit la publicité pour me lever discrètement et monter à l'étage.
Envie pressante.
En montant les escaliers, j'entends un drôle de bruit. Comme un grattement, contre ce qui semble être du bois. Je fronce les sourcils, légèrement inquiète quant à cet étrange son, je me montre prudente, en me risquant dans le couloir.
Je découvre que sa source provient du bureau de mon père. Un rat se trouve peut-être enfermé à l'intérieur. Bonjour l'odeur s'il est coincé et s'il y meurt. Je regarde à droite, puis à gauche.
Ma mère dort, je peux donc m'y risquer sans craindre des représailles.
Cependant, la porte est verrouillée. Heureusement, je sais où elle cache la clé de la porte. Elle se trouve dans sa chambre, dans sa boîte à bijoux. Elle la dépose toujours dedans lorsqu'elle revient de l'un de ses voyages d'affaires. D'habitude, elle l'emmène avec elle. J'ai bien essayé d'ouvrir la porte avec autre chose : pince, diverses autres clés, sans jamais y parvenir.
J'ai toujours trouvé cela mystique car cette porte me semble pouvoir s’ouvrir qu'avec cette satanée clé.
Je gravis donc les quelques mètres qui m'en séparent, puis j'entre dans la pièce.
La chambre de ma mère est impeccable, aucun vêtement ne traîne sur le sol et il ne s’y trouve aucun grain de poussière.
Deviendrai-je aussi maniaque qu'elle, plus tard ?
Je me dirige vers sa commode, où se trouvent posés maquillages et bijoux. Je ne m’attarde pas car la boite se trouve juste devant moi. Mon regard pétille et c’est d’une main tremblante que je l’ouvre pour en récupérer l’objet tant convoité. Fine, longue et dorée, elle me donne l’impression d’être un explorateur venant de tomber sur un véritable trésor. Un trésor d’une incommensurable valeur.
Je quitte rapidement la chambre pour rejoindre le bureau de mon père.
Cet homme est un véritable mystère pour moi : il a quitté la maison lorsque j'étais bien trop petite pour me souvenir de lui. De fait, je ne sais ni à quoi il ressemble, ni quel était son caractère. Et inutile de demander à maman puisqu’elle elle refuse catégoriquement de me parler de lui.
Il est un fantôme dans l'histoire de mon passé et cela m’attriste. Il m’arrive de m’imaginer comment aurait été mon enfance avec une présence paternelle à la maison.
Fébrile, je déverrouille la porte, qui gardait jusqu'alors si bien son bureau.
Et ce que j'y découvre me laisse... sans voix.
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