Note préliminaires :
Ce texte est écrit à partir d'un défi du Chaudron. Cependant, le défi original comportait des incohérences. Pour ne pas créer de problèmes, j'ai déplacé le défi original sous le titre Crise et j'ai repris et terminé l'histoire ici.
Bonne lecture !
La radio diffusait une musique nasillarde depuis plusieurs heures maintenant, et si d’apparence personne n’y prêtait attention, la tension qui régnait dans la tour du porte avion était palpable. La porte s’ouvrit soudainement, apportant une vague de chaleur avant que l’officier ne ferme derrière lui.
-Major Rodney au rapport.
L’amiral hocha la tête pour lui indiquer de continuer.
-Les hommes sont tous prêts à lancer l’opération monsieur.
L’homme salua puis rentra dans la tour du porte avion. L’amiral reporta son attention sur le pont du porte avion. Huit hélicoptères d’évacuation et deux hélicoptères d’attaque étaient entourés par plusieurs dizaines de techniciens et de militaires. Dans le ventre du navire attendaient quarante-sept autres appareils. Ces appareils pouvaient tous décoller en moins de quatre-vingt-dix minutes. Mais il devait toutefois attendre le signal. L’homme jeta un regard à sa montre. Onze heures moins trois. L’homme à côté de lui soupira longuement et posa son journal sur la table.
-J’espère qu’ils ne vont pas donner l’ordre dans les heures qui viennent. Avec ce temps, les hélicos auront du mal à atterrir, surtout s’ils sont chargés au maximum.
-Les pilotes sauront s’adapter.
-Il n’empêche que je serais plus détendu lorsque tout ceci sera fini.
-Moi aussi. Et je pense que ceux qu’on va sauver se disent la même …
Sans avertissement, la musique s’interrompit pendant plusieurs secondes, laissant place à des grésillements, puis une nouvelle musique remplaça la précédente.
"I'm dreaming of a white Christmas,
Just like the ones I used to know.
Where the tree-tops glisten,
And children listen
To hear sleighbells in the snow."
Tout mouvement s’interrompit. Seul le bruit de la pluie contre le sol troublait le silence. Puis l’amiral se leva et s’empara du téléphone accroché au mur.
-C’est votre commandant qui vous parle. Que tous les appareils se préparent. Départ dans quinze minutes.
L’amiral se tourna ensuite vers la piste d’atterrissage et regarda les hommes s’affairer sur le pont avec une ardeur renouvelée.
-C’est peut-être votre poule aux œufs d’or qui arrive. Prêt pour une nouvelle médaille ?
L’amiral ne répondit pas à la pique de son second. La mission était simple. Récupérer les civils réfugiés dans l’ambassade et les transporter par hélicoptère jusqu’au porte avion. Un voyant vert s’alluma à côté du téléphone devant lui, accompagné d’un signal sonore. L’homme s’empara du combiné devant lui pour écouter l’agent de liaison sur la zone d’atterrissage.
-Nous avons dégagé suffisamment de place sur le parking de l’ambassade pour que quatre hélicoptères puissent atterrir simultanément. Par contre, il faudrait que vous veniez le plus rapidement possible, parce que ça commence à chauffer ici.
-Compris, nous envoyons nos unités dès que possible.
Après avoir raccroché, Chambers regarda sa montre. Dix minutes s’étaient écoulées depuis que l’ordre de se préparer avait été lancé. Il soupira pour rassembler son courage avant de saisir le téléphone mural.
-C’est votre commandant qui vous parle. A toutes les unités. Décollage immédiat. Je répète, décollage immédiat.
De sa position, l’amiral vit les techniciens quitter en vitesse, un à un, le pont d’envol et les pales de chaque hélicoptère se mettre en mouvement.
Les drapeaux blancs s’abaissèrent alors et chaque appareil s’arracha du pont pour partir en direction de la capitale.
-Prochain décollage dans dix minutes.
-Oui monsieur.
Son second hocha la tête et s'empressa de transmettre ses ordres. La tension sur le pont se calma au fur et à mesure que les vagues de décollages s’enchaînaient, pour remonter au retour de la première unité, qui débarqua des dizaines de civils sur le pont avant de décoller à nouveau alors que les débarqués étaient guidés à l’écart.
Dominant ce spectacle depuis le poste de commandement du navire, l’amiral constata avec plaisir la réputation de la marine américaine. Décollages et atterrissages se succédaient sans discontinuité malgré la gêne créée par la présence des civils et par la pluie qui tombait.
-On a un groupe d’hélicoptères vietnamiens qui approchent.
Chambers regarda à travers ses jumelles plusieurs secondes.
-Faites de la place sur le pont. Ces pilotes n’ont probablement jamais atterri sur un porte-avion et le vent ne les aidera pas.
-Vous êtes sûr ?
-Ce sont des hélicoptères de transport. Il n’y a pas de danger pour nous.
-Mais nous allons manquer de place avec cinq appareils supplémentaires.
-Nous aviserons à ce moment. Pour l’instant, notre rôle est de recueillir un maximum de personne.
-A vos ordres monsieur.
Calmement, l’amiral regarda les appareils grossir en s’approchant du navire. En voyant l’un d’entre eux rester au-dessus du pont, incapable de stabiliser son appareil avec les rafales de vents, un doute envahit son esprit. Aurait-il dû les renvoyer à l’ambassade pour que des pilotes chevronnés en prennent les commandes ?
Cependant, il lâcha un soupir de soulagement en voyant l’hélicoptère perdre en hauteur et heurter violemment le pont du navire avant de s’immobiliser. De sa position, il devina le cri hystérique du pilote qui levait ses mains en l’air, ce qui lui rappela son premier atterrissage.
-Monsieur.
L’homme se retourna vers son second, saisit les jumelles qu'il lui tendait et suivit son regard. A travers la pluie se devinait la silhouette d’un avion.
-Un CESNA je pense. D’autres rescapés ?
-Impossible à dire, on n’a pas de moyen de rentrer en communication. Il est impossible d’affirmer qu’il ne représente pas de danger
-Essayez de communiquer le même message en morse.
-C’est déjà fait, monsieur.
-Attendez.
Chambers saisit ses jumelles et regarda l’avion en plissant les yeux.
-Il vient d’allumer ses phares d’atterrissage. Il compte atterrir sur le Midway ?
Cependant, l’appareil tournait en cercle autour du porte-avion, gêné par le vent et la pluie. Puis, après un passage particulièrement bas, l’amiral vis un marin ramasser quelque chose sur le pont et se diriger vers la tour de contrôle. Moins d’une minute après, un marin poussa la porte et s’arrêta devant l’amiral en lui tendant un morceau de papier auquel était attaché un pistolet.
-Un message en provenance du CESNA, amiral.
L’homme tendit la main et parcourut rapidement les deux lignes à voix haute.
"Can you move the helicopter to the other side, I can land on your runway, I can fly for one hour more, we have enough time to move. Please rescue me! Major Buang, wife and 5 child."
L’amiral sentit le souffle de son second sur son épaule tandis qu’il lisait à son tour le message.
-Oh m****.
-J’ai besoin de parler au responsable aérien et au commandant de des unités d’intervention tout de suite.
Le second s’empara rapidement du combiné tandis que l’autre gardait ses yeux fixés sur le petit avion qui continuait ses cercles. Une tape sur l’épaule l’informa que la communication était établie.
-Ici l’amiral Chambers. J’ai un CESNA en approche par la ville, qui ne répond pas à nos tentatives de communication. Pouvons-nous l’accueillir sur le pont ? Non, il y a plusieurs enfants à bord, impossible de les récupérer s’ils sautaient à la mer. Très bien, je me charge du reste.
L’amiral reposa le combiné, s’avança rapidement vers la rambarde qui entourait le balcon de la tour du porte avion et scruta le pont tout en marmonnant de manière incompréhensible dans sa barbe. Son second se tourna vers lui et attendit qu’il prenne la parole.
-Quelle est la longueur de piste nécessaire à un CESNA pour atterrir ?
-Entre 170 et 190 mètres sur une piste fixe. Sur un porte avion, si le pilote n’est pas expérimenté, il faut au moins 220 mètres de long et peut être 25 mètres de large.
L’amiral resta muet pendant plusieurs dizaines de secondes avant de relever la tête.
-Je veux que l’on libère le pont. Tous les civils doivent être déplacés sur les côtés. Que les hélicoptères soient déplacés vers le côté ou les extrémités du pont. Je veux que la piste soit vide dans quinze minutes.
Tandis que le second relayait ses ordres via le téléphone, Chambers attrapa l’épaule du marin.
-J’ai besoin de plusieurs pilotes sur le pont prêts à réagir à mon signal, avec leur équipement.
-A vos ordres monsieur.
Le marin quitta la pièce avec précipitation
-Monsieur, on a dégagé la piste des civils mais on a une quinzaine d’appareils qu’on ne peut pas déplacer.
-Dites aux mécanos de faire le plein pour que chaque hélicoptère puisse tenir un vol stationnaire de 40 minutes. Qu’ils se tiennent prêts à décoller au signal. Les pilotes sont en routes.
L’homme répéta les instructions dans le combiné une fois de plus et regarda son supérieur scruter le drapeau à l’arrière du navire.
-Mettez moi en liaison avec les machines.
L’amiral saisit le téléphone qu'on lui tendit et attendit que quelqu’un décroche.
-C’est l'amiral Chambers. J’ai besoin d’augmenter la vitesse du navire à 25 nœuds en moins de …
L’homme regarda la montre sur son poignet.
-… vingt minutes.
-Ça risque d’être impossible monsieur, on a pas assez de puissance disponible et les moteurs sont encore froids.
-Et avec la totalité des ressources électriques ?
-On devrait pouvoir y arriver.
-Dans ce cas, basculez les autres systèmes sur le moteur diesel. La barre en direction sud sud-ouest.
L’amiral raccrocha et créa une liaison entre l’ensemble des hélicoptères sur le pont et l’ambassade.
-Interrompez tous les décollages venant de l’ambassade, nous avons un appareil en danger immédiat qui doit atterrir. Les hélicoptères déjà chargés resteront en vol stationnaires aux abords du porte-avion.
Le navire s’inclina d’une dizaine de degrés pendant son virage, qui dura plusieurs minutes. Puis un message l’avertit que le porte avion était face au vent.
-A tous les pilotes, décollage immédiat, je répète, décollage immédiat.
Les premières pales commencèrent à tourner puis prirent de la vitesse tandis que les hélicoptères s’arrachaient du pont avec difficultés à cause de la vitesse et du vent.
-Amiral, il reste quatre hélicoptères qui ne peuvent pas décoller, et on ne peut en mettre qu’un seul dans l’ascenseur.
- Alors jetez-les par-dessus bord.
Les hommes présents dans la pièce se retournèrent vers leur supérieur.
-Quoi ?
-J’ai dit jetez-les par-dessus bord. Je prends la responsabilité de cette décision.
Après un instant d’hésitation, l’un des marins s’empara du téléphone et transmis l’ordre à deux reprises. L’amiral et son second s’approchèrent du bastingage et regardèrent le pont. Pendant quinze secondes, rien ne se passa, puis un groupe de mécanicien courut jusqu’à l’un des hélicoptères pour le pousser, sans grand succès. Alors une foule de rescapée les rejoignit et le premier hélicoptère bascula dans la mer. Les deux suivants tombèrent tour à tour accompagnés par des cris de victoire tandis qu’une dizaine de technicien retiraient les immenses tuyaux de ravitaillement qui traversaient la piste d’atterrissage. La foule se replaça sur le côté du pont et un signal lumineux en morse débuta. Du haut de sa position, l’amiral attendit la fin du message pour le répéter.
-Runway clear for landing.
Puis il se retourna.
-Augmentez la puissance jusqu’à vingt-cinq nœuds. Il doit leur rester environ 40 minutes de carburant.
Alors que ses ordres étaient respectés, tous les visages se tournèrent vers l’avion qui se plaçait lentement derrière le porte avion. Puis, ballotté par les rafales de vent, le CESNA commença à perdre de l’altitude tout en se rapprochant du pont. On n’entendait plus un bruit dans la salle des commandes. Tous virent l’avion s’approcher. Tous virent les roues arrière toucher le pont et rebondir sous l’impact. Puis l’avion piqua une nouvelle fois et les roues restèrent en contact avec le sol. Les systèmes de freinage entrèrent en action et l’avion perdit de la vitesse pour finalement s’immobiliser, à une soixantaine de mètres du bord de la piste. Le soupir de soulagement fut suivit de cris de joies alors que la porte du CESNA s’ouvrait sur ses occupants, qui furent encerclés par les marins venus féliciter le pilote. L’amiral soupira de soulagement à son tour avant de se tourner vers son second.
-Réduisez la vitesse à vingt nœuds, on retourne au site de récupération. Donnez le feu vert à l’ambassade pour reprendre l’évacuation. Transmettez aux hélicoptères en stationnement l'autorisation d'atterrir et de reprendre l’évacuation. Faites aussi venir le pilote et sa famille ici, je tiens à le féliciter pour cet atterrissage.
-A vos ordres monsieur.
-Et jetez moi cet avion à la mer, on a pas de place pour lui.
-Bien monsieur.
L’amiral se rassit lourdement dans son siège et ferma les yeux. Ses actes avaient probablement détruit sa carrière dans l’armée, mais les passagers étaient saufs, ce qui était le plus important. Il avait fait le bon choix, et s'occuperait des conséquences plus tard.
-Monsieur ?
L’homme se tourna vers son second en rouvrant les yeux.
-Ils sont arrivés.
Il se leva de son siège et hocha la tête avec un sourire franc pour accueillir le héros de la journée.
L'opération Frequent Wind permit l'évacuation de plus de 50 000 personnes, pour un total de 682 sorties et 1 054 heures de vol.
Buang et sa famille s'installèrent aux Etats Unis grâce à des fonds réunis par l'équipage de l'USS Midway.
Chambers ne fut pas puni pour ses décisions pendant l'opération et continua sa carrière dans l'armée américaine avant de prendre sa retraite.
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