Gaston tenait le prospectus entre ses mains :
« Participez à une œuvre historique ! Le premier clonage humain est à portée de main ! Forte rémunération ! Au service de la science, contactez nous au : »
Forte rémunération ! Le jeune homme tout juste majeur vit dans cette expérience un moyen facile de gagner de l’argent. Il appela et un mois plus tard, il subit une ponction de moëlle osseuse et reçut son chèque. Son travail s’arrêtait là et il reprit une vie normale.
Neuf mois et demie plus tard, Gaston trouva une lettre du laboratoire Braincorp à Paris qui l’invitait à se rendre à l’hôpital où il avait été reçu à une date et une heure précise. Inquiet, il s’y rendit en train.
- Ah, monsieur ! C’est pour votre clone ? Je prends votre dossier. Vous ne vouliez pas assister à la naissance, c’est ça. Veuillez patienter en salle d’attente, je vous prie.
Gaston attendit des heures mais tout ce que le secrétaire lui répondit était d’attendre que tout soit terminé. Deux autres personnes attendaient dans la salle mais elles furent rapidement appelées.
Enfin, ce fut son tour.
- Bonjour, monsieur ! Signez là, je vous prie. Merci !
Epuisé, il n’avait pas lu le document en intégralité mais il vit trop tard, le titre « Adoption plénière » du formulaire.
- C’est un garçon comme vous vous en doutez. Comment voulez-vous l’appeler ?
- Euh…
- Vous avez un deuxième prénom ? Même deux ! Alors, Gaston, Fabien, Nicolas. On l’appelle Nicolas, ça vous va ?
- Euh, sans doute.
- Je reviens dans un instant tout s’est bien passé, vous serez bientôt libre !
Soulagé, Gaston soupira, il pourrait toucher son deuxième chèque et oublier tout ça.
- Tenez, je vous présente Nicolas-Gaston, Fabien, votre fils !
- Pardon ? Mais je croyais que vous le donneriez à l’adoption !
- N’avez-vous donc pas lu le contrat ? C’est votre fils légitime, je viens de le déclarer en mairie à l’instant ! Oui, il vous ressemble, regardez, il a vos yeux. C’est vous mais pas vous. Bien évidemment, il y aura un suivi jusqu’à sa majorité et vous serez dédommagé chaque année pour nous permettre de suivre son évolution pour le bien de la science ! Vous pouvez rentrer chez vous avec un bon d’achat pour vous aider à acheter le matériel nécessaire à votre nouvelle vie.
Les années passèrent et Gaston éleva Nicolas-Gaston, Fabien de son troisième prénom comme il pouvait. Mais il ne pouvait s’empêcher de le haïr et de l’éviter au maximum. Sans famille, ni amis, il n’avait heureusement personne à mettre au courant de sa bévue. L’enfant grandit avec l’aide financière de Braincorp qui permettait à Gaston de l’élever correctement. Au fil du temps, il devint rancunier et sauvage car il ne supportait plus son double qui s’il faisait bonne figure en public le lui rendait bien.
- Dire qu’il ne sera majeur qu’à dix-huit ans ! Même en l’émancipant pour qu’il parte à seize ans, je vais devoir le supporter durant dix ans.
Gaston envisagea très sérieusement de commettre un acte irréparable pour se débarrasser de l’enfant mais le garçonnet le surpris dans ses préparatifs. Le regard noir qu’il lui lança lui signifia que l’enfant avait parfaitement compris ce qu’il voulait faire. Désormais, un climat tendu régna dans la maisonnée.
Pour cacher l’existence de son clone, Gaston avait renoncé à tout vie sociale, qu’elle soit familiale ou amicale. Il avait trop honte de son geste et il vivait seul avec son double. Peu à peu, son malaise s’était mué en indifférence puis en haine. Gaston haïssait Nicolas-Gaston qui finit par le lui rendre. Liés ensemble dans leur petit appartement étroit, ils attendaient tous deux la majorité du garçon pour se séparer à jamais.
Ce jour arriva enfin. Tous deux suivaient une psychothérapie pour les aider à supporter cette situation inédite. Braincorp avait décidé de suspendre les expérimentations sur le clonage humain, le bilan physiologique était bon mais le bilan psychologique était désastreux de part et d’autre. Le laboratoire travaillait depuis dix ans sur un protocole d’accompagnement viable.
Gaston fit l’effort d’organiser une petite fête en l’honneur de son clone en signe de réconciliation. Il était entendu que le clone quitterait le foyer dès le lendemain.
- A la tienne, Gaston, mon géniteur, notre collaboration prend fin aujourd’hui même !
- A la tienne, Nicolas-Gaston, je t’aime bien, tu sais. Tu vas presque me manquer.
Ils vidèrent leur coupe de champagne et Gaston se sentit mal.
- Oh, père, tu as aimé mon cocktail champagne-vodka-neuroleptiques-sédatifs ?
Nicolas-Gaston était enfin un individu à part entière.
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