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Pourquoi es-tu triste petite fille ?

Tes larmes aussi rouges que le sang souillent ton visage de poupée et tes cheveux aux reflets argentés. Ta robe jadis immaculée est rouge, rouge, rouge.

Pourquoi pleures-tu petite fille ?

Ta famille est autour de toi, elle ne t’abandonnera pas. Ton cœur se serre de chagrin mais il renferme le souvenir des disparus.

Pourquoi es-tu triste petite fille ?

Tu es à genoux, la tête légèrement baissée comme à ton habitude et tes larmes sont le reflet du sang qui s’échappe des corps de ta famille. Ils sont libres à présent. C’était leur souhait.

Pourquoi pleures-tu petite fille ?

L’éternité est à vous, vous resterez ensemble pour toujours. L’avenir se pare de couleurs chatoyantes alors que le rouge recouvre tout.

Ne sois pas triste petite fille.

Rouge, rouge, rouge, rouge.

Ne pleure pas petite fille.

Le rouge m’entoure.

Ne sois pas triste petite fille.

Il m’envahit, se répand en moi jusqu’à me faire suffoquer. Puis je reprends ma respiration et tout se pare de magnifiques nuances rougeoyantes.

Pourquoi pleures-tu petite fille ?

Tu tends ta main vers le corps de ta sœur parée d’un kimono rose et blanc exquis.

Ne pleure pas petite fille.

Il est rouge. Ma main aussi. Le liquide rouge coule coule coule de ma main et tombe par terre. Plic. Ploc. Plic. Ploc. Mélodie jolie. Vision carmin.

Pourquoi es-tu triste petite fille ?

Tu portes ta main devant tes yeux. Esprit immaculé. Main ensanglantée.

Pourquoi pleures-tu petite fille ?

Tu leur as offert leur rêve, petite fille. Ils sont libres de vivre dans ton cœur à présent.

Ne sois pas triste petite fille.

Rouge, rouge, rouge. Tout est rouge. Je sens les déchirures de mon esprit chatouiller mon cœur apaisé. C’est un moment serein.

Ne pleure pas petite fille.

Mon père, me mère, ma sœur et mes frères baignent dans un liquide rouge qui me recouvre. Leurs visages sont apaisés, ou peut-être ne peuvent-ils plus avoir mal. Rouge, rouge, rouge.

Tu n’es plus triste petite fille ?

Tes yeux deviennent vides petite fille et tu ne ressens plus rien. Entends-tu les échos de leurs rires d’antan dans ton cœur qui se fissure ?

Pourquoi ne pleures-tu plus petite fille ?

Tu le sens, ton cœur qui se fissure, finalement. Le rouge infiltre ces fissures. Comprends-tu ce qu’il s’est passé petite fille ?

Tu n’es plus triste petite fille.

J’essuis mes yeux avec mes mains toutes tâchés et j’étale le rouge sur mon visage sans faire exprès. Ma vision aussi est devenue rouge. Toute, toute, toute rouge.

Tu ne pleures plus petite fille.

Je suis recouverte de ce liquide rouge poisseux à l’odeur désagréable. Je suis toute, toute sale. Maman ne va pas être contente. Mais Maman n’est plus là alors elle ne me grondera pas. Je tire ma robe devant moi pour la regarder. Elle est toute, toute rouge.

Pourquoi es-tu si insensible petite fille ?

Tu regardes ta robe blanche devenue rouge sans ciller. Comprends-tu petite fille ? Tu es recouverte de leur sang, ce précieux liquide vital qui coulait dans leurs veines. Tes yeux sont vides et ton esprit calme, ton cœur en lambeaux résonne du bonheur d’antan mais tu restes sourde à ses plaintes. Es-tu dépourvue de toute conscience, petite fille ?

Tu les as tué petite fille.

Je regarde ma famille allongée par terre dans cet étang de liquide rouge et je souris en entendant leurs voix en moi. Ils ont dit que j’étais trop collante, qu’ils voulaient un peu de liberté. Ils sont libres maintenant, dans mon cœur. Maintenant, maintenant on sera toujours ensemble. Ils ne me quitteront jamais. Jamais, jamais, jamais.


Texte publié par Mary, 6 février 2017 à 18h51
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