Je m’étire en essayant d’ignorer les cris de ma sœur et ses amis dans le salon. Pas que je ne sois pas contente qu’elle fête son anniversaire mais j’aimerais assez pouvoir faire mes devoirs de vacances. Pour une fois que j’en fais. Et mes insomnies n’arrangent rien. Foutus cauchemars. Ouais, ils ne sont pas partis, ça fait plus trois ans que je me les coltine régulièrement. Un autre cri de joie d’une amie de ma sœur et j’abandonne mes devoirs. Au pire, j’aurais une colle lors d’une interro. Ce n’est pas un drame et ma mère s’est faite à l’idée que je ne serais jamais une élève assidue. Andy rattrapera la donne de toute manière, elle adore aller en cours. Jamais compris pourquoi d’ailleurs, vu que ce n’est même pas pour ses amies.
Je prends sac, portable et casquette avant de sortir de ma chambre. Je souris aux petites filles et à l’unique petit garçon (le pauvre ! A cet âge-là c’est vraiment nul de se retrouver entouré de filles ), embrasse le front d’Andromeda en lui souhaitant encore une fois un bon anniversaire et fais la bise à maman.
— Tu as fait des devoirs ? s’inquiète-t-elle.
— Euh, presque tous ? je tente avec un sourire innocent.
Ça la fait lever les yeux au ciel. Elle n’est pas dupe. Mais elle me laisse sortir avec un sourire. Au moins j’ai presque dit la vérité, j’en ai fait… un.
Bon, où est Leïah ? Je sais qu’Oliver visite sa famille dans une ville paumée je-ne-sais-où et Melissa doit être avec sa bande de pouf’. Je ne me vois définitivement pas aller voir le père de Leïah pour demander, il est beaucoup trop sinistre depuis la mort de sa femme. Je comprends parfaitement pourquoi elle préfère dormir chez son petit-ami ou même chez moi. Bref, où est Leïah ? Illumination : mon portable. Où est-ce que j’ai mis cet engin ? Je fouille dans mon sac au moins dix fois avant de me rappeler de la pochette sur le devant. Idiote.
« T’es où ? »
« Tu me sauves, y’a Barbie n°4 qui me tape la discut’ devant le café, près de la bibliothèque »
Bien sûr ! La bibliothèque ! Leïah rime avec bibliothèque. Cette fille doit vénérer les livres, ce n’est pas possible autrement. Personnellement trop de livres me fait péter un câble. Et puis avec le silence on n’est pas du tout amis.
« Je suis là dans cinq minutes, courage ! (c’est laquelle elle ?) »
Je commence à marcher vite, répondant à mes autres messages tout en gardant un œil devant moi. Je suis multitâche ! Merci l’hyperactivité, ça aide. Si je ne fais pas plusieurs choses en même temps de toute manière je deviens ingérable.
« Dépêche parce que si elle me fait encore un exposé sur mon vernis inexistant je craque. (Sais plus, l’amie de l’amie de la meilleure amie de pouf’ n°1 ?) »
Je grogne. Okay, Melissa n’est pas la plus sage des filles du lycée mais pas la peine de l’insulter. Elle est sympa quand même !
« Je suis presque arrivée calme-toi (elle s’appelle Melissa la pouf’ n°1 et l’autre doit être Orlane Duke) »
« Oui oui (m’en fout pour l’une et l’autre, je les aime pas) »
« Je ne rentrerais pas dans ce débat, on va encore s’engueuler sans résultat (tu rates quelque chose, Melissa embrasse bien) »
« Et alors ? Je l’ai jamais embrassé moi. J’aurais trop peur qu’elle me teigne le visage avec son rouge pétasse »
« T’es conne et hétéro (ça explique tout, t’es pas capable de t’imaginer en train de l’embrasser et tu traduis ça par du dégoût ! J’suis trop forte comme psy non ?) »
« Bon tu te grouilles Miss je-suis-bi-je-donne-des-détails-inutiles-sur-nos-camarades-et-je-me-prend-pour-une-psy ? »
« J’ai envie de ralentir mais je suis arrivée, tu m’aimes ? »
« Dans tes rêves »
Un sourire en coin sur les lèvres, je range mon portable, relève la tête et vais sauver ma Leïah d’amour-chérie. Parce que malgré nos disputes sur mes autres meilleurs amis et nos grandes différences on est BF pour la vie. Enfin jusqu’à la prochaine dispute.
Elles sont où ? Ah voilà ! Bah non, ce n’est pas Duke c’était Rebecca Bush. Ce n’est pas beaucoup mieux cela dit. Je mets un bras autour du cou de Leïah avec un joli sourire en direction de Barbie n°4 et dit :
— Salut Bush, je t’emprunte Tempell. Tu m’en veux pas trop ? Non ? C’est trop gentil. Au revoir !
J’embarque Leïah sous le regard surpris de Bush et les rires de mon amie. Je ne comprends pas pourquoi, j’ai été polie non ? Je me tourne vers Leïah et hausse un sourcil avec un sourire.
— Shopping ? J’ai pas de cadeaux pour ma sœur.
— Tu sais que son anniversaire c’est aujourd’hui ?
— Hum hum.
— T’es pas croyable, soupire-t-elle. Allez, faut que je m’achète un nouveau livre de toute façon.
Je lève les yeux au ciel. Ses livres, ses livres, ses livres. J’aime assez lire mais elle a toujours le nez fourré dedans ! A croire qu’elle ne fait rien d’autre ! Ah si… Elle se fait engueul… hum, enguirlander (il faut absolument que j’arrête les grossièretés, maman ne veut pas que je « contamine » Andy, des conneries moi je dis) par son père aussi. Quelle pensée joyeuse. Qu’est-ce que je disais moi ? Ah oui ! Shoppiiiing ! Et j’arriverais sûrement à lui faire acheter un ou deux vêtements plus tendance que son jean et ses sweats. Non pas qu’ils ne soient pas confortables. Juste… un peu plus de féminité !
— C’est même pas en rêve, dit-elle comme si elle avait lu mes pensées. Je n’ai plus d’argent de poche.
— Et alors ? J’en ai moi !
— Non.
— On verra, souris-je de toute mes dents.
— Lacy, j’ai dit non.
— Oui oui, j’ai entendu. Oh ! Cette boutique est pas mal ! fis-je en entrant.
Je salue la vendeuse et vais fouiller près des rayons féminins. J’en sors une jupe que je lui montre mais la repose bien vite devant sa grimace. Il ne faudrait pas tenter le diable non plus.
— C’est pour ta sœur ?
— Non, c’est pour toi.
— J’ai d…
— Je sais t’as dit non, je fais en l’interrompant. Bah moi j’ai dit oui.
— T’es pas croyable toi, se répète-t-elle, me faisant glousser.
— Je suis extraordinaire je sais.
— T’es conne.
— Je te retourne le compliment.
Je la sens exaspérée et j’en souris de plus belle. J’adore ces pseudo-disputes. Pour les spectateurs c’est comme… comme des matchs de tennis ! Ils nous regardent l’une puis l’autre à tour de rôle en essayant de suivre la conversation. Souvent difficile pour les non-initiés et les non-concernés car on peut aller d’un sujet à l’autre sans difficulté. Trop fortes non ? Bref, trouvons de nouveaux vêtements à Leïah. Et un cadeau pour Andy aussi.
Je rentre dans l’appartement deux heures plus tard, un cadeau pour ma sœur dans une main et des achats de dernières minutes. Comme des pommes et des poires. Ces premières doivent certainement être transgéniques vu que ce n’est pas encore la saison mais Andy adore les pommes alors ce n’est pas si grave. Tant que la peau n’est pas recouverte de plastique comme l’année dernière…
— C’est moiii !
— Lacyyyyyyy !! hurle une brunette.
C’est louche. Depuis quand j’ai un accueil aussi hystérique de la part du petit angelot ?
— Tu as mon cadeauuuuuuu ?!
Ah. C’est pour ça. Tout s’explique.
— Peut-être. Tu as été sage ?
— Allez Lacy, c’est pas Noël ! Donne-le-moi !
— Laisse-moi me déshabiller et j’y réfléchirais.
J’enlève mon manteau et mes chaussures pendant qu’elle « boude ». Il suffit de la connaitre un minimum pour savoir qu’elle a beau essayer de toute ses forces elle ne sera jamais une grande rancunière. Je sors son cadeau de mon sac et le cache derrière mon dos. Ouais, c’est très original je sais, elle s’attend pas du tout à ce que je fasse ça… Après tout, je ne le fais que chaque année hein ?
— Bon tu le veux ton cadeau ou tu attends qu’il neige en enfer ?
— Je le veux ! fait-elle en se retournant.
— Quelle main ?
— Euh… La droite ?
Je fais passer le cadeau de la main droite à la gauche et lui montre ma paume vide. Ouais, ça non plus ce n’est pas habituel.
— Raté ! Je garde le cadeau !
— Lacy donne-le-moiiii !
— Non non ! Tu as perdu !
— Mamaaaaaan ! Lacerta ne veut pas me donner mon cadeauuuu !
Ça y est, l’immeuble est au courant que c’est l’anniversaire d’Andy et que même ce jour-là on ne peut pas ne pas faire rager l’autre. Par l’immeuble, je veux dire les rares personnes qui ne sont pas encore au courant malgré les années passées bien sûr. Maman arrive rapidement en me lançant un regard sévère. Je soupire. Roh, ça va ! Ce n’est pas comme si elle ne s’y était pas attendue, on fait ça tous les ans. Et à chaque fois Andy fait une crise. C’est à croire qu’elle perd la mémoire d’une année sur l’autre.
Je lui tends son cadeau avec une moue. Je ne peux pas l’embêter avec maman à côté, c’est la seule adulte au monde entier à qui j’obéis. A peu près. Disons que c’est la seule à ne pas avoir à faire à mon attitude chiante. Ou pas tout le temps.
Je regarde Andromeda déchirer le papier et tenir le collier devant ses yeux. Ce n’est qu’un petit collier en yin-yang mais c’est pour le détail que je l’ai choisi. Au lieu du blanc et noir habituel, il y a un côté bleu et un côté vert. Exactement comme les yeux vairons de ma petite brunette préférée. Yeux que j’ai toujours jalousés par ailleurs. Mais mes cheveux roses (non ce n’est pas ma couleur naturelle, arrêtez de penser aux modifications génétiques) compensent un peu.
Andy le met immédiatement et sautille d’enthousiasme.
— Il est trooop beau ! Merci Lacyyyyyy !!
— C’était un plaisir, je réponds avec une voix pompeuse.
J’entre dans le salon à la suite de maman et m’arrête brusquement, les yeux écarquillés.
— Par les cornes du diable ! Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!
— On ne jure pas dans cette maison. Et ça s’appelle un après-fête d’anniversaire.
— Je n’aurais pas cru des petits angelots capables de mettre un tel bazar…
— Imagine quand c’était des diablotins…
— Je plaide coupable, je réponds en grimaçant.
On commence à ranger, la soirée continue et se termine sur des notes joyeuses et pleines de bonne humeur. Avec un repas de fête, s’il vous plait ! On est assez aisées pour se permettre ce genre d’extra de temps en temps. Et lorsque je me couche, j’ai un sourire aux lèvres et j’espère pouvoir dormir tranquillement. Bel espoir. Vain surtout.
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