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tome 1, Chapitre 13 « Set the roof on fire - I » tome 1, Chapitre 13

Note de l'auteur :

Le chapitre I a connu de grosses mises à jour, suite aux critiques très constructives que j'ai reçues sur une autre plateforme. Il est donc possible qu'une relecture depuis le début soit bénéfique aux anciens lecteurs. Désolée pour la gêne occasionnée !


C H A P T E R 2 – Set the roof on fire

◢ PART - I ◣

Province d’Orsei – Mégapole de Nacir, palace du Gouverneur.

Un goujat doublé d’un fat, voilà ce qu’était cet homme ! Ruminant sa colère, Red marmonnait et grinçait des dents telle une âme aigrie, lorsqu’il réalisa s’être égaré. Quelle direction prendre pour rejoindre l’aile attribuée à la délégation royale ?

Toute son énergie avait été consacrée à s’éloigner des appartements de ce vaurien de gouverneur. La première ouverture lui avait été salutaire, l’autre était sur ses pas. Il s’était hissé avec agilité sur la terrasse au-dessus avant de déclencher sa dissimulation. Il pensait retrouver son chemin de mémoire, mais force lui était d’avouer qu’il avait perdu ses repères. Se traitant de sot, Red reprit son errance. Cette galerie d’arcades conduisait bien quelque part…

Peu à peu, la beauté de l’architecture le détourna de son aigreur. Il n’avait pu jouir d’une visite des lieux. Ses hérauts avaient devancé d’une journée leur délégation, afin d’annoncer la venue de l’émissaire royale. À leur arrivée les attendait un banquet. Le temps de se rafraîchir, d’investir leurs quartiers et de se changer, il était déjà l’heure de déployer ses Prêtresses Vestis officiant en danseuses. À présent, Red avait tout le loisir d’admirer la splendeur des environs, à une heure tardive justifiant les couloirs déserts.

La galerie intérieure ouvrait sur une cour à sa droite. À sa gauche, elle donnait accès à quelques appartements. La minutie apportée au relief des piliers témoignait d’un beau savoir-faire. Les bâtisseurs pouvaient se glorifier de leur sens du détail. La symétrie quadripartite des voutes en ogive apportait une belle profondeur aux coursives.

Le style était un métissage typique de la région, qui empruntait à l’architecture orientale du royaume de Sandres. Le palace sentait le rénové. Le maître du domaine avait donné un coup de jeune au legs de ses aïeux. Red dut reconnaitre à Dean Leblanc un goût exquis. Partout où se posait son regard, il voyait du raffinement sans ostentation.

Les grandes toiles et tentures aux murs ne racontaient pas les batailles des légendaires Guerriers Whites, comme on s’y attendrait. On se surprenait à contempler des paysages floraux et animaliers, joliment mis en scène et représentés avec une telle virtuosité, qu’ils renvoyaient l’illusion de fenêtre ouverte sur une prairie sauvage. Ces peintures inspiraient un sentiment d’évasion.

L’ébahissement de Red laissa place à une curieuse émotion, quand il reconnut la signature de l’artiste au bas d’une toile. D. L. Leblanc. On n’allait pas lui faire croire que l’œuvre était de ce barbare ?! D. était aussi l’initiale de Dan, frère du gouverneur… Se sentant ridicule de nier à ce dernier une sensibilité artistique, Red soutint néanmoins que cela restait difficile à concevoir venant d’un rustre.

Il ne voulait pas lui reconnaître un tel talent, par équité envers le commun des mortels. Les dieux ne s’étaient-ils pas montrés trop généreux avec cet homme qui possédait déjà tout ? Charisme, fortune, foi de son peuple, et maintenant ça ! Un don d’illustrateur, de peintre. Non qu’il soit envieux…

Pour éviter de donner consistance au spectre de jalousie qui lui nouait l’estomac, Red s’attarda sur la qualité du mobilier. Leur belle facture témoignait des échanges commerciaux avec le bastion de TarN. Le bois y était une matière première savamment domptée.

Au nord-ouest de la province, TarN tirait profit de sa proximité avec la forêt de Zelen et les carrières de granite de la chaine montagneuse des Vyrez. Durant leur escale, Red avait découvert une ville fortifiée, véritable chien de garde d’Orsei. Une armée viendrait difficilement à bout de ses remparts impressionnants.

C’était une constante en ces contrées. Après TarN, toutes les cités sur la Route Royale savaient se changer en place forte. Izy et Miry, bien plus petites, avaient pourtant été construites pour supporter un siège éprouvant. Leurs fortifications étaient presque dissuasives. Le façonnage de la roche cristalline tirée des mines et carrières des Vyrez semblait être leur spécialité.

Rien d’étonnant donc à ce que Nacir soit dotée de son armure de granite, qui réussissait la prouesse d’être aussi esthétique qu’intimidante. Cette fois, Red ne pouvait nier qu’il en était envieux. Avec sa position reculée, protégée par de nombreux obstacles naturels et des villes fortes, la capitale d’Orsei avait le temps de voir venir la moindre attaque du nord et se préparer en conséquence.

Pour éviter le bastion de TarN, il faudrait couper par la forêt. On deviendrait alors la proie d’adversaires natifs de la région, au fait des secrets de cette densité verte. Seul un chef militaire inconscient, aux abois ou disposant d’hommes aux aptitudes exceptionnelles, s’y risquerait. Car une fois la Zelen franchie, attendrait l’épreuve du lac Hapnes.

L’étendue aqueuse était suffisamment grande pour que sa berge opposée ne soit visible qu’au moyen d’une longue-vue. Cet obstacle laissait aux garnisons de TarN, Vair et Lakeis, le loisir de prendre les assaillants en tenaille. De quoi justifier la raréfaction des conquêtes menées contre le fief des Whites. Ici la paix régnait depuis des siècles. Toute annexion était décourageante, et les gouverneurs s’en gaussaient. Au point de développer l’orgueil de défier des rois ! rumina Red avec amertume.

Dépité, il se demanda comment, de sa contemplation de l’architecture, était-il passé à des plans tactiques de guerre. Que cherchait à lui dire son inconscient ? Ce n’était pas comme s’il nourrissait le dessein de soumettre Dean Leblanc par la force. Ce ne serait non seulement pas la plus avisée des solutions, mais il y avait aussi d’autres priorités à gérer.

Hélas, Red ne parvenait pas à s’arracher de l’esprit l’idée éprouvante que cet individu arrogant le… désirait ! Cet homme le convoitait comme d’autres avaient envie d’une femme. Cela n’aurait pas dû le mortifier, encore moins l’effaroucher, puisqu’il n’ignorait pas nourrir les fantasmes de sa cour. Il lui apparut alors qu’on ne lui avait jamais directement fait part de cette concupiscence. Personne au palais de Rubis n’oserait se montrer aussi franc et impertinent avec Le Grand Red.

— Acceptez de me combler cette nuit, et je suis votre homme.

Qui s’essayerait seulement à soumettre une telle demande ? Dean Leblanc s’adressait à lui comme à un égal. Il y avait là quelque raison d’être outragé. Du moins, la situation était déstabilisante. Le gouverneur lui avait donné du « Majesté » mais à aucun moment ne s’était considéré inférieur par la naissance et le rang. Il avait défié sans crainte son seigneur et souverain !

Red réalisa qu’il grinçait à nouveau des dents. Sa colère l’aveuglait tant qu’il ne vit qu’au dernier moment l’homme qui venait à lui en toute hâte, les bras chargés.

— Majesté !

Il reconnut son émissaire. L’imbécile soupira de soulagement, inconscient de sa bourde.

— Pourquoi donnes-tu du « Majesté » à une danseuse ? l’admonesta-t-il d’un ton sourd.

Julian regarda vivement par-dessus son épaule puis bredouilla une formule d’excuse.

— P-pardonnez ma balourdise, votre…

Le regard acerbe du roi le fit taire. L’ambassadeur se répandit cette fois en excuses silencieuses, enchainant révérences maladroites sur révérences maladroites, autrement dit : bévues sur bévues. Red eut envie de le claquer.

Il balaya du regard les environs. Ses déambulations l’avaient mené à l’entrée d’une cour intérieure carrée, au centre de laquelle s’érigeait une fontaine à l’effigie d’une créature sibylline vêtue de façon légère, et d’un petit garçon. La femme renversait l’eau de sa jarre par inadvertance, en voulant redresser le broc que portait l’enfant avec maladresse.

Red fut convaincu qu’il s’agissait de son fils. Le sentiment que le visage de la mère avait été sculpté avec beaucoup d’amour l’assaillit. L’être de marbre blanc débordait d’une affection maternelle qui lui serra les entrailles. N’étant pas en terrain conquis en ces lieux, il jugea l’émoi malvenu. Toutefois, sa contemplation l’apaisa un peu, bien que le cœur de son ire soit toujours bouillonnant. Cela ne risquait pas de refroidir avec un sujet aussi empoté !

— Qu’y a-t-il, Julian ?

— On vous cherche désespérément partout.

— Pourquoi cela ? N’ai-je point été clair ?

Il ne voulait aucune escorte. Son Cordon Rouge, déguisé en simples gardes, ainsi que les Prêtresses Vestis, avaient reçu les mêmes ordres. Avait-on déjà vu une danseuse se faire accompagner de soldats pour rejoindre le lit d’un courtisan ? Il n’allait pas ruiner son subterfuge à cause de l’inquiétude de ses hommes. Il savait se défendre, n’en déplaise à chacun d’eux.

Il relégua aux oubliettes de son esprit sa défaite contre Dean. Le duel n’avait pas été équitable, trop de choses jouaient en sa défaveur. Il n’avait su dire si son corps désirait se laisser dominer ou se sortir de l’étreinte du barbare…

— Vous mettre à désespérément me chercher partout est la meilleure façon d’alarmer tout le monde.

Il voyait leur tête d’ici. La mine angoissée, l’œil fébrile parce que sa Majesté était introuvable. Julian eut la décence de paraître embarrassé. Mais sa gêne lui sembla étrange.

— Allons, que se passe-t-il ?

— Eh bien, c’est-à-dire que…

L’ambassadeur hésita. Red s’impatienta.

— Parle, Julian !

— C’est délicat, Ma… prima.

Ce fut rattrapé in extrémis. Au comble de l’exaspération, Red maudit l’homme. Comment avait-il pu choisir cet individu pataud comme porte-voix ?! Sans doute qu’un émissaire du roi, en mission, n’officiait pas en présence dudit roi. Mais tout de même ! Il attendait de Julian un peu plus de débrouillardise.

Peut-être lui en demandait-il beaucoup, se ravisa-t-il, à la pensée que le malheureux n’était pas habitué à gérer un roi qui déambulait un peu partout attifé en danseuse. Néanmoins, cela n’excusait pas le manque de jugeote. Lancer un « Majesté ! » en territoire ennemi…

La menace inadmissible de Dean Leblanc de scinder Maar en deux n’était pas à prendre à la légère. Cependant, une part de lui voulait la considérer comme un vulgaire chantage accompagnant des avances déplacées. Une vile manière de lui forcer la main. C’était une fourberie à laquelle il se devait de répondre, et vite. En aucun cas, il ne laisserait à l’infâme la possibilité de lui prouver qu’il avait tort de prendre cette menace pour une simple tentative d’intimidation.

— Vas-tu parler ? Ma patience est limitée. Que juge-tu si délicat que tu ne peux m’en faire part ?

— Pardonnez-moi, votre Grâce… Il s’agit des dires du gouverneur.

Face à son embarras coriace, Red soupira. Son irritation décida Julian à cracher le morceau.

— Son prompt retour au banquet a été surprenant. Les siens ont poussé la curiosité de façon discourtoise, et il n’a pas paru gêné de leur donner satisfaction.

Red grinça des dents. Pour tous les convives, le gouverneur prenait du bon temps avec la prima Nior. Le manque de discrétion avec laquelle Dean l’avait convoité était devenu un sujet de conversation prisé à la réception, partant du fait que ce n’était pas dans les mœurs du maître des lieux de revendiquer si ouvertement une femme désirable. Ce soir sortait de l’ordinaire. Difficile à croire quand Dean avait tout du tombeur de ses dames.

— D’après lui, il semble que vous… soyez « indisposée ». Vos lunes vous auraient rattrapée. Il met cela sur le compte de l’angoisse et de la fatigue du voyage. Ce qui l’a refréné dans ses projets vous concernant. De gêne, vous lui avez échappé.

Julian marqua une pause pour reprendre son souffle et conclure :

— Vous comprenez ma… perplexité, ma prima.

Red vit rouge. C’était probablement le cas de le dire. Ainsi, selon le rustre, il – enfin, elle – avait ses menstrues ? Il allait saigner ce porc ! Là encore Dean le devançait. Cet ignoble personnage donnait des coups d’une bassesse écœurante. On avait tant fait l’apologie de l’éthique guerrière White qu’il en était certainement venu à idéaliser cet homme, qui, hélas, se battait avec la sournoiserie d’une femmelette !

Devant le silence du roi, Julian tenta de combler le vide.

— On s’est mis en quête de vous retrouver quand le gouverneur l’a expressément ordonné. Il craint pour votre santé et nous a chargés de vous transmettre qu’il n’est pas contrarié. Même si les nuits sont douces par ici, votre tenue légère ne vous met pas à l’abri de courants d’air. Il se fait du mouron pour vous.

— Mouron de mes fesses ! éructa Red, hors de lui, oublieux de son titre.

Son embarras à son paroxysme, Julian termina ses explications.

— Une poignée de convives s’est lancée à votre recherche. Dans la foulée, les prêtresses ont proposé de jouer à « attrape-moi si tu peux » dans tout le palace. Avec l’approbation du gouverneur, elles ont entraîné encore plus de monde à votre recherche ! dit-il d’un ton réprobateur.

Red retint un sourire.

— Elles restent efficaces.

Le jeu était une diversion qui, non seulement dérouterait les convives, mais détournerait aussi leur attention des gardes qui le cherchaient plus activement. Il disposait désormais d’une fenêtre de manœuvre pour tenir un conciliabule, sans que l’absence de qui que ce soit n’éveille des soupçons.

Perplexe, Julian nota que cela n’avait pas l’air de mettre le roi en rogne. Il haussa mentalement les épaules. Pour son propre bien, il était recommandé de ne pas chercher à déchiffrer les desseins de cet individu, ni d’essayer de lire les intentions de ces femmes supposées dévouées au Culte de Vestis.

— Tenez, ma prima.

Il déplia la longue cape de velours sombre qu’il tenait et en revêtit les épaules du roi. Red l’ajusta pour ne pas marcher sur la traine. Il ordonnait à Julian de le reconduire à leurs quartiers quand une femme à l’approche gronda :

— Vous voilà enfin ! Sauf votre respect, je n’obéirai plus à une seconde directive de cet acabit, prima Nior.

Red sourit de sa contrariété.

— Loup… Ton odorat laisse à désirer, si tu n’as pu me flairer avant Julian.

La capitaine de sa garde grogna.

— Ce n’est pas le moment de plaisanter. Et il n’a aucun mérite, si l’on considère que c’est sur mon injonction qu’il s’est muni de votre cape avant de jeter un œil…

Sur une phrase en suspens, Lou-Ahn se tourna vivement. Elle fronça les sourcils pour mieux focaliser dans la pénombre. Soudain tendu, Red suivit son regard. Les ombres portées du faux couloir qui s’ouvrait sur la cour dansèrent à la lueur des rayons de lune.

— Fausse alerte, marmonna Lou-Ahn.

Elle avait cru sentir une présence l’aiguillant sur un Dissimulateur, mais avec le vacarme d’une fête dans les environs, elle pouvait se tromper.

— Allons-y.

Elle ordonna à Julian d’ouvrir la marche et garda les arrières du souverain.

*

L’obscurité qui l’avait accueillie n’avait jamais été aussi bienveillante. La femme se demanda que penser de cette étrange conversation. Une prima Nior qui donnait des ordres à un garde… Des prêtresses qui se faisaient passer pour des danseuses… Et ses oreilles ne l’avaient pas induite en erreur, l’ambassadeur du roi avait dit « Majesté ». Le Grand Red était au palace, accompagné de ses Prêtresses Vestis !

Le cœur de Sonia battait la chamade. Elle se sentait à un tournant de son destin. Et elle se damnerait que de laisser passer une telle chance. Aussi se dépêcha-t-elle d’emprunter un couloir dérobé. Son époux devait avoir vent d’une telle affaire. On n’en attendrait pas moins d’une bonne compagne soumise.

Cependant, si elle se targuait d’être une bonne épouse, une White ne pratiquait pas la soumission. Le couloir dissimulé ne menait pas aux appartements de l’oncle du gouverneur mais aux quartiers alloués par ce dernier à la délégation royale. Royale, elle l’était bien ; elle ne venait pas que nanti du sceau du roi, elle amenait carrément le roi !

Après le prince David, Le Grand Red en personne. Il n’était plus question qu’elle soit tenue à l’écart. Le cœur de Sonia chantait de jubilation et de crainte. Ce qu’elle s’apprêtait à faire pourrait lui coûter sa tête ou lui valoir une place à la tête de « quelque chose ». Seulement, en cas d’imprudence la sanction serait son lot, et si elle tirait son épingle du jeu, la récompense reviendrait à son époux. Le titre pompeux irait à James. Cette injustice maariane l’avait toujours horripilée.

Mais l’heure n’était pas à l’indignation ; plutôt à la prudence. La vigilance de la soldate avait failli avoir raison de son cœur qui palpitait d’excitation et de frayeur mêlées. Une sensation bien plus euphorisante que les étreintes de son vieil époux. Pour se donner bonne conscience, Sonia allait se convaincre d’agir par dévouement conjugal.

TBC - part 2


Texte publié par EPICE, 17 juin 2017 à 18h49
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