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Baboum... Baboum... Les premières notes de ma composition résonnent, une symphonie pour percussion sourde et orchestre d'émotions, de sensations. Le rythme est encore calme, tout en mesure. L'espoir l'habite encore : il croit en une issue, son salut. Peut-il seulement imaginer la sombre bête affamée, impétueuse, insatiable qui s'empare déjà de mon âme, l'émiette, la grignote ? Il lui faudra bien plus que mon être pour la satisfaire... Le sera-t-elle même un jour ?

Dabadoum, dabadoum... Il a compris. La réalité, cruelle évidence, lui a sauté au visage : il ne verra point l'aube se lever. Un pincement à ce qui me tient lieu de cœur me ferait presque penser que j'ai un quelconque regret. Cela n'a aucun sens... Je suis un chasseur né, des proies telles que lui j'en ai dévoré plus que je ne pourrais m'en souvenir. Et justement, il est temps d'en ajouter une prochaine sur ma liste. Mon être plaqué contre son corps, le mur dans son dos, il n'a aucune échappatoire possible. Il le sait, je le sens dans les battements de son cœur. La vie tressaute, s'affole sous sa peau si chaude, sur mes lèvres si froides. Je me suis toujours jetée avec passion sur mes proies, cependant avec celle-ci je prends mon temps. Une envie subite de la savourer davantage ou une hésitation incompréhensible ? Pourtant la faim hurle en moi, me déchire les entrailles, me brûle la gorge.

La tiédeur du sang vient enfin apaiser le feu impétueux. Je n'ai pas même senti mes crocs s'enfoncer dans sa chair sucrée. C'est ainsi que la chasse se passe : la faim me submerge jusqu'à ce que le flot tiède et métallique me ramène à la raison. Je hais le goût du sang, et plus encore les fragments de souvenirs et de sensations qu'il charrie. Assister au spectacle amer de ce qu'étaient ces existences avant que je ne les réduise à néant est le châtiment que les dieux ont choisi pour l'être abject que je suis. Déjà, je me sens glisser à l'intérieur de cette vie qui s'éteint mais je ne lutte pas. Je sais que ce cauchemar prendra fin avec le lever du jour. Il me l'a promis. Nous ne nous quittons que le temps de satisfaire la bête. Jusqu'à ce que l'aube se lève...

~*~

Ma vie avait quelque chose de doux et d'inconfortable à la fois. Bercé dans le cocon familial, il m'avait toujours tardé de grandir, de partir. J'avais tout fait pour poursuivre mes études le plus loin possible de ma ville natale, sans trop comprendre ce qui me poussait à fuir ainsi. A présent, je le sais. J'en suis même certain. C'est parce que toute ma vie, je l'ai cherchée. Et elle est là. Devant moi. Enfin.

En vérité, ce n'est pas la première fois que je la vois. Sa démarche souple, son sourire charmeur, ses longs cheveux bouclés qui semblent miroiter au soleil... Je la croise parfois sur le campus et, à chacune de ses apparitions, mon cœur s'emballe. Elle m'envoûte, m'hypnotise. Je ne peux lui résister, je finis toujours par la suivre. Oh, jamais très longtemps. Juste un peu. J'adorerais avoir le courage de l'aborder, comme le font tous ces étudiants, mais ce n'est pas possible. Je n'ai rien de ces apollons qui trouvent grâce à ses yeux...

~

Il est tard. Je n'aime pas trop traîner dans ces quartiers à cette heure. Les jeunes de mon âge fréquentent souvent ces bars mais l'alcool génère bien plus de bagarres que de fêtes... Et c'est justement pour ça que je suis là... Pour Elle. L'homme qu'elle a suivi jusqu'ici n'a pas les intentions d'un gentleman, je l'ai tout de suite vu dans son regard. Je ne voudrais pas qu'il lui arrive malheur... Ils tournent dans une ruelle sombre. Mon cœur s'accélère. Il n'y a rien par là. Rien de bon en tout cas. Je presse le pas et me mets à courir lorsque j'entends du chahut et un éclat de voix.

– Eh !

J'ai crié avant de penser à ce que je faisais, et maintenant ils me regardent tous deux, aussi surpris l'un que l'autre. Je me sens rougir.

– Désolé... J'ai cru que... Tout va bien ?

Non, tout ne va pas bien, je le réalise soudain. Il a l'air aussi terrorisé qu'elle paraît furieuse. Qu'ai-je interrompu ? L'homme profite de ma diversion pour déguerpir sans demander son reste, tandis qu'elle donne un coup de pied rageur dans une canette qui traîne par terre.

– Désolé. J'ai cru qu'il... J'ai cru que vous aviez besoin d'aide...

Cette fois, elle me regarde avec des yeux ronds et part dans un grand éclat de rire. Le son est cristallin et pourtant c'est le rire le plus triste que je n'aie jamais entendu.

– Tu es bien trop gentil, tu ne m'intéresses pas. Va-t'en avant que je ne change d'avis.

J'hésite. Ses mots sont clairs pourtant ses yeux implorent de l'aide, mon aide.

– DEGAGE !

Toute sa douleur me saute à la gorge, me glace le sang. Mon cerveau semble gelé, mon corps réagit seul. Je fuis à toutes jambes et ne m'arrête qu'une fois le verrou de ma porte mis.

~

Accroupi au coin d'une ruelle, dos appuyé au mur et menton posé sur les genoux, j'attends. J'ai pris cette habitude de la suivre les soirs où je l'aperçois en ville. A force, je commence à connaître ses lieux de prédilection, le calendrier de ses sorties... son secret... En vérité, je n'en ai découvert presque rien. Je ne m'aventure plus à intervenir, à l'instar de cette fameuse nuit, me contentant de tendre l'oreille pour m'assurer que tout va bien. Mais rien ne va. A chacune de ses sorties, elle laisse un homme différent la mener à l'écart du bruit, de l'agitation, de la vie. A chaque fois, je ne perçois qu'un faible remue-ménage puis le silence règne en maître. Alors vient le moment que je déteste : le temps de la lamentation. Elle pleure et gémit pendant d'interminables minutes avant que le silence et la nuit n'effacent toutes traces de son existence, et de celle de son compagnon. Comme si rien ne s'était jamais produit. Comme si je n'avais suivi qu'un mirage.

Ce soir encore, elle pleure. Et je ne peux rien faire d'autre que de l'écouter, de loin. Sa détresse a quelque chose d'effrayant, de menaçant. Chaque fois que j'imagine la rejoindre pour la consoler, comprendre ce qui la blesse tant, mon cœur s'emballe et mon corps se fige, se couvre de sueurs froides. Elle me terrifie autant qu'elle m'attire mais je ne sais pourquoi. Ce soir pourtant, il y a un je-ne-sais-quoi de différent. Son désespoir a un arrière-goût d'abandon. Je ne peux expliquer comment pourtant j'en suis convaincu : si je ne fais rien à cet instant, jamais plus je ne la reverrai.

L'idée de la perdre est plus forte que la peur qu'elle m'inspire. Avant que je ne réalise ce qui se passe, je suis à ses côtés et la serre dans mes bras. Elle sursaute et tente mollement de me repousser mais son geste manque de conviction. Sans vraiment y penser, je nous berce doucement, caressant ses cheveux. Un instant de tendresse incroyablement déplacé dont je savoure chaque seconde comme autant d'éternité.

~

– Tu ne devrais pas faire ça... Me suivre de cette façon... C'est dangereux... Si jamais je...

Elle s'interrompt et détourne le regard le temps que la serveuse dépose nos deux cafés sur la table. Cette dernière m'adresse un petit sourire et repart s'occuper dans la salle déserte. Ce n'est pas la première fois qu'elle nous voit ici, tous les deux. En vérité, elle nous sert la même commande, toujours plus ou moins à la même heure, un soir par mois. A chaque chasse de la bête... Claudia n'a jamais été capable de m'expliquer ce qu'elle est mais j'ai fini par le découvrir. A la suivre ainsi à chacune de ses sorties, j'ai repoussé peu à peu les limites de la peur viscérale que sa détresse m'inspirait. D'abord en venant la consoler, puis en aventurant un regard au premier chahut. Cette nuit-là, j'avais eu envie de prendre mes jambes à mon cou, ou de me pincer pour vérifier que je ne cauchemardais pas. Pourtant, quand elle s'était laissé glisser au sol, submergée par sa douleur, je m'étais précipité à ses côtés comme si rien d'autre ne comptait. Et c'est bien le cas, en vérité. Je me fiche de ce que la bête peut faire d'elle une nuit par mois : la Claudia qui vit le reste du temps s'est emparée de mon cœur depuis longtemps.

– Eh, tu m'écoutes ? Je ne plaisante pas ! Qui sait ce qui pourrait t'arriver ? Imagine que le... enfin le... que le gars s'enfuit... Tu serais juste à côté et moi, je ne peux rien contrôler... Je n'ai pas envie te faire de mal... Tu as été tellement gentil avec moi...

Elle a toujours l'air si triste... si seule. J'ai parfois l'impression qu'une éternité à la serrer dans mes bras ne serait jamais suffisante pour panser son âme lacérée.

– On devrait s'installer ensemble...

Elle manque s'étouffer avec son café et je ne peux que lui offrir mon sourire le plus innocent.

– Tu as entendu ce que je viens de te dire ?! C'est hors de question ! Tu es fou... complètement fou...

– Oui, fou de toi.

Mon cœur s'emballe à chaque fois qu'elle rougit.

~

Je resserre mon étreinte et l'embrasse sur le front, inspirant longuement l'odeur de ses cheveux. Dans mes bras, je la sens tendue et je n'ai nul besoin de voir son visage pour la savoir au bord des larmes.

– Tout ira bien, Claudia. Je t'attendrai ici. Souviens-toi, ce n'est que pour cette nuit. Une sortie de la bête, seulement jusqu'à ce que l'aube se lève...

Elle hoche la tête contre mon torse, silencieuse. Je l'entends renifler discrètement et ses épaules tremblotent sous mon étreinte. Je resserre mes bras autour de sa détresse et enfouis mon nez dans sa chevelure.

Lorsque ses sanglots muets se calment, je m'écarte d'elle pour plonger mon regard dans le sien, les mains encadrant son doux visage.

– Jusqu'à ce que l'aube se lève, c'est promis.

Mais elle détourne les yeux. Chaque mois, le départ pour la chasse est plus dur que le précédent...

– Dis-le, s'il te plaît...

Elle pousse un soupir résigné et marmonne d'une voix cassée.

– Jusqu'à ce que l'aube se lève...

Je lui offre mon plus doux sourire.

– Ne l'oublie pas : tu n'y es pour rien. Tu dois te nourrir, comme tout être humain.

Elle déteste m'entendre dire cela, je le sais bien. Mais la colère que ces mots lui inspirent à toutefois l'avantage de la sortir de sa léthargie et lui donne la force nécessaire pour me quitter.

– Le jour où manger ton steak t'obligera à revivre la vie de la vache abattue, on en reparlera !

Et voilà, elle a claqué la porte. Je souris. Au moins n'est-elle pas partie la mort dans l'âme, aujourd'hui.

~

Le ciel est cotonneux et nous offre une pluie de flocons tandis que la cloche de la chapelle salue à sa manière ce jour si particulier. Un jour tout simplement parfait. Claudia est resplendissante dans sa robe blanche et elle n'a de cesse d'admirer l'anneau gravé, brillant à son doigt. Jusqu'à ce que l'aube se lève est devenu, au fil des années, la promesse de nos retrouvailles après la chasse de la bête. C'est à présent le témoin de notre union éternelle. Le seul en vérité. Claudia étant ce qu'elle est, elle a toujours refusé que je la présente à ma famille et je ne lui connais aucun parent. Mais qu'importe : notre bonheur est pour nous seuls et il demeurera notre secret.

Je savoure l'une de ces rares occasions où le sourire de Claudia gagne jusqu'à ses yeux. Un rayon de soleil, une bulle de joie partagée. Point de tristesse, point de remords, point de douleur. Aujourd'hui, il n'y a nulle place dans son esprit pour la bête et ce qu'elle lui fait subir. Aujourd'hui, Claudia est à moi. Toute à moi. Je suis l'époux le plus heureux que cette planète ait jamais porté. Et pour ce sourire de ma chère Claudia, je suis prêt à tout !

~

L'aube pointe à peine à travers les volets de la chambre. Il me faut quelques instants pour réaliser que c'est le bruit de la douche qui m'a réveillé. Je souris et me glisse hors des draps pour me faufiler jusqu'à la cuisine. Ma chère Claudia était au plus mal lorsqu'elle m'avait quitté la veille. Ce mois-ci, elle a tenu trois jours avant de devoir finalement céder à la bête. Je n'aime pas la voir lutter ainsi contre cette part d'elle-même, se priver, à se rendre malade, du seul aliment qui lui est vital. Mais je ne peux lui reprocher d'essayer. Je ne sais que trop bien à quel point chaque chasse est une torture pour elle. Je ne pourrai jamais qu'imaginer l'horreur que ce doit être de partager les souvenirs de la vie qui s'éteint entre nos mains...

Le café et les toasts sont prêts, pourtant, dans la salle de bain, l'eau coule toujours. Inquiet, je m'avance à pas de loup jusqu'à la porte close. Il me faut un moment pour le percevoir au milieu du clapotis de l'eau mais j'en suis certain à présent : Claudia pleure. Je découvre vite que le verrou est mis, heureusement une fente de ce côté-ci de la porte permet de l'ouvrir avec un tournevis... ou le bout arrondi d'une lame. Ce n'est pas la première fois que je dois forcer ma propre salle de bain armé de mon fidèle couteau à beurre.

Claudia est recroquevillée sous la douche, les épaules tressautant sous l'assaut des sanglots. Elle ne m'a pas entendu entrer et ce n'est qu'une fois l'eau coupée et enroulée dans une serviette tiède et moelleuse que je peux enfin voir son visage, croiser son regard. Mais ce que je vois me fend le cœur. Jamais je n'ai vu d'yeux plus vides que ceux de mon amour à cet instant. Sa voix se brise lorsqu'elle ouvre finalement la bouche.

– C'est le dernier. C'est fini. Plus jamais je ne prendrai une autre vie...

~

La cuisine n'est pas un refuge suffisant mais au moins puis-je m'occuper les mains à défaut de l'esprit. Voilà dix jours que Claudia s'est enfermée dans notre chambre, avec ma complicité. Elle hurle, menace, insulte, pourtant rien n'y fait. Elle m'a fait promettre de n'ouvrir qu'une fois par jour, lorsqu'elle est au plus calme, et uniquement le temps de lui glisser un plateau-repas. Bientôt, ses hurlements céderont la place à ses gémissements, ses supplications. Seulement après vient ce moment de léthargie, où son épuisement est tel qu'il me donne l'opportunité d'entrer.

Malgré toute sa volonté, elle ne pourra poursuivre longtemps ainsi, j'en suis convaincu. Elle s'amaigrit à vue d'œil, ne dort plus... C'est à peine si elle me reconnaît et m'adresse quelques mots lors de notre entrevue quotidienne. Je ne peux supporter de la voir s'éteindre peu à peu. Je ne peux être plus longtemps l'artisan de sa perte. Mais que puis-je bien y faire ?

Aïe...

Je porte mon doigt à ma bouche. Voilà ce que c'est de manier un couteau sans y prêter attention... Le goût métallique de mon sang se répand sur ma langue. Est-ce cette saveur étrange qui plaît tant à la bête ou bien la perçoit-elle autrement encore ? Avant que je ne me perde dans cette réflexion, une idée me frappe. Est-il possible d'apaiser cette part inhumaine sans pour autant prendre la vie de sa proie ? Quelques gouttes pourraient-elles suffire pour étancher sa soif au moins un moment ? Cela vaut la peine d'essayer. Peut-être ma chère Claudia sera-t-elle moins affectée par les souvenirs portés dans le sang si elle n'aspire pas les derniers fragments de vie de sa victime... Peut-être sera-t-elle moins affectée s'il s'agit de mes propres souvenirs... Après tout je n'ai rien à lui cacher. Résolu, je presse mon doigt blessé au-dessus de la tasse de café fumante. Combien de gouttes seraient nécessaires pour que cela fonctionne ? Je n'en ai pas la moindre idée et l'interruption du flot vermillon tranche pour moi. Le silence est retombé, il est temps de tenter ma chance.

La chambre est sens dessus dessous, les rideaux déchirés, les coussins éventrés. La bête passe ses nerfs sur le mobilier à défaut de se jouer d'une nouvelle proie. Il me faut quelques secondes pour trouver ma pauvre Claudia, roulée en boule dans un coin de la pièce, son regard vide me traversant sans me voir. Je chasse les larmes qui voudraient envahir mes yeux et pose le plateau près de mon amour. Doucement, je lui parle, la console, la rassure, tout en la redressant. Enfin assise, je souffle sur la tasse de café avant de la porter à ses lèvres. Tout de même méfiant, je me tiens prêt à sortir de la pièce si jamais le sang caché dans la boisson venait à déchaîner la bête. Claudia plonge son regard absent dans la surface noire et boit sans la moindre réaction. Jusqu'à ce que ses pupilles se posent à nouveau sur moi. Un éclat froid les habite.

Mes poumons se vident sous le choc du mur dans mon dos. Comment ? Je ne l'ai pas vue bouger. Je n'ai pas même senti le mouvement de mon propre corps !

– Claudia, c'est moi... Je sais que tu peux lui résister... J'ai confiance en toi, tu ne me feras pas de mal...

Mais je comprends vite mon erreur. Ce sourire carnassier et, dans le regard, cette promesse de mort, ma mort... Ce n'est pas ma Claudia.

Mon pauvre amour, je te demande pardon...

~*~

Je t'aime...

J'émerge de ma transe avec l'écho de cette dernière pensée. Encore... Je n'en peux plus. Ne m'étais-je pas promis de mettre fin au massacre ? Sur mes genoux se dispersent les cendres de ma nouvelle victime, derniers vestiges de ce que fut ce pauvre être. Qui était-il ? Non, je ne veux pas le savoir. Je chasse au loin les visions de cette vie à jamais disparue. Je veux rentrer, retrouver les bras de mon amour, voir l'aube à nouveau.

Je remarque seulement que la pièce m'est connue. Elle est dans un état invraisemblable mais il s'agit bien de notre chambre. Je ne comprends plus. Tout s'embrouille dans mes pensées.

– John ?

Je me redresse, chancelante, les jambes engourdies par ma position statique. Quelque chose de terrible s'est produit ici. J'en ai la conviction.

– John !

Mon cœur tambourine à mes tympans pourtant j'entends tout de même le tintement métallique à mes pieds. C'est une bague qui roule sur la moquette imprégnée de cendre. Mon cœur s'arrête, mes pensées se figent. Je regarde ma main s'approcher du bijou, le ramasser, le porter à mes yeux.

Jusqu'à ce que l'aube se lève...

– John...

L'alliance échappe à mes doigts tremblants. A l'instar du sol à mes pieds, je suis couverte de cendres, ses cendres. Elles me collent à la peau, s'incrustent jusqu'à mes os, se fondent à ce simulacre de vie qui est supposé être mon âme. John... Mon John... Mon têtu, mon tendre, mon fidèle John... Ainsi donc, voici le châtiment que les dieux réservent au monstre qui a osé s'accorder une part de bonheur... Le voir réduit à néant, de ses propres mains... de ses propres crocs... John a pourtant tant donné, tant sacrifié pour moi. Et voilà comment je le remercie, en semant ses restes dans la moquette de notre chambre...

Je les entends clairement : mon cœur et mon esprit font un son cristallin en se brisant. J'ai été sotte d'espérer, de rêver... d'aimer... C'est terminé. A quoi bon lutter davantage ? A quoi bon résister ?

Plus jamais je ne verrai l'aube se lever...


Texte publié par Serenya, 4 janvier 2017 à 11h14
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