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Au début, Hélène refusait catégoriquement de me voir, elle pensait que cela pourrait ternir son image. Mais cette histoire de « rencontre » qui arrive très bientôt a très vite changé la donne : cela devenait vital que nous nous entraînions un maximum afin de survivre. Cependant, Hélène m’a rappelé un petit détail assez gênant :

- Hé le blaireau, sur l’Initiateur il est bien inscrit la date de la rencontre, mais qu’en est-il du lieu ?

- Hum… Maintenant que tu le dis…

- Putain, tu sers à rien ! Et comment va-t-on faire pour y aller ?

- Mais j’en sais rien moi ! Et qu’est-ce qui va arriver si on n’y va pas ?

- Tu tiens vraiment à le savoir ?

Bon, j’imagine qu’on est dans une sale situation, et que l’on risque d’être exécuté. Relax, c’est dans quelques jours… Quoi que je dise, je n’arrive plus à me détendre maintenant. Merci Hélène.

Tout de même, nous eûmes la réponse la veille, plus exactement vingt-quatre heures avant, à minuit. Alors que j’essayais de trouver le sommeil, mon Initiateur luisit. Par conséquent je suis allé retrouver Hélène en pleine nuit pour qui il était arrivé la même chose. Elle parvint ensuite à traduire ce qui était écrit, bien sûr après que je lui ai donné une claque et lui ai rappelée la priorité de la soirée non sans éviter ses balles.

- Apparemment c’est dans un coin paumé, dans la région, à environ une centaine de kilomètres d’ici, lit-elle avec ses yeux luisants.

- Ok cool, on y va comment ?

- Avec ta caisse, pardi !

- Oui, évidemment ! J’ai trouvé le moyen de m’acheter une voiture et de passer mon permis à dix-sept ans !

- Tu déconnes ? T’es un mec ou une lopette ?

- T’es bien gentille mais tu ne vas pas changer la loi comme ça.

- Et tu crois que c’est une excuse ? Fulmina-t-elle en comprenant qu’elle avait tort.

- Bon, admettons, je n’ai pas de voiture, je ne sais pas conduire.

- Tu piques la voiture de tes vieux et tu te démerdes pour conduire.

- Et toi dans ta grande délicatesse, tu ne saurais pas conduire par hasard ?

- C’est le job du mec ça, inverse pas les rôles, asocial !

Oui, moi aussi je t’aime… On va claquer dans un accident avant même d’arriver à cette rencontre, ce sera magnifique. Elle en a d’autres des idées géniales comme ça ? Bon, j’imagine qu’il va falloir réserver deux-trois heures de route, ne sachant pas conduire. Pour emprunter la voiture, ça ne devrait pas trop poser de problèmes puisque mes parents sont des couche-tôt, mais il faudrait seulement la ramener avant six heures du matin. Mais qu’est-ce que je raconte ? Je devrais plutôt me soucier de ma survie plutôt que de la voiture !

Hélène est venue devant chez moi vers neuf heures du soir, avant de m’appeler sur mon portable parce qu’elle ne voulait pas « mettre les pieds dans une maison d’asocial ». Quoi qu’il en soit, elle a raison d’une part car nous n’avons pas de temps à perdre. Il m’avait simplement fallu avancer la pendule d’une heure pour qu’ils croient l’heure de se coucher venue. Prendre la voiture a été un jeu d’enfant, jusque-là.

Mais pour la conduite, ça a été une toute autre histoire ! Après un démarrage difficile et les multiples exaspérations d’Hélène, nous étions enfin sur la route.

- Mais bordel, t’as du ciment sous l’accélérateur ? Hurla-t-elle en constatant l’incroyable lenteur avec laquelle nous avancions sur l’autoroute. On se fait doubler par le premier péquenot du coin ! Rattrape-les, bouseux !

- T’es marrante, toi ! On va avoir un accident !

- Ne sois pas débile, et appuie sur la pédale !

C’est bien entendu ce que je n’ai pas fait. C’est pourquoi, avec son petit sourire faussement compatissant mais néanmoins chargé d’ironie, elle écrasa mon pied sur l’accélérateur. Deux choses : d’une, j’ai mal au pied, de deux, j’ai très peur pour ma vie. Je présume que d’une manière ou d’une autre mon pouvoir s’est déclenché car dans une telle situation j’étais capable de mieux anticiper les obstacles, et j’avais de meilleurs réflexes. Et c’est sans doute ce qui nous a préservés. Par pitié, Hélène, ne recommence plus, mon cœur ne tiendra jamais.

ooo

Nous nous arrêtâmes à quelques centaines de mètres du lieu de rencontre. On était déjà sortis de la route et roulions sur de l’herbe. Nous avions ensuite continué à pied afin de préserver notre billet de retour, au cas où. Il ne s’agissait que de plaines ou de collines. Nous avions une demi-heure d’avance, mais il y avait tout de même deux personnes déjà présentes. Elles étaient vêtues de façon étrange : un homme aux cheveux noirs ébouriffés plutôt épais, les oreilles pointues, les yeux jaunes et fendus, un débardeur noir tout comme son pantalon, une écharpe rouge et d’épaisses griffes. Un côté inhumain, j’en déduis. Il paraissait très calme et très silencieux, mais une aura glaciale se dégageait de son corps. À côté de lui, il y avait une très belle femme, bien plus humaine d’apparence, mais légèrement plus petite qu’Hélène. Elle avait d’anormaux cheveux violets noués à l’aide d’une étrange pince rouge, avec deux mèches tombant de chaque côté de son joli visage, des yeux d’un inhabituel mauve luisant ainsi qu’une légère et élégante robe colorée. Mais elle portait un maquillage voyant, souligné par son air assuré et arrogant. Je me demande comment elle va faire pour combattre ainsi.

- Vous êtes qui, vous ? lâcha aussitôt Hélène d’un air dédaigneux.

- J’imagine que vous êtes nouveaux. Je suis Fantasma, l’illusionniste et la petite touche féminine de l’équipe. Et je suis aussi votre ainée, ne l’oubliez pas. Tiens, et en plus vous êtes deux humains. Cela va me changer de l’autre glaçon, se présenta la femme en désignant l’homme aux airs légèrement inhumains qui relevait son écharpe pour se cacher une partie du visage.

- Qu’est-ce qu’il a celui-là ? interrogea Hélène avec toujours aussi peu de tact.

- Il n’est pas très bavard, enfin cela varie en fonction de la situation. J’ai du mal à le comprendre, je le reconnais. C’est Mephiast, surnommé le cœur gelé, par rapport à son attitude et à ses capacités. Moi, c’est la rose de la nuit, parce que je suis belle mais dangereuse, et que je cache la vérité grâce à mes puissantes illusions.

Elle se vante beaucoup je trouve. Mais il est bien possible qu’elle ait de quoi, après tout. En attendant, je ne me sens pas très serein devant ce genre de personne. S’agit-il de gens normaux, pour ce monde… ?

- Ouais, si tu le dis, mais je veux savoir pourquoi il fout son écharpe sur sa gueule comme ça ?

- Je pense qu’il est contrarié de voir que vous êtes des humains. Bon, j’aimerais bien vous connaître un peu aussi. Par exemple… Tempesta, c’est qui ?

- Un tel nom ne peut que convenir à la furie qu’est Hélène, finis-je par articuler, un peu plus rassuré grâce à l’assurance de ma partenaire.

- La ferme, le plouc !

- Il me semblait que nous devions être cinq dans l’équipe. Il manque le leader, non ? demandai-je en ignorant totalement l’insulte d’Hélène.

- Anathema ne viendra pas, déclara Mephiast avec un ton grave.

- Pourquoi ça ? Il s’est dégonflé ? s’étonna Hélène, à moitié ennuyée.

- Anathema ? C’est une humaine, et sûrement celle qui a le moins de raison de se dégonfler. C’est un peu plus compliqué à expliquer, et nous n’avons pas vraiment le temps pour ça étant donné que la rencontre va commencer, rappela Fantasma tout en détournant son attention de nous.

- Mais de quoi s’agit-il exactement ? l’interrogeai-je en reprenant mon anxiété.

- Fais simplement ce qu’on te dira de faire, et prie pour ta vie. Si tu respires encore après ça, je prendrai la peine de tout expliquer.

À peine eut-elle fini sa phrase que la terre s’enfonça à quelques mètres de nous, puis remonta pour laisser apparaître d’étranges personnes, mais certainement pas des humains. J’imagine qu’il s’agit de nos adversaires, et ils paraissent assez effrayants au vu de leurs tenues noires moulantes. Ces masques noirs qui leur cachent le bas du visage m’empêchent d’identifier clairement leurs expressions. Ce qui transparaît le plus chez eux est la lueur de leurs yeux jaunes. Ce qui me fit un peu rire, c’était que je leur trouvais une allure de ninja, mais leurs queues de scorpion ne m’invitaient pas à me moquer ouvertement d’eux.

- Voilà l’équipe Manticore, composée uniquement de démon. Ils sont encore moins impressionnants que ce à quoi je m’attendais, déclara froidement Fantasma.

- Ce ne sera qu’un match de catégorie F. Aucun intérêt, articula Mephiast à travers son écharpe, semblant encore plus déçu qu’auparavant.

- Vous parlez bien vite, pathétiques créatures ! Ce n’est pas parce que vous faîtes partie de la célèbre équipe Aquarius que la victoire est assurée ! Aujourd’hui elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, rétorqua un des cinq membres de l’équipe adverse, certainement le chef.

Ah, parce qu’en plus nous avons rejoint une équipe célèbre ? Sans commentaires…

- Vous avez tout à fait raison, aujourd’hui elle n’est plus ce qu’elle était, mais vous n’avez en aucun cas le pouvoir de nous faire face, alors restez à votre place, bande de sous-démons ! rabaissa Fantasma, semblant s’énerver peu à peu.

- Pitoyables. Je n’éprouve même pas le désir de les tuer, renchérit Mephiast.

- Dans ce cas laissez-moi broyer du démon, ça va me détendre ! s’extasia Hélène.

Elle n’a donc peur de rien ?! Remarque, dans un cas comme celui-là, je devrais prendre exemple sur elle. Hélène s’avança donc, toujours aussi arrogante. L’un des démons de l’équipe Manticore fit de même en réponse à sa provocation. Visiblement, ni l’un ni l’autre ne se prennent au sérieux. Enfin, j’espère juste que cela tournera en notre faveur…

À peine se sont-ils mis en place que l’adversaire d’Hélène a dressé sa queue dans sa direction et projeté une série de dard, certainement dangereux, mais qu’elle put éviter de justesse en plongeant sur le côté, pratiquant une roulade bien maîtrisée. Ce n’est qu’en voyant la lueur dans ses yeux que je pus comprendre l’origine de cette habileté. Le démon conservait une posture arrogante : les bras croisés, il ricanait persuadé que cette résistance était inutile de la part de Tempesta. Alors qu’elle venait juste de se rétablir, une nouvelle série de dards fondaient droits sur l’adolescente prise au dépourvu. Ne pouvant pas éviter, elle effectua une manœuvre audacieuse : faisant apparaître un de ses pistolets, elle tira sur les dards qui la mettaient en danger, les déviants ainsi de leur trajectoire. Epatant !

Immédiatement, Hélène se rua vers son adversaire l’arme en main. C’est imprudent, elle se met à sa merci ! Elle ne pourra pas esquiver sa prochaine attaque dans cette situation ! C’était du moins ce que je pensais, mais j’avais tort, puisqu’il ne pouvait y avoir de prochaine attaque, et elle l’avait vu : les dards sur la queue du démon devaient repousser avant de pouvoir servir à une autre salve, et elle utilisait justement ce délai, voilà qui est impressionnant ! Elle sait se battre, contrairement à moi, c’est sûr…

Alors que je pensais qu’elle allait en finir avec son adversaire, un renversement se produisit : une boule de feu sortit de sa bouche pour percuter de plein fouet la jeune femme qui fut renversée par le choc. Son débardeur se retrouvait abîmé, et son visage légèrement sali, ainsi que ses cheveux décoiffés désormais. Voilà un bon prétexte pour s’en prendre à moi, j’imagine…

- Tu pensais sérieusement m’atteindre aussi facilement ? C’est bien mal me connaître ! Je vaux mieux que ça tout de même, tu ne crois pas ? s’extasia l’adversaire d’Hélène, plein de confiance.

- Tu parles trop, bouseux. Il est temps que je te remette à ta place, provoqua-t-elle dissimulant au mieux son anxiété par de l’agressivité.

Hélène s’élança de nouveau vers son ennemi qui en profita pour lui envoyer une volée de dards qu’elle dévia à l’aide de son pistolet, non sans difficultés. Sans surprise, le démon cracha une nouvelle boule de feu sur Hélène qui n’eut d’autres choix que de l’encaisser. Elle plaça donc son épaule droite en avant et subit l’impact qui lui fit perdre son arme, atterrissant quelques mètres plus loin. Cependant, malgré le choc, sa course n’était absolument pas ralentie, et surprenant son adversaire elle fit apparaître son deuxième pistolet dans sa main gauche et le braqua sur son front. Elle tira aussitôt à plusieurs reprises, perforant le crâne de son ennemi jusqu’à qu’il s’effondre, mort. Elle l’a réellement vaincu ! Un démon, un monstre !

Affichant un sourire victorieux, Hélène cessa d’utiliser son pouvoir et ses armes disparurent aussitôt. Elle revint vers nous, tout de même essoufflée.

- Les premières utilisations de la magie demeurent éprouvantes, surtout dans de telles situations. Tu t’es bien battue, je l’admets, déclara Fantasma avec un petit sourire encourageant.

- Les premières utilisations ? Elle ne s’en est pas servie pourtant, pensai-je en tentant de me remémorer la scène, espérant y trouver ce que j’ai raté.

- Elle a imité la boule de feu de ce type pour en minimiser les effets et a jeté son arme pour le distraire. Ingénieux, complimenta Mephiast d’un ton calme et froid.

- Je ne suis pas un blaireau comme toi, j’utilise ma matière grise moi ! ajouta la concernée en se tapotant la tête d’un air moqueur.

- J’imagine qu’elle travaille déjà sur la façon dont tu vas arranger ton look, tu en as bien besoin ! répliquai-je, amusé malgré tout.

- Va donc te battre au lieu de déblatérer des âneries ! riposta Hélène en me balançant son poing que j’évitai facilement grâce à l’état d’épuisement dans lequel elle se trouvait.

À cet instant je rigolais encore et prenais toute cette situation un peu trop à la légère. Ce n’est que lorsque mon adversaire me provoqua toutes griffes sorties que je pris conscience du réel risque que j’encourais : il peut vraiment me tuer et me mettre en pièces ! Bon, je vais reprendre mon calme. Ce n’est pas comme si j’étais venu sans arme, j’ai mon katana. D’autant plus que j’ai certaines capacités de combat, je peux m’en sortir !

Je vais commencer par faire appel à mon pouvoir, ce qui est vraiment très simple : je sens le flux d’énergie qui parcoure mon corps, et il est très actif ! Comme quoi, la peur peut parfois être utile… Soit, après m’être équipé de mon arme, je fis quelques pas en direction de mes opposants. Je l’empoignais fermement, dissipant mes craintes. Je l’ai maniée à plusieurs reprises depuis que j’ai pris conscience de mes pouvoirs, je me suis entraîné avec Hélène. Si elle a réussi à remporter son combat, je peux faire de même !

- Alors, morveux, tu ne fuis pas ? Hi hi hi ! ricana le démon en léchant ses griffes.

- Inutile.

- Tu as raison, tourne-moi le dos et je te découpe instantanément !

- C’est inutile car je sortirai victorieux de cet affrontement, me rassurai-je, certes pas totalement confiant.

Tout en conservant le même air moqueur, il fendit l’air avec ses griffes. Je ne réalisais que trop tard ce qu’il venait de faire. Je titubais de quelques pas en arrière tandis que de légères coupures apparurent sur mon torse. Ce type est capable de frapper à distance ! Des lames invisibles ? Non, ce que j’ai perçu est différent… De la magie !

- Je vais lentement te tuer, me repaître de ta douleur, te faire souffrir jusqu’à que tu me supplies de t’épargner, puis…

Mais son discours fut interrompu par une entaille sur son torse. Alors qu’il me regardait avec stupeur, je me jetais vers lui, l’arme levée. Sa magie, je la comprends et peux l’utiliser ! J’abaissai violemment mon épée vers lui, mais mon attaque fut esquivée avec une grande facilitée. Il bondit au-dessus de ma lame et riposta avec un coup de pied rotatif. Je peux voir son attaque ! Juste à temps je m’accroupis et relevai brusquement mon arme, cependant, il mit ses bras en croix dressant une barrière de vent infranchissable. Mon arme vint la percuter, provoquant des étincelles, mais impossible pour moi de la forcer ! Les courants tendent à me désarmer, mais je ne peux pas retirer mon arme, si je recule, je vais laisser une ouverture ! Cette incertitude fut rapidement brisée lorsqu’il écarta les bras en faisant réagir sa magie. Sa barrière s’élargit, me repoussant violemment, mais je parvins à me réceptionner avec une roulade. Suite à cela, je réagis instinctivement à son assaut, levant mon épée et parant les dards qu’il m’envoya depuis sa position. Ses dards sont plus lents que les tirs d’Hélène, je peux les contrer !

Je posai un genou à terre, suite au choc que les nouvelles blessures qui m’ont été infligées ont causé. Merde, cette attaque que j’ai reproduite, j’ai du mal à la comprendre. Des lames invisibles ? Non, du vent ! Si c’est le cas, alors je peux m’en défendre. Pendant que je réalisais la situation, le démon manticore en a profité pour se placer derrière moi et m’attraper le cou avec sa queue, l’enserrant de toutes ses forces. Je suis pris au piège ! Je commence à étouffer…

- Bien, maintenant supplie-moi ! s’extasia mon adversaire pendant que je tentais tant bien que mal de me défaire de sa prise.

- Ne… Parle… Pas… Trop vite… parvins-je à articuler en déployant la même barrière de vent que précédemment.

Mais cela n’eut pas l’effet escompté, la barrière manquait cruellement de puissance par rapport à celle de tout à l’heure ! Elle m’avait projeté sur une dizaine de mètres, alors pourquoi a-t-il seulement reculé de quelques pas ? Au moins, j’ai réussi à sortir de son étranglement… Je repris mon souffle tout en me redressant et en brandissant de nouveau mon arme.

- Grr… C’est vrai que vous autres démonistes pouvez reproduire notre magie. Mais c’est inutile, ta si faible magie ne peut rien face à mon pouvoir ! Ha ha ha !

Si faible magie ? Son pouvoir l’en protège ? Voyons voir… Je me concentrai un instant pour percevoir mon flux d’énergie et constatai qu’il avait un peu diminué, mais pas autant que je ne l’aurai cru. Je vois, à force d’utiliser mes pouvoirs, mon énergie diminue. Et si je pouvais contrôler cette énergie ? En dépenser selon ma volonté ? Si c’est le cas, alors je peux faire ça…

Je courus vers lui, déterminé à mettre un terme à cet affrontement. Si mon attaque rate, je serais dans une situation très délicate… N’y pensons pas, et finissons-le ! Je portai un coup d’épée horizontal dans le but de faucher ses jambes, mais mon attaque manqua sa cible. Il bondit au-dessus de ma lame avec une grande agilité inhumaine.

- Ha ha ! C’est quoi cette attaque toute mollassonne ? Tu pensais vraiment m’avoir avec ça, morveux ?! railla-t-il en jetant son pied vers ma figure.

Hé hé, comme prévu. Je dressai une barrière de vent en me concentrant sur un point précis, créant un bouclier certes petit, mais suffisamment puissant pour arrêter son coup et le repousser dans les airs. En concentrant mon énergie en un seul point, mon sort devient plus efficace et moins fatigant à l’usage.

- Oh ? Bordel, tu as encore des ressources ?! s’étonna ma future victime en écartant les bras.

- C’en est fini de toi ! ripostai-je déterminé à jouer le tout pour le tout.

Il rejeta ses bras en avant comme précédemment, créant une ouverture. C’est un pari risqué, mais je dois y arriver ! Je concentrai la quasi-totalité de mon énergie restante dans mon arme avant de porter un coup horizontal dans le vide. Du sang gicla de mon corps alors que je tombai en arrière. Mon épée roula sur le sol avant de disparaître. Je n’ai plus d’énergie… Mais j’ai gagné ! Le corps de mon adversaire retomba lourdement par terre, tandis que sa tête roulait à côté. Quant à moi, je suis en un seul morceau grâce à la barrière de vent que j’ai érigée avec le reste de mon énergie. Sans ça, je serai au moins dans le même état que lui. Les coupures qu’il m’a causées sont superficielles. Mon vent peut arrêter le sien, ou au moins l’atténuer. Si ça n’avait pas été du vent, je serais mort à l’heure qu’il est.

Je me laissai tomber sur le sol, submergé par toutes les émotions que j’ai réprimées jusqu’ici. Que vient-il de se passer au juste ? Je me suis vraiment battu, et tué quelqu’un, avec autant de légèreté ? Ce n’est pas un jeu pourtant… Je… Je sais que j’ai risqué ma vie, mais je n’ai pas le sentiment d’avoir frôlé la mort. Pendant un instant, c’était peut-être même… excitant.

- T’es toujours vivant, crétin d’asocial ? décocha Hélène non sans sourire.

N’y pensons plus.

- Hé hé, ouais ! Désolé de te l’apprendre ! répondis-je amusé.

- Bien sûr, tu n’avais pas le droit de perdre, sinon c’est moi qui t’aurais tué ! répliqua la jeune fille tout en me menaçant de l’index, mimant son révolver.

- Si j’avais perdu je serais mort, lui fis-je remarquer d’un ton sarcastique.

- Grr… Et bien je t’aurais tiré de ta tombe pour te tuer ! dit-elle en me tirant la langue.

- Oui, évidemment ! rigolai-je.

Evidemment… Je ne le réalisais toujours pas, mais ma vie était bel et bien en jeu, et la moindre erreur aurait pu m’être fatale. Cependant, je l’ai tué. J’ai tué mon adversaire. Et je n’éprouve pas de remord à son décès. À vrai dire, je ne pense pas que quelqu’un aille regretter sa disparition, même ses coéquipiers n’en ont rien à faire.

- Bien, c’est mon tour, décida Mephiast tout en maintenant son écharpe sur le visage.

- Oh ? Tu te portes volontaire en fin de compte ? se moqua doucement Fantasma d’un air malicieux.

- Que je ne sois pas venu pour rien. Je vous prends tous les trois en même temps.

- Les trois ?! Quand je vois la force de l’un d’entre eux, trois à la fois c’est beaucoup trop ! Ne pus-je m’empêcher de faire remarquer.

- Tu n’es qu’un crétin, affirma Hélène, mais devant mon incompréhension elle se sentit obligée de s’expliquer. Nous découvrons à peine nos pouvoirs, il ne fait nul doute qu’il est d’un calibre complètement différent du nôtre. Tu ne l’as pas ressenti ? Ce type est d’un niveau qui nous dépasse de loin…

Hum, je ne l’ai effectivement pas remarqué, mais maintenant qu’elle le dit, sa confiance paraît bien trop excessive pour quelqu’un qui aurait une force semblable à la nôtre. Rien que son aura… C’est comme si le sol refroidissait tout autour de lui, comme si il pouvait me tuer d’un regard. Une main se posa sur mon épaule et celle d’Hélène, me tirant de mes pensées.

- Regardez bien tous les deux, la puissance de Mephiast, conseilla Fantasma d’un air assuré.

- Tu nous veux tous les trois ? Ha ha ! Pauvre idiot, nous allons te faire ravaler tes paroles. Ta confiance te perdra ! convainquirent nos adversaires encore en vie.

- Ferme-là et battez-vous, menaça froidement notre équipier.

Les trois démons encerclèrent notre allié, le privant de toute échappatoire. Vu leur tempérament, je doute qu’ils le laissent revenir sur sa décision. Mais ce ne sera à priori pas nécessaire. La force que Mephiast dégage est totalement différente de celle de ces manticores. L’un des trois sauta à quelques mètres au-dessus du sol avant d’agiter sa queue, propulsant ses dards à grande vitesse vers notre allié. Cependant, ce dernier ne bougea pas et les reçut de plein fouet ! Il tituba légèrement en regardant le résultat avec surprise, mais ses ennemis ne lui laissèrent aucun répit ! Un second se rua instantanément sur lui et planta ses crocs dans son cou.

- Mais… Il se fait massacrer ! paniquai-je en voyant le résultat de son arrogance.

- Juste, regarde, sourit Fantasma.

Quelque chose ne tournait en effet pas rond. La manticore qui mordait le cou de Mephiast se figea subitement, et la seconde d’après de la glace recouvrit son corps tandis que Mephiast disparaissait en morceaux de givre. Il réapparut derrière la Manticore qui était dans les airs, la saisit au cou et la gela instantanément avant de la laisser retomber et se briser par terre. Le dernier encore debout paniqua, tremblant de peur. Il supplia, la voix chevrotante, vacillant et tombant à genoux. Quel spectacle pitoyable à voir, mais tout cela est inutile. Son sort à l’air déjà décidé. Mephiast l’ignora tout simplement alors que des pieux de glace surgirent hors du corps de sa victime la déchiquetant en morceaux. Bon sang, c’est gore !

- Bien, c’en est fini, acheva Mephiast.

- Aussi facilement ? s’étonna Hélène.

- Bien sûr ! Tu pensais vraiment qu’il éprouverait des difficultés à les vaincre ? appuya Fantasma à demi-amusée.

- Tout de même, ils étaient trois… rappelai-je dubitatif.

- Trois… Trois participants de rang F. Ils auraient pu être cinq, dix, ou même cents cela n’aurait strictement rien changé au résultat, finit par dire Mephiast avant de s’éloigner de nous sans jeter un autre regard en arrière.

- Je crois que je saisis le personnage… reconnus-je en baillant.

- Pas très sociable, à l’image d’un autre crétin de l’équipe, me piqua Hélène en commentant le départ de Mephiast, mais je décidai qu’il était inutile de réagir à cette raillerie.

- Bien, maintenant que le combat est terminé, tu vas pouvoir nous expliquer la situation, n’est-ce pas ? réclamai-je à Fantasma qui répondit positivement à ma requête.

- Effectivement, vous allez avoir besoin de quelques éclaircissements. Sans doute l’avez-vous remarqué, mais vous participez à un tournoi parfois mortel.

- Un tournoi ? C’est donc ça… comprit aussitôt Hélène, songeant à tout ce que cela impliquerait.

- Ok… Et notre avis dans tout ça ? soupirai-je embarrassé.

- Quelle importance ? Dans un tel tournoi, il y a beaucoup à y gagner ! positiva Fantasma en énumérant nos gains potentiels. Gloire, fortune, femmes, pouvoir, relations, et j’en passe !

- Oui, mais on peut y perdre la vie… relativisai-je sans oublier mes priorités. Gloire et tout ça, je suis moyennement intéressé.

- Abruti ! De toute façon ce n’est pas comme si on avait le choix. Et puis c’est en mettant sa vie en jeu que les récompenses les plus intéressantes apparaissent ! Bon, et la suite ? écouta Hélène en croisant ses bras.

- Et bien, cela fait la première victoire de notre équipe dans la catégorie F. Encore deux victoires supplémentaires et nous pourrons passer à la catégorie supérieure, soit E. Il est nécessaire d’obtenir trois victoires consécutives pour monter d’une catégorie. Une défaite remet le compteur à zéro ! Ensuite il nous faudra remporter encore trois combats d’affilée dans cette catégorie pour passer à la D, puis C, B, A et enfin la catégorie des champions, S ! Les combats y sont bien plus intenses, chacun des participants dispose d’un pouvoir incommensurable, les spectateurs hurlent notre nom, des banderoles d’admiration dressées rien que pour soi ! Le pied ! rêva Fantasma, le regard débordant de passion.

- Hé hé, ça a l’air pas trop mal en effet. Mais j’imagine que seules les meilleures équipes atteignent cette catégorie. Notre équipe, l’équipe Aquarius, était célèbre car elle y appartenait autrefois, je me trompe ? supposa à juste titre Hélène, attendant patiemment les explications de notre ainée.

- Exact ! Douze équipes appartiennent à cette catégorie, traditionnellement ce sont les équipes nommées d’après les signes astrologiques, mais il y a déjà eu de nombreuses exceptions. Puis il y a le champion, la treizième équipe, Ophiuchus. L’équipe Aquarius était prétendante au titre, mais pour une raison que j’ignore le combat n’a pas eu lieu. Tous les membres de l’équipe ont été massacrés, une sale embuscade à ce qu’on en dit. Seule Anathema y en a réchappé. Je ne connais pas les détails, mais suite à cela l’équipe Aquarius ne pouvait plus continuer dans la compétition. En conséquence, Anathema a décidé de reformer le groupe en recrutant parmi les « restes » des autres équipes.

- Des « restes » ? Tu veux dire que toi et Mephiast étiez rejetés de votre groupe ? ricana Hélène.

- Pas du tout ! En fait nos équipes ont aussi été décimées, nous étions les seuls survivants et accessoirement les meilleurs, mais seuls il est inutile de continuer la compétition. Nous aurions été obligés de nous retirer si Anathema ne nous avait pas trouvés. Je participais autrefois dans la catégorie A, et Mephiast dans la catégorie B. Le vrai mystère c’est vous, pourquoi Anathema vous a choisis, je l’ignore…

- Mouais, un mystère tu dis… Et pourquoi le chef d’équipe n’est pas venu ? demandai-je finalement.

- Aucun intérêt pour elle de venir à un combat de cette catégorie. On peut très bien se passer d’elle face à des adversaires de cette trempe. J’imagine que c’est une bonne occasion de vous mettre vous à niveau. De toute manière c’est un passage obligatoire.

- Ouais, forcément. Elle veut jouer dans la haute compétition, t’auras intérêt à ne pas devenir un fardeau, hein le boulet ! commenta Hélène d’un air supérieur, sans doute pour ne pas souligner le fait qu’elle aussi est concernée.

- Démonistes, démons, un tournoi… Des vies en jeu, tout ça pour remporter une compétition ? C’est bien plus que cela, n’est-ce pas ? compris-je, pour une fois perspicace.

- Effectivement, ce n’est pas juste de la compétition. Il y a bien plus que cela en jeu : des territoires. Le monde est en jeu. Les plus puissantes équipes dominent des territoires, et font la loi dans ce monde des ténèbres. Les équipes plus faibles sont alors contraintes de s’y soumettre. Seules les équipes de catégorie S et A sont concernées par ces enjeux, donc ce n’est pas encore notre cas. Pour le moment… encouragea Fantasma d’un air quelque peu enfantin.

- Je commence à mieux comprendre dans quel cycle nous nous retrouvons à présent. Cela ressemble pas mal à une guerre déguisée et arbitrée, fis-je remarquer pensif quant à l’implication de ces faits énoncés précédemment.

- Oh, tu dis encore quelque chose d’intelligent ! Tu t’es pris un coup sur la tête durant le combat, le morveux ? me railla Hélène comme à son habitude.

- Hé hé… Bien, je ne compte pas rester ici plus longtemps. Je vous retrouverai sans doute dans les jours qui suivent pour vérifier votre progression maintenant que je vous connais. Tout cela promet d’être intéressant ! salua Fantasma.

Cette dernière se décomposa en une multitude de pétales de fleurs roses qui s’envolèrent au gré du vent, disparaissant de façon totalement irréelle. Que ce doit être pratique de voyager ainsi, sans avoir un dangereux et sarcastique compagnon de voyage à ses côtés. Ceci dit, c’est peut être masochiste de ma part, mais j’admets apprécier la compagnie de cette fille. Infiniment plus plaisant que ma pseudo-solitude dans laquelle je me trouvais avant ces événements.

- Bon, allez, amène-toi l’asocial. On a encore de la route à faire pour rentrer, et encore une fois si tu savais conduire ce ne serait même pas un problème, m’accusa-t-elle en se dirigeant vers le lieu où nous avions laissé la voiture de mes parents.

- Oui, tu as raison, répondis-je incapable de m’empêcher de sourire en contemplant celle que j’imagine être mon amie partir devant.