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Il y a des moments où je me dis que je ne me le pardonnerai jamais.

Et d'autres où je pense que mon bonheur est à ce prix...

Pour être heureux, n'avons-nous pas renoncé à la moitié de notre existence ? À établir des relations durables, à fonder une famille ?

N'avons-nous pas privilégié « ici et maintenant », en rejetant à la fois le présent à l'avenir ? À l'humanité, et d'une certaine manière, à la vie ?

Alors, finalement, abandonner une certaine part de dignité, n'est-ce pas dans la logique des choses ?

Depuis que Ilan a réussi à modifier ta date d'éveil, je ne dors plus. Je me tourne dans mon lit ; je me demande comment je vais bien pouvoir vivre, quand JD t'aura retrouvé.

Quand il m'aura oubliée.

Je n'ai toujours aucune idée de ton apparence, mais dans mon imagination, tu es tellement plus belle que je ne le suis... Plus charmante, plus séduisante. Et je ne veux plus te rencontrer. Je ne veux pas demeurer dans ton ombre, comme une pâle copie. Je ne veux pas vous voir ensemble, et laisser cette image brûler mes yeux, déchirer mon âme, fibre par fibre, méticuleusement, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de moi qu'une boule de pure souffrance.

Je suis navrée, chère Y... Ce n'est pas personnel... Mais alors même que je couvre ce papier-mémoire de mots, je sais qu'il est voué à être détruit, intégralement... Il n'en subsistera pas la moindre trace. Par contre, ce que tu m'as transmis partira à l'administration de la Ville. En dépit des efforts d'Illan, tu te réveilleras bien ce 1er janvier, quand tu seras accusée d'avoir défié les règles que tu t'étais engagée à suivre. Après tout, tu savais ce que tu risquais en me laissant ces lettres... La peine ne sera pas trop lourde : être expulsée. Perdre tous ces avantages de façade, revenir vers la vie véritable. Je suis sûre que tu sauras y faire face.

Personne ne devinera pourquoi tu ne reparaîtras pas, ni ce 1er janvier, ni le suivant. Je pense que JD en sera triste, mais je serai là pour l'aider à surmonter ton absence, tu n'as pas d'inquiétude à avoir.

Je prendrai soin de lui.

J'apaiserai sa douleur.

Et au fil du temps, peut-être finira-t-il par m'aimer... Il m'aimait déjà presque, d'ailleurs ! Et quand il ne pourra plus se passer de moi, au bout d'un an de vie réelle, ou de deux, je le persuaderai de quitter ensemble la Ville, de tenter l'aventure d'un véritable monde où nous pourrons construire quelque chose, tous les deux.

Mais tout cela, tu ne le sauras jamais.

Adieu, Y.

J'espère que tu trouveras toi aussi le bonheur.