Regard porté par les vagues, c’est son amour qui s’éloigne
Entraîné par les faisceaux bleutés de l’océan de magne
Au fond de son cœur, elle saigne. Elle qui n’est pas tout à fait humaine
La voici prisonnière d’un chagrin tout à fait humain
Le Chagrin, A.E Sceaux, 1940
Paris, 26 octobre 2014
— Europe Inter ! Il est sept heures ! Le journal, André Vendürer.
— Merci, Catherine Weiss.
Henri enfouit sa tête sous son oreiller. Il a lu une grande partie de la nuit, au point d’achever son histoire. Si bien que le peu d’heures qui le séparent de son réveil lui semble bien insignifiante ; syndrome céphalo-fondamental. Sous la taie, le flot de paroles étouffées de la journaliste lui parvient à peine, de même que la lumière de la lampe de chevet fracassée sur le parquet.
Ainsi bercé par le ronron de sa radio, Henri se rendort aussitô pour ne s’éveiller qu’une heure plus tard, troublé par le silence soudain. Réalisant l’énormité de son retard, il se précipite à bas de son lit et manque de peu une rencontre guère amène avec les restes de la faïence. Frénétiquement, il cherche son téléphone portable, qui lui glisse entre les doigts, et répand sur le sol ses entrailles de plastique et de métal. Les morceaux ramassés, ordonnés, la batterie à sa place, Henri envoie un mot d’excuse à son supérieur. Cependant, à sa grande stupéfaction, Charles lui répond de même et lui annonce qu’il a lui aussi connu une panne d’oreiller. Il l’avertit en outre qu’il ne sera pas avant au moins neuf heures à la Tour Pointue. Rassuré, Henri ne se presse pas et le remercie.
Le répit mis à profit, il s’efforce de rédiger une invitation à déjeuner à l’intention de la délicieuse Marie-Angèle. Hélas au moment de presser le bouton qui enverra la missive à sa mie, Henri est pris d’un violent vertige. Sous ses pieds le sol s’affaisse tandis qu’il la revoit entre les bras de son bourreau aux mains d’argent.
— Te serais-tu perdu, Henri, semble lui susurrer l’ombre, une main au-dessus du visage de Marie-Angèle.
Il veut tendre le bras, mais son corps gît sur le sol tandis qu’il flotte au-dessus.
— Ne sois donc pas si pressé de me rencontrer, ricane l’apparition qui se dissoud bientôt dans l’obscurité.
— Maintenant un point sur le temps de la journée. Porphyre Dürer de l’EUNA.
La voix dans le poste de radio ramène Henri. Un coup d’œil par la fenêtre et c’est un ciel sans nuages qui lui apparaît, de même que le cueille le fond d’air frais baigné par une brume matinale. Frissonnant par avance, Henri, qui n’est que légèrement vêtu, court attraper dans son armoire un épais gilet en laine. Sa mère a cousu dessus des androïdes et des moutons électriques qui scintillent à la lumière.
Attablé, sa théière fume et infuse un mélange d’éclats de fèves de cacao et de maté torréfié. Pendant ce temps, il grignote sa tartine le rapport d’autopsie entre les mains. Rien de tel pour se mettre en appétit, comme l’aurait proclamé Charles Bréjac. Il sait que la période d’avant-guerre fut marquée par une agressivité profonde de l’humanité, mue par ce que le docteur Freud baptisa la pulsion de mort de l’âme, jouet du dieu Thanatos. Mais elle fut également le théâtre d’événements déroutants, où ont été mêlés de manière inextricable le réel et ce que certains courants de pensées appellent l’inconscient collectif, ou Onirie dans les cercles des poètes aujourd’hui disparus. N’a-t-il pas lui-même exploré quelques-uns de ses méandres, preuve éclatante de son existence, ou n’est-ce pas plutôt la perspective de vivre une manifestation de la même envergure, qui le paralyse ainsi ?
En effet, lorsque les sorciers des tribus amérindiennes, réunis en conseil des esprits dans les Appalaches, ont pris leur décision, l’épaisseur du tissu cosmogonique séparant les deux mondes était tout autre. Ce fut un choix douloureux et mûrement réfléchie, car ils savaient qu’ils altéreraient la trame même du réel.
À l’époque, nombreuses étaient celles favorables à un tel projet. Cependant, à mesure que les colons venus de l’est les repoussèrent vers l’ouest, leurs voix peu à peu se turent. Il n’y avait plus lieu d’utiliser pareille extrémité, car ils étaient soutenus en sous-mains par l’Empire français. Ce dernier y voyait son intérêt, car en plus de leur offrir la jouissance des vastes plaines de l’est, ils écraseraient les dernières poches de résistance anglaise, tout en s’assurant de leur loyauté.
Tandis que la zone d’influence anglaise se rapprochait de la frontière naturelle matérialisée par le Mississippi, le haut commandement de l’Empire envoyait de plus en plus d’aide aux résistants amérindiens, en même temps qu’il signait avec eux moult traités de paix et leur accordait des terres d’asile. En échange, les autochtones mettaient à disposition leur connaissance intime du monde du rêve malgré les réticences des plus anciens et des plus sages. En effet, de même qu’en Égypte des sociétés savantes étaient parties suite à la bataille de Waterloo, l’Empereur envoya plusieurs expéditions dans le but d’étudier les rites chamaniques. Plusieurs témoignages rapportaient des similitudes frappantes avec les ombres surgies du néant en cette nuit d’hiver belge.
La situation perdura ainsi jusqu’à la fin du XIXe siècle avec une paix factice entre les Français, leurs alliés indiens à l’ouest du Mississippi et les descendants des colons anglais à l’est. L’équilibre bascula lorsque sous l’influence d’hommes d’églises et d’humanistes, au prétexte d’intérêts économiques, les treize colonies fondatrices du pacte de Washington prirent la décision d’abolir l’esclavage. En réponse, les États du sud, dont la richesse était tirée des plantations de cotons et de cannes à sucre, firent sécessione et s’alllièrent, pour la circonstance avec le Mexique qui voyait là une occasion de prendre sa revanche sur l’Empire européen, non sans mettre la mains sur les richesses du sous-sol américain . Pendant ce temps, les Français affichaient une neutralité de façade.
En réalité, les stratèges français savaient qu’à moins d’une percée technologique majeure de la part des états sécessionnistes, ceux-ci perdraient la guerre. En effet, après la défaite définitive de la coalition anglo-prussienne, les services militaro-scientifiques avaient soigneusement verrouillé l’accès aux technologies éthériques, empêchant par là même l’Amérique d’y accéder. Étant un continent relativement isolé, la chose fut aisée. Aussi, alors que l’Empire ne prenait, de manière officielle, aucune part au conflit intérieur, il poussait ses pions de manière à affaiblir les deux parties ; il n’eut plus ensuite qu’à les phagocyter en s’appuyant sur les résistants indigènes et les anciens esclaves.
Cependant, loin d’encourager une vengeance aveugle qui aurait été désastreuse pour son image de l’autre côté de l’Atlantique, l’Empire œuvra à la reconstruction, non sans quelques arrière-pensées. Soucieux de la stabilité des tout jeunes EFA, il procéda à une intégration progressive de tous les citoyens et esclaves, basée sur les principes des Lumières et de la raison, afin d’assurer cohésion et paix dans ce continent meurtri par les guerres et les haines.
Hélas, de l’autre côté du Pacifique, l’Empire du Soleil levant, sous lequel s’était rangé l’Empire chinois moribond, plutôt que de céder aux appétits grandissants de l’Europe, faisait une cour assidue à plusieurs des états nordistes dont les velléités d’indépendance et de revanche ne s’étaient jamais tues. Dans ces derniers, nombre de hauts gradés militaires et de civils hauts placés voyaient d’un très mauvais œil les traités de paix signés avec les nations indiennes et les esclaves, en même temps que leur intégration à la nouvelle entité naissante des EFA. Ainsi ont-ils précipité la tragédie qui allait plonger tout le continent nord-américain dans les Ténèbres, suite au massacre de Wounded Knee par le 7e de cavalerie.
Au cours de la guerre de Sécession, ethnologues et psychophysiciens avaient étudié de près l’instrumentalisation des ombres par les sorciers, dans le but non avoué d’améliorer le potentiel guerrier des armées ; jamais elle ne fut mise en œuvre, car les temps étaient marqués par la paix entre les deux Empires.
Ce qu’il advint, nul ne le sait vraiment. Les rares témoignages sont fragmentaires et contradictoires. Tout au plus, il a été constaté tout au plus que des phénomènes analogues à ceux survenus lors de l’effroyable bataille de Waterloo, bien qu’à plus petite échelle. Des rumeurs courent quant à l’existence d’un témoignage de première main à son propos. Hélas, les bruits ne sont bien souvent que des légendes. Cependant, si les causes et le déroulement de cette libération demeurent encore dans l’ombre, les conséquences sont toujours visibles, avec la persistance au travers des générations de violences endémiques.
Ce champ, longtemps resté en friche après la guerre, a connu un renouveau avec les travaux du psychiatre français Jacques Lechan, qui a fait renaître de ses cendres le phœnix psychanalytique. Le point d’orgue de cette période se situe entre 1953 et 1979, période au cours de laquelle il organisa des séminaires à l’hôpital Saint-Anne, à l’École polytechnique, puis à la Sorbonne. Grand dévoreur de ses analyses de la psychose et de sa genèse, Henri l’avait choisi comme sujet de thèse. Hélas, il existe un gouffre entre une confrontation à des événements passés et des meurtres, dont tout semble indiquer un retour des ombres et de leur funeste cortège.
Dans la rame qui le conduit à la gare du Châtelet, Henri nourrit son malaise. Ses pensées s’agitent, à peine remarque-t-il la présence de Marie-Angèle qui, pourtant, le rassure. Distrait, entre ses mains, il jongle avec les deux cartes de tarot. La première est le bateleur ; la seconde, l’empereur. Il les a découvertes ce matin alors qu’il prenait son petit déjeuner. Négligent, Il avait jeté les enveloppes dans son salon, la veille.
Son adresse écrite à la plume, d’une calligraphie fine et délicate, s’étend sur la surface filigranée. Chose étrange, elle a été affranchie avec des timbres du siècle dernier : des semeuses, tel qu’il en figure sur les pièces de monnaie qu’ils n’eurent jamais reçu l’onction du cachet des Postes Impériales ; la raison et la signification de ce geste lui échappent encore. Hélas, il ne peut pousser plus en avant ses réflexions, car il arrive à la station Saint-Michel. Aussi range-t-il les deux morceaux de carton dans la poche intérieure de son manteau.
Sur le quai des Célestins, Henri pose un instant son regard sur le fleuve brumeux et paresseux. Dessus, naviguent quelques péniches, pourvoyeuses de biens et de vivres. Il s’imagine à bord de l’un de ces navires ; ses pensées l’accompagnent.
— Bonjour Mirsandier !
Coupé dans son élan spirituel, Henri sursaute et manque de peu de verser lorsqu’il entend la voix rauque et désormais familière du commissaire Charles Bréjac.
— Hé bien ! Foutre-écrou ! En voici une mine papier mâché !
— À qui le dites-vous commissaire. Je ne me sens guère plus d’énergie qu’une vieille serpillière, tout droit sortie de la lessiveuse, marmonne Henri en lui tendant une main molle.
— Je vous trouve bien familier d’un coup. Que vous arrive-t-il ?
Prenant soudain conscience de l’énormité de sa bévue, Henri tente de se confondre en excuses, au grand dam de Charles qui ne retient qu’avec difficulté le rire bêlant qui lui monte aux lèvres, au risque de briser par là même son masque de sévérité.
— Allons, allons, mon garçon, ne vous flagellez pas ainsi. Je ne peux pas dire que ma nuit fut non plus des plus apaisantes. Cette affaire me met la tête sens dessus dessous. Que diriez-vous de faire le point dans un endroit plus calme, dans le quartier Rivoli ?
Ne sachant que répondre, Henri se contente d’un oui muet. Devant tant d’embarras de la part de son second, Charles esquisse un sourire.
— N’ayez aucune inquiétude. Je ne fais aucun mystères de mes travers et mes collègue ne m’en tiendront pas rigueur. Que je sache, personne ne nous a signalé de nouveau cadavre.
— Certes non.
— Parfait ! Dans ce cas ne bougez pas. Je vais chercher la Fantômas en attendant que l’on vous attribue un gyrocar.
Comme Henri roule des yeux, Charles le questionne à brûle-pourpoint.
— Enfin ! Buisson ne vous a fait signer aucun papier le jour de votre arrivée. ?
— Pas à ma connaissance, commissaire.
— Ah, bah. Je lui aurai volontiers tiré les oreilles, mais au vu des circonstances, vous êtes excusable. Je m’en occuperai à notre retour.
En fait, il compte bien déléguer la tâche à l’un ou l’autre des secrétaires qui butinent dans le bâtiment, et Henri n’aura plus qu’à remplir son dossier d’attribution.
— Ah, euh… Merci, commissaire, bafouille-t-il.
— Ce n’est rien. Bon, ne bougez pas de là. Je suis de retour dans cinq minutes.
*
— Salut Charles ! s’exclame une femme voluptueuse en lui claquant la bise sur les joues. Il y a bien trop longtemps que tu n’es pas venu traîner tes guêtres par ici.
— Ma p'tite Zoé, réplique-t-il en lui rendant la pareille.
— Quel bon vent t’amène dans mon antre ?
Charles s’écarte alors, dévoilant un Henri complètement éberlué.
— Salut, mon chou ! C’est bien ! Tu es moins vert que la fois où je t’ai vu, mais tu as toujours la mine déconfite. Allons ! Asseyez-vous ! Je vous apporte la carte des régals.
Tandis que la pétulante patronne du Justin Verdot s’éclipse, Charles et Henri s’installent dans le fond, à l’ombre d’une gravure d’Odilon Redon, le Passage d’une Âme.
— Vous avez fait un excellent travail. Je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher sur le contenu de ce journal, mais l’aperçu est des plus flatteurs et des plus consistants. De mon côté, je ne sais si mon hypothèse tient ou non la route et j’aimerais un avis à son sujet.
Un peu intimidé à l’idée de se confronter sur ce terrain à son supérieur, Henri acquiesce néanmoins.
— L’idée m’est venue suite à la lecture des rapports d’autopsie des deux meurtriers. Tous deux avaient le sang gorgé d’éthanol et d’un nombre invraisemblables de substances hallucinogènes. Ce faisant, j’ai remonté la piste de deux sectes : l’une américaine, la seconde japonaise, qui ont toutes deux commis de spectaculaires massacres. Mais surtout, elles avaient en commun d’avoir drogué de manière massive leurs adeptes à l’aide de substances psychotropes. Je m’interroge : est-ce qu’une semblable mouvance ne serait pas derrière ces événements tragiques ?
Henri, quelque peu dubitatif, marmonne :
— Oui, c’est une chose envisageable. Néanmoins, un point me chiffonne.
Zoé profite de l’instant pour faire une entrée fracassante :
— Alors mon gros loup, qu’as-tu choisi ?
— Ah, ma foi ! Ce sera un carabusta pour moi.
— Et toi, mon chou ? lance-t-elle à Henri, qui rougit jusqu’à la pointe des oreilles.
— Un thé de l’Empereur.
— Parfait, les enfants. Je reviens vous porter cela.
La tornade disparue, Henri poursuit :
— Le docteur Freignier a-t-il pu donner une estimation des heures de consommation ?
Charles esquisse une moue :
— Vous me posez une colle mon garçon. Je ne lui ai pas posé la question. Mais, je pense qu’il pourra vous répondre par l’affirmative. Mais pourquoi une telle question ?
— En fait…
Henri s’interrompt, pris d’un violent haut-le-cœur.
— Pardon, commissaire. Le souvenir d’une jeune femme écorchée m’est encore très pénible.
— Ce n’est rien, vous finirez par vous y faire. Vous vouliez parler de l’exécution de son travail et du soin apporté, je suppose.
Avalant une rasade de son thé, Henri hoche la tête$.
— Je n’imagine pas monsieur Carroney dépecer sa victime avec autant de délicatesse, avec de telles substances dans le sang.
— Je m’en suis également fait la réflexion hier soir. Toutefois, vous semblez oublier qu’ils étaient deux. Son complice se sera chargé de la tâche à sa place, les hallucinations auront fait le reste.
Henri pince un instant les lèvres ; rien dans le journal, malgré les apparences, ne laisse entrevoir deux personnes qui œuvrent ensemble. Au contraire, même (retire ce « même »), tout lui porte à croire que deux esprits ont cohabité) dans un même corps.
— De plus qui aurait pu écrire ce carnet, sinon un complice ?
Le journal ! Henri est comme frappé par la foudre de l’évidence :
— Pardon de sauter de l’âne au coq, commissaire. Néanmoins, ne trouvez-vous pas pour le moins curieux, étrange même, la présence de ce témoignage de première main pour ce second meurtre, alors que rien de semblable ne s’est produit pour le précédent ? D’autant que, ne le perdons pas de vue, mais le meurtrier nous explique ce qui le motive. Cependant, je partage votre avis sur ce point, il est des plus obscurs.
Oublieux du début de la conversation, Charles s’exclame :
— Nom d’une robinetterie allégorique ! Vous avez raison Bersandier. Nous avons lancé un appel à témoins le jour même, jusque-là sans succès.
Charles suspend sa phrase, hésite, puis se reprend :
— Oh ! Je n’aime pas quand ma mémoire me joue de pareils tours pendables. Hier, j’ai reçu un appel du directeur des Archives. Nous devrions avoir les premiers résultats de l’analyse du parchemin, pardon du palimpseste. Une image se cache bel et bien sous la figure peinte de la malheureuse.
Alors que Zoé réapparaît, porteuse d’un véritable festin romain, Henri se remémore son après-midi passé à lire le carnet malsain. Il se revoit, posant le journal, se saisissant de son verre pour le porter à ses lèvres, le regard tourné vers l’orchestre de jazz et son infernal saxophoniste. Son visage, comment était donc son visage ? N’était-il pas peint de noir et de blanc ?
— Tenez ! Charles, ton carabusta. Et pour ce jeune homme, un thé de l’empereur.
— Merci Zoé, s’exclament en chœur les deux hommes.
Perdu dans sa dégustation tout comme Henri, Charles oublie tous ces tracas et leur cortège de questions sans réponse.
Derrière son comptoir, Zoé lance quelques mots à une jeune femme qui vient de sortir de la cuisine.
— Non ma fille. Dommage, tu arrives un poil trop tard.
En guise de réponse, celle-ci lui adresse une moue dubitative.
— Je sais ce que tu penses et je ne peux te donner tort. Cependant, nous ne sommes personne pour en juger. Chacun a besoin de faire des erreurs pour grandir.
De dépit, la jeune femme s’en retourne dans la cuisine. Zoé ne lui a pas tout dit et l’aurait-elle fait, l’aurait-elle accepté. Hélas, il est des choses contre lesquelles on ne peut se battre, même avec l’énergie du désespoir. Ce qu’elle voit, en observant ses deux clients au fond de la salle, ne la rassure nullement. Sans doute ira-t-elle le voir ce soir ? Ou pas. Enfin, elle reporte son attention sur son service, car voici que d’autres habitués arrivent au comptoir.
— Merci pour l’invitation commissaire. J’ignorais que vous étiez si familier des lieux.
— Ah, sachez que cette ville n’a plus de mystère pour moi. J’en connais tous les recoins, même les plus obscurs et les plus secrets.
Charles s’apprête à poursuivre son récit, lorsqu’une sonnerie surgit, trublion au milieu de la conversation.
— Allô, Bréjac à l’appareil.
— …
— Vous dites ?
— …
— À quelle heure ?
— …
— Répétez ! Je vous entends très mal.
— …
— Au laboratoire… Ah, je ne savais pas.
— …
— Nous y serons dans une demi-heure.
— …
— Merci.
Pensif, Charles coupe court aux velléités de son téléphone, puis se tourne vers Henri, un large sourie sur les lèvres.
— Excellente nouvelle ! Les résultats viennent de tomber pour l’analyse du parchemin. Nous avons rendez-vous à onze heures au laboratoire AGLAE, dans les sous-sols du Louvre. Nous avons amplement le temps d’achever notre dégustation.
Henri ne peut s’empêcher d’admirer cet homme caméléon, capable de passer du rire aux larmes, du sujet le plus grave au plus léger, d’arborer un masque dur et professionnel quand il est sur le terrain, pour mieux s’en défaire quand ce dernier vient à s’effacer. Aussi, accompagnant Charles dans ses paroles, il boit par petites gorgées l’ultime tasses de son thé.
Dehors un fin crachin les attend.
— Tenez messieurs. Vous en aurez bien plus besoin que nous.
Henri se retourne, se saisissant au passage de l’objet, pour remercier la jeune personne. Seul le vide lui répond.. Inquiet, il passe la tête par la porte et demande :
— Heu… Zoé… Est-ce vous qui venez de me prêter ce parapluie ?
Roulant des yeux étonnés, elle répond tout de go :
— Non, mon chou. Sûrement un esprit bienveillant.
— Ah… merci. Nous vous le ramènerons à notre retour.
— Voyons ! Garde-le ! Il ne m’appartient pas !
— Ah !
— Et je suis sûr qu’il te plaira, ajoute-t-elle mystérieuse.
Sur ces mots, Henri sort et déploie le parapluie, sous lequel se précipite Charles qui avait trouvé refuge sous un chêne. Ainsi, d’un pas décidé prennent-ils la direction des sombres sous-sols du musée du Louvre.
— Ai-je eu tort Zoé ?
Assise devant le comptoir sur un tabouret haut perché, les bras croisés sur la planche vernie, Zoé tire sur sa cigarette.
— Tu es toujours amoureuse de lui, n’est-ce pas ?
— …
Zoé recrache sa bouffée ; du bout du doigt elle dessine d’étranges arabesques qui se mettent doucement à scintiller. Puis elle les capture au fond de son poing. Lorsqu’elle rouvre la main, seule de la fumée s’en échappe.
— Ne force pas les choses et laisse-les suivre leurs cours.
— Oui, je ne le sais que trop, murmure la voix en écho. Cependant, j’ai gravé le sceau de Tsukuyomi, le kami de la nuit. Ai-je mal agi ?
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