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tome 1, Chapitre 20 « Le Parfum de la Dame en Loire » tome 1, Chapitre 20

Quelque part dans les Ténèbres, se tapit le ver

Acerbe et solitaire, il n’est que peur et haine

Enfoui sous terre, il attend amer

Que passe à sa portée le pauvre hère

Celui qui dévore, I.P. Sceaux, 1919

Paris, 25 octobre 2014, fin d’après-midi

De retour dans son bureau devenu austère, Charles hésite. Il a la désagréable sensation d’être chez le glacier Bertillon et de ne pas savoir dans quel ordre composer sa glace. À la place de sorbets, ce sont trois documents prometteurs qui s’offrent à lui : le numéro 68 de Métal Hurlant avec en couverture la sublime guerrière de Taarna, le rapport d’autopsie de Camille et les recueils discrets du lieutenant Mersandier.

Au bout de cinq minutes, les ongles rongés, il n’arrive toujours pas à se décider. Les trois sont tous aussi tentants les uns que les autres. S’en remettre au hasard ? Non ! Il serait capable de tricher. S’en retourner vers une tierce personne et dévoiler ses petits secrets ? Hors de question ! Il tourne ainsi un long moment comme un lion en cage quand ( lui reviennent en mémoire les paroles d’un auteur, dont bien sûr il a oublié le nom depuis belle lurette. Une belle lettre, un beau roman ou même une belle composition sont pareils à un gâteau. Vous attaquez par la base, puis le fourrage et enfin, seulement, vous recouvrez de chantilly et disposez la cerise à son sommet.

À cette pensée, les images d’une forêt-noire garnie de griottes et de sa confiture grenat, puis agrémentée de sa crème neigeuse et de ses boules rouges, envahissent son esprit gourmand qui a bien du mal à garder le cap. Hélas, s’il n’a aucun doute sur sur ce qui en sera base de son mets, le fourrage et son nappage sont un terrible dilemme. Aussi, plutôt que de risquer un jugement de Salomon, il se rend à la fenêtre de son bureau, qui domine la Seine et ses quais. Sur un banc, en contrebas, il aperçoit un jeune second paniqué en compagnie de la séduisante mademoiselle Froissac. Charles ignore ce qu’il adviendra, mais les contempler ainsi lui offre un réconfort certain. Comme Henri regarde dans sa direction, il l’encourage d’un signe de la main. Il demeure plusieurs minutes penché à la fenêtre, jusqu’à ce que les deux tourtereaux s’éloignent et disparaissent en direction de la place Saint-Michel. Charles sourit, car il sait quel sera l’ordre de son gâteau : Métal Hurlant, les notes du son subordonné, Henri l’amoureux transi, et enfin le suprême rapport de Camille.

Au calme dans son bureau et peu désireux de rentrer chez lui avec tous les risques chocolatés qui l’attendent, il coupe sa liaison téléphonique. Quiconque voudra lui parler se verra opposer une fin de non-recevoir, sauf avis de décès prématuré bien sûr. Sur sa porte, il accroche un petit panneau, où l’on peut y lire la maxime suivante :

Major e longinquo y reverencia

Sous le proverbe, en illustration, un personnage habillé d’un gilet vert classe aussi vite qu’il le peut une montagne de courriers, sous l’œil inquisiteur= d’un fumeur de pipe en chemise blanche.

Satisfait, il se dirige vers sa chaîne et ouvre le mange-disque, à qui il offre en pâture un disque argenté à peine plus grand que la paume de sa main. Quelques secondes plus tard, la voix de Jammy Hagard jaillit des enceintes : Head bangers in leather Sparks fly in the dead of the night. Installé dans son fauteuil, Charles déguste son journal, qui fleure si bon ce vent de déraison et de rêve. Né au tournant des années soixante-dix, il est toujours une source d’inspiration, même après sa disparation une dizaine d’années auparavant. Comme il découvre le sommaire, il se précipite sur les aventures de John Defool. Ce dernier vient de s’échapper des griffes de l’Amok et s’enfuit en compagnie du Méta-baron et de son fils Solune. Tandis que les accents gouailleurs de Mart Mothersbaugh, chanteur du groupe Deveau, prennent place en entonnant tels les nains de Blanche-Neige, Workin' in the coal mine, Goin' on down, down, Workin' in the coal mine !

Cependant, Charles repose son journal, car il sait que l’attend une chose plus grave qu’un simple meurtre. Il se rappelle les paroles d’Henri à propos de l’esthétisme et de la minutie avec laquelle a été théâtralisée la mise à mort des victimes. Hélas, c’est un terrain bien trop glissant pour lui. Il préfère la logique et la raison pure, sentir sous ses pieds le plancher de la réalité et non le vide glacial qu’il ressent face à ces cadavres. Au fond, pourquoi s’acharne-t-il ainsi à poursuivre des faits qui ne sont que des chimères à ses yeux ? Magnifiques et terribles, mais des chimères quand même. Après tout, ne tient-il pas leurs assassins, Hans Mc Enroe et le jeune Lucien Carroney ? Morts, certes, mais tout de même coupables. Coupables ? Voilà un mot qui sonne bien singulièrement. Il pourrait tout aussi bien demander le classement des deux affaires et l’on n’en entendrait plus jamais parler. Bien sûr, il y a toutes ces étrangetés dont lui a fait part Camille, mais elles n’auraient aucune incidence sur le rendu de jugement d’un tribunal, pas plus que les notes de son jeune second.

Charles se sent gagné par une hésitation. Est-il toujours le chasseur ? Ou est-il devenu la proie ? Il se donne l’impression d’évoluer au sein d’une toile d’araignée dont il n’aurait pas conscience. Peut-être ira-t-il après sa journée trouver ce réconfort qui lui manque tant. En attendant, il repose son journal et s’empare des notes de son lieutenant. Les paroles et le temps passent, impassibles et indifférents aux brûlures qui consument son âme.

Il ne saurait mettre en doute ni ses écrits ni ses réflexions. Néanmoins la possible résurgence de crimes passionnels suivie, qui plus est, par le suicide de leurs auteurs, est une perspective qui ne le réjouit guère. Pourtant, il n’est qu’à moitié convaincu par cette conclusion trop évidente. Elle cède trop à la facilité, comme une échappatoire qui lui tendrait les bras, ou un labyrinthe avec un guide Merlin pour donner le chemin ou avec une sortie de secours figurant au milieu du parcours.

En fait, tout lui paraît bien trop banal dans un monde en paix après toutes les atrocités de la guerre. Guerre qu’il ne connaît qu’au travers des livres et des films, et dont les savants ont encore aujourd’hui d’énormes difficultés à en expliquer les conséquences actuelles. Tout comme cette anomalie criminelle que représentent les États-Français d’Amérique, héritiers des défuntes colonies anglaises d’Amérique, où des tueurs en série sévissent toujours de manière sporadique. Quelques esprits l’ont même comparé à l’émergence d’un point chaud. Néanmoins, si Charles ne s’en est jamais préoccupé, c’est que le phénomène a disparu du continent européen dans les années qui ont suivi le jour des Grandes Ombres, contrairement à Henri qui en a fait l’un des objets de sa thèse.

Pourquoi la tentation de vouloir découvrir un motif plus vaste est-elle si prégnante ? Un dessin, dont ne seraient visibles que les contours accompagnés de quelques pièces éparpillées. Henri a-t-il raison lorsqu’il parle de deux jeunes gens comme de vecteurs ou de vaisseaux d’un obscur passager ? Non ! C’est grotesque, et Charles ne se voit pas écrire dans son rapport au préfet de Police que deux jeunes criminels ont été possédés par un daïmôn. Cependant, il ne peut s’empêcher de se laisser envahir par ses souvenirs et l’épopée sanglante de la « Famille », secte fondée en 1966 par Charles Milles Branson.

À l’époque, la diminution des actes violent et de la criminalité étaient déjà patente. Mais que penser d’un homme qui, soi-disant inspiré par des chansons des Meatles où aurait été annoncé l’apocalypse noire, avait ordonné le massacre de personnes blanches ? Dans son délire, il avait demandé que soit inscrit le mot Pig sur les murs, mot par lequel les noirs extrémistes désignaient les blancs. Pourquoi ne pas v dans les affaires présentes la résurgence d’un gourou de secte millénariste ? L’hypothèse n’aurait rien d’invraisemblable au vu des derniers événements, envisagée de cette manière. Charles se réjouit, car s’il s’agit d’un être fait de chair et de sang et non un être d’ombres et de songes. Il devient possible de l’arrêter. Hélas, sa bonne humeur n’est que passagère ; rien ne relie entre eux les deux meurtriers, sauf leurs cadavres respectifs.

Comme il referme les notes d’Henri, il prend le dossier que Frédérique a préparé à son intention. Il laisse de côté les étranges séquences d’ADN ainsi que les incrustations cristallines pour mieux se pencher sur le rapport d’autopsie. D’après les analyses de Camille, la mort de madame Cotille n’est pas due à sa chute sur le pyramidion, mais à son empalement sur son armature, ainsi que le montre l’observation des lésions. Il ne donne aucune conclusion quant aux incrustations minérales ; les échantillons ont été envoyés au CEI. Des traces de mains ont été relevées sur l’ensemble du corps. Hélas, aucune empreinte n’est exploitable – Rien que Charles ne sache déjà.

Dans le rapport d’autopsie de monsieur McEnroe, il y découvre la confirmation de son suicide, bien que l’on ait retrouvé dans son sang un cocktail pour le moins inhabituel d’alcaloïdes, de même que des résidus métabolique d’éthanol. L’homme aura en effet choisi le meilleur instant pour mettre en scène sa mort. En son for intérieur, Charles ne peut s’empêcher de trouver au défunt une certaine classe, une élégance rare même. Silencieux et concentré, il poursuit sa lecture. Une note manuscrite du service des archives indique l’impossibilité d’un parchemin fait à partir de la peau de la victime. Un mois au minimum est nécessaire à sa réalisation par un maître parcheminier. Or dans son rapport, Camille note que son décès remonte au plus à deux dizaines d’heures, malgré une absence d’explications quant à la brusque décomposition du cadavre. En outre, l’analyse de la chair retrouvée sur la tête du mannequin de bois semble concordante avec celle de mademoiselle de la Rochebrune. L’assassin se sera débarrassé de la peau et aura peint sur un parchemin vierge le visage de sa proie. D’autre part le dépeçage, fort minutieux, a été effectué post mortem. Les blessures n’ont que très peu saigné, signe d’un cœur à l’arrêt. Comme la précédente victime celle-ci a eu la gorge tranchée. Cependant, Camille relève une différence ; les coupures sont plus nettes, mais réalisées à l’aide du même instrument. Une dague, selon toute vraisemblance.

Charles ignore si l’arme du crime ou si les restes de mademoiselle de la Rochebrune referont surface un jour, mais les éboueurs, les égoutiers et les brigades cynophiles sont sur leurs traces. Son meurtrier, Lucien Carroney, a été retrouvé lui aussi avec ce curieux mélange de drogues, en plus d’une quantité phénoménale d’alcool dans le sang suffisante pour enivrer un arrondissement entier. On l’a découvert la gorge tranchée à l’aide d’un écharnoir. Voilà qui conforte l’hypothèse de Charles quant à la possible existence d’une secte, car Charles Milles Branson, outre son charisme naturel, usait de drogues diverses et variées pour asseoir son pouvoir et sa volonté.

Rassuré par cette perspective même si elle est peu réjouissante, il se calme, car sitôt levé les voiles du fantasme, ne reste que la vérité crue des faits : deux meurtres abominables à un jour d’intervalle, à l’issue desquels les coupables s’en vont de vie à trépas. Il est si content que ses rêves de forêt-noire et de soirée dans un sombre bar s’évanouissent !

Le visage tourné vers son holosphère, il se met en devoir de la rédaction du rapport qu’il transmettra le lendemain au préfet de police. Il en est au milieu lorsque lui revient en mémoire un événement qu’il lui semble avoir passé sous silence. Un point qui rejoint la remarque faite par Camille au sujet de la finesse du geste. Son ami avait parlé d’éventration à propos des mutilations subies par le corps de madame Cotille. En revanche, sur le cadavre de mademoiselle de la Rochebrune, l’ouvrage paraît plus proche du travail d’un orfèvre ou d’un chirurgien plutôt que d’un ogre de barbarie. Toutefois, il n’avait pas été terminé. En effet, malgré les sections évidentes de la veine cave, du canal mésentérique, des chaînes ganglionnaires, des canaux urétraux et de la cavité péritonéale, tous les organes étaient en place. Camille avait aussi relevé un léger sillon sur le derme à hauteur de l’utérus. Il y avait donc bien eu une tentative d’éventration.

Charles en prend bonne note, car si ce motif est commun aux deux meurtres, les savoir-faire ne sont pas les mêmes, comme en témoigne le soin avec lequel les opérations ont été effectuées. Le premier, assistant conservateur, était un intellectuel peu connu pour ses réalisations manuelles, au contraire du second qui vivait dans l’atelier d’artiste du 21, rue Lesueur. Néanmoins Charles ne peut s’empêcher de frissonner, car ce modus operandi n’est pas sans lui rappeler les exploits d’un assassin qui a ensanglanté le quartier de White Chapel à Londres, entre août et novembre 1888, surnommé Jack l’Éventreur ou the Ripper en bon anglais d’Oxford. Sa légende repose à la fois sur les mutilations de ses victimes et sur le mystère de son identité encore inconnue à ce jour, malgré un nombre impressionnant de théories et d’hypothèses à son sujet.

Notre-Dame sonne huit coups lorsque Charles achève sa rédaction. Un point final et il envoie son rapport à la préfecture de même qu’au parquet de l’Empire. Satisfait, il enfile son imperméable, enfile son borsalino sur le crâne, puis sort dans une nuit de plus en plus épaisse. Ainsi vêtu, son journal Métal Hurlant sous le bras, il rentre chez lui, rue de la Butte-aux-Cailles. Une fois n’est pas coutume, il effectuera le chemin à pied ; dans les sous-sols de la Tour Pointue, sa Renault Fantômas dormira bien assez. Il préfère s’occuper des choses tangibles et non des rêves perdus dans l’éther. Il a passé l’âge de telles puérilités à moins que ce ne soit un accident qui a fait taire cet enfant qui autrefois le guidait, aujourd’hui devenu à peine un murmure audible.

*

Pendant ce temps, dans un bar qui n’ouvrira que fort tard, l’on s’agite, l’on rit ; petit à petit les lieux reprennent vie. Un homme trie ses verres et les astique, en même temps qu’il imagine déjà de nouvelles couleurs, de nouvelles saveurs. Plus loin, un oiseau dépose nappes et napperons après qu’il a passé son coup de chiffon. Puis c’est un aspirateur qui se déchaîne, suivi d’une serpillière qui métamorphose le sol en un miroir géant. Perché sur un tabouret, l’homme brasse l’air. Il nettoie ses lustres en cristal de Bohême. L’établissement a fermé ses portes il y a trois jours. Trois jours sombres, entachés d’ombres et de sang. Soudain, une voix s’écrie :

– Alexandre !

– Qu’y a-t-il Loki ?

– Te souviens-tu de la soirée où je t’avais demandé si tu allais interférer dans la destinée de cet homme désormais mort ?

– Oui, hélas. Je m’en souviens très bien.

– Et rien ne te perturbe ?

– Devrais-je l’être ?

Loki esquisse une moue désappointée.

– Aurais-tu déjà oublié ce que t’a dit l’Ombre la nuit dernière ? L’avenir…

– … ne nous appartiens plus, complète-t-il, le regard troublé.

Dans le passage des Panoramas, les boutiques sont désertes, les lumières se font rares et les gens disparaissent, ne laissant derrière eux que leurs ombres qui se mettent en procession. Dans le bar des Sombrures, envahi par le doute, Alexandre n’empêche pas l’arrivée de ces sombres silhouettes. En fait, elles répondent à son appel et, de leur fermentation, il en tirera un vin d’ombre qui, plus tard, ira vieillir dans sa cave. Paroles muettes, tout à son invocation, il n’ose formuler la pensée qui prend forme dans son esprit.

– Comment se peut-il que nous ayons su, Loki ? Impossible ! À moins que…

Il n’achève pas sa phrase et se précipite vers l’une des alcôves, celle où s’était assis feu Hans McEnro quelques jours plus tôt. Il effleure de sa paume la table et capture les plus infimes traces de son passage.

– Elle était là ! Oh, oui ! À cette table. Loki, comment as-tu deviné ?

– Le plus simplement du monde, voyons. Tout à l’heure en nettoyant les tables, j’ai senti les débris d’une obscure aura fort familière. Un vieux souvenir si tu préfères. À n’importe quelle l’époque, et plus encore aujourd’hui, un être venu de l’Onirie ne peut maintenir son intégrité physique hors de son monde, à moins de voler un sans un corps pour s’incarner, que ce soit le fruit d’une possession ou d’un sacrifice. C’est ainsi.

– Te concernant Loki, il s’agit du sacrifice du cœur du Voyageur avant qu’il ne recouvre son identité.

– Oui, Alexandre. Nous pourrions en dire tout autant pour toi avec Achronos.

Les yeux dans le vague, l’esprit perdu au milieu d’un passé trouble, Alexandre biaise :

– Je doute que, dans le cas présent, il s’agisse d’un sacrifice.

– Je partage tes pensées Alexandre. Nous l’avons tous deux aperçue ce soir-là. Hélas, je n’ai aucun souvenir d’elle. Chaque fois que je m’en approche, un mur s’érige. Je ne comprends pas.

– Tu partages sa nature, c’est ce qui t’empêche de le pénétrer. Tout comme moi, les Ténèbres ont trop longtemps envahi mon cœur, à moins que ce ne soit un mur de temps…

Alexandre passe son index sur la table, là où la Dame en Moire avait posé ses doigts fins, puis le porte à ses lèvres. D’elle, il ne reste que sa fragrance, fugitive et entêtante. De son aura, il ne demeure nulle trace à présent.

*

Murmure du soir ou caresses de soie, Henri hésite entre les deux tant ce début de nuitée, en compagnie de la charmante mademoiselle Froissac, semble le dérouter. Dire qu’il n’a jamais connu les bras d’une femme ne serait guère éloigné de la vérité. Lui, si timide et un peu naïf, il est désorienté face à une Marie-Angèle volontaire et terriblement malicieuse. Originaire de Vendée, comme son patronyme le laissait deviner, elle a quitté sa région natale suite à la tempête qui ravagea, voici plusieurs années, l’Île d’Yeu. Elle n’était alors âgée que d’une dizaine d’années.

En effet ses parents, fervents catholiques, avaient eu vent de tous ces phénomènes survenus durant l’ouragan et les témoignages des rares survivants du bac qui assurait la liaison avec le continent, n’avaient rien fait pour les tranquiliser. Au contraire, ils avaient vu la marque du diable et étaient partis précipitamment avec armes et bagages. Plutôt fuir que d’abandonner leur fille unique entre les griffes du malin. Elle avait ensuite suivi sa scolarité dans les établissements parisiens jusqu’à son bac, avant de rejoindre les Compagnons de l’Information. Une sorte de communauté plus ou moins anarchiste de journalistes et d’écrivains, qui coopéraient avec la plupart des journaux indépendants. Elle y était restée quelques années, puis elle avait trouvé une place de secrétaire au 36, quai des Orfèvres. Passionnée de photographie, elle collabore encore fréquemment avec d’anciens compagnons à l’élaboration de romans-photos.

À côté, Henri se sent pareil à un rat de bibliothèque prisonnier de sa pièce quand il entreprend de lui expliquer son sujet de thèses, portant sur les anomalies criminelles aux EFA.

– Pourquoi, affirmez-vous cela, Henri ? Vous avez des doigts de fée, minaude-t-elle pour le rassurer.

Il n’en faut pas plus pour lui qui demeure muet et se met à rougir jusqu’à la racine des cheveux.

– Ne soufflez mot, Henri. Votre sourire en dit plus long que toute autre chose, murmure-t-elle en lui déposant un baiser sur les lèvres.


Texte publié par Diogene, 11 novembre 2017 à 21h43
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