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tome 1, Chapitre 3 « Benben » tome 1, Chapitre 3

Tache écarlate au milieu du gué

Il me regarde de son sourire figé et glacé

Lui qui me nargue jusqu’à l’envi

Lui qui veut que je boive la coupe jusqu’à la lie.

Mon Autre, Sceaux, 1902. I.P.

Paris, 23 octobre 2014

Une voix d’homme surgit soudainement. À bien l’écouter, on lui devine un accent britannique, qui mâchouille de façon si caractéristique les malheureux « r » de la langue française. Les yeux encore bouffis de sommeil, Henri cherche à tâtons l’interrupteur de sa lampe de chevet. Mais sa main ne rencontre que le vide. Inquiet de ne pas toucher son meuble sur lequel elle repose, il sent la panique peu à peu le gagner.

Surpris, il se relève, les paupières entrouvertes et comprend enfin ce qu’il lui arrive . Bien sûr que non, il n’est pas dans sa chambre à Marseille, mais dans celle d’un appartement parisien presque nu, à l’exception d’un cadre de lit et de son sommier. Une main sur la figure, il se retourne pour se mettre sur le ventre et fait traîner sa main sur le parquet jusqu’à rencontrer un objet rond en col de cygne, d’où pendouille un fil. Ses doigts courent le long du cordon et une lumière vive jaillit. Au travers de ses paupières encore fermées, il peut sentir l’agression des minuscules barbules photoniques. Avec lenteur il ouvre un œil, puis l’autre. Une série de chiffres danse sur le sol : un sept, puis un trait suivi de deux formes ovales.

Henri se jette aussitôt à bas de son matelas, attrape ses affaires et s’enferme dans la douche, d’où il ressort fumant. Séché et habillé, il passe dans sa petite cuisine et met de l’eau à bouillir, tandis qu’il se prépare deux tartines. Son rendez-vous au quai des Orfèvres n’est qu’à 8h30 et il ne lui faudra guère plus d’un quart d’heure pour s’y aller, mais il préfère toujours avoir plus d’avance que nécessaire plutôt qu'être victime d'un retard intempestif. La radio diffuse en fond le bulletin d’informations. Il n’y prête guère attention, sauf lorsqu’il est question de l’atterrissage d’un module robotisé sur une comète, dont le nom lui donne envie d’éternuer. Tranquillement, il laisse méditer son sachet d’infusion, tout en regrettant un peu ce petit marchand de thé en bas de chez lui. Cependant, Paris n’est pas avare de ruelles et de passages, aussi ce serait bien le Diable s’il ne trouvait pas son bonheur. Tandis qu’il beurre ses tartines et les dégustent (déguste) dégoulinantes de miel, son regard triste balaie l’appartement vide.

– Bah, les déménageurs arrivent ce soir. Dans quelques jours il n’y paraîtra plus, se dit-il pour se rassurer.

Dans le lointain, une cloche sonne ; il est huit heures moins le quart. Il est temps de partir. Dehors, le soleil peine encore à percer la nuit mourante tant la brume matinale le corsète. C’est avec difficulté qu’Henri voit où il pose les pieds. Dans le brouillard, la bouche éclairée du métropolitain a des allures de monstre des abysses, dont la gueule béante se semble se fondre avec l’opacité ambiante. Pendant ce temps la rame file à toute allure à travers les sous-sols de la capitale, Henri essaye de se détendre autant qu’il le peut, vérifiant avec soin qu’il n’a rien oublié. Il n’a pu omettre de prendre son arme et son insigne, car elles ne lui seront remises qu’aujourd’hui. En revanche il avait laissé dans un coin son lecteur quartzique, sur lequel est stockée la majorité de sa musicothèque. Par nostalgie ou par sentimentalisme, Henri a conservé de nombreux titres sur des formats antédiluviens, galettes noires ou irisées. Chose qui ne déplaît pas à sa platine, qui s’en régale avec toujours autant de plaisir tout en lui offrant un son incomparable.

Tout à ses pensées, il faillit rater la descente à la station Châtelet les Halles. Mais au lieu de s’enfoncer dans le labyrinthe dantesque de la gare souterraine, il remonte prestement à la surface, préférant faire le reste du chemin à pied. Au loin, hurlent les sirènes d’un VMU* ou peut-être d’un VMUR* ; leurs chants sont si semblables. Devant lui, la fontaine Châtelet hiberne, ses colonnes sont aussi sèches qu’un puits de larmes dans le désert. Il s’engage courageusement sur le pont au Change, car un vent vicieux et glacial y élit domicile. Il resserre le col de son écharpe, et c’est transi de froid qu’il arrive au bas des marches du 36, quai des Orfèvres.

*****************

Devant lui le pauvre garçon, gardien de nuit de son état, peine à rassembler ses esprits. Depuis qu’ils sont arrivés – vers huit heures et demie – il ne décroche pas un mot et les seuls sons qui sortent de sa bouche ne sont que de vagues et incompréhensibles borborygmes. Pendant ce temps, une nuée de mouches se déploie autour du pyramidion et entreprend de photographier sous toutes ses coutures la macabre découverte. Au final, l’on mandate la section alpinisme du corps d’élite de la PJI*. Einstein sait comment, le meurtrier a empalé sa victime au sommet de la pyramide du Louvre, ou plutôt incrusté au vu des premières constatations. En effet, celle-ci avait été projetée de telle manière qu’il aurait pu en traverser la structure si cette dernière n'était pas aussi solide. Cependant, comme l’a relevé le légiste Camille Freignier, si tel avait été le cas, le corps aurait été pulvérisé et dispersé sur l’ensemble de la pyramide. D’autre part, d’après les images envoyées par les mouches, la force appliquée sur le corps avait dû être colossale car, par endroit, la structure en métal avait ployé. Il en saurait plus une fois ce dernier amené aux Piliers de la Râpée.

– Commissaire ! Commissaire ! s’écrie un policier, tout essoufflé de sa course.

– Oui, qu’y a-t-il ?

– L’équipe du commandant Folknor arrive. Ils vont pouvoir redescendre le cadavre.

– Parfait. Peut-être pourrons-nous l’identifier avant de la remettre, Camille.

– Je ne partage pas ton optimisme, Bréjac. Son ossature tient plus des surréalistes thaïlandais que de l’athlète de Tarente.

Sur ces entrefaites, une troupe d’une demi-douzaine d’hommes prend position en bas du monument et commence à déployer un impressionnant matériel d’escalade : ventouses, crampons gecko, gants wallsiens, brancard auto-chenille, cordages et filin en carbone. En moins de dix minutes, ils sont déjà à l’assaut de la face nord. De minuscules caméras, incrustées dans leur casque, filment leur progression à la recherche du moindre détail qui aurait pu échapper aux mouches. Avant chaque nouveau pas, chacun asperge de révélateur les losanges de verre, qui sont ensuite balayés.

– Avez-vous quelque chose ? demande le commissaire dans son oreillette.

– Rien pour le moment. La surface est vierge de toute trace étrangère. Même le sang répandu par la victime ne porte aucune empreinte suspecte.

– On ne l’a quand même pas balancé depuis un hélicoptère ou un drone !

– Impossible ! renchérit Camille, entre-temps arrivé. Je te l’ai expliqué auparavant.

– Mouais, soupire Bréjac, à demi convaincu.

En haut, les six hommes sont en manœuvre, soulevant avec la plus grande délicatesse le corps inerte.

– Doc ! On va avoir un problème, grésille une voix.

– De quel genre ?

– Du genre salissant. Compte tenu de la quantité minime de sang répandu, il est plus que vraisemblable que tout est à l’intérieur.

– Laissez-moi deviner. On l’a empalé en plein cœur.

– Ouaip, doc ! Qu’est-ce qu’on fait ? Parce que si on l’enlève comme ça, on finira par se croire au bal des vampires.

– Bon. Folknor, dites à l’un de vos hommes de redescendre. Je vais vous confier du matériel.

Au loin, Notre-Dame égrène la demie de neuf heures tandis que déboule, dans la cour du Louvre, une voiture aux couleurs criardes.

– Qu’est-ce qu’il fout là, celui-là ? Hep ! Brigadier, allez voir ce que nous veut cet oiseau de malheur de Brisson.

Incapable de retenir trop de noms à la fois, Bréjac n’en apprend que le minimum. Ce n’est pas sans de menus inconvénients, surtout si la personne ne le connaît pas. Elle est alors tout à fait en mesure de déclencher son ire, étant chatouilleux sur le sujet. Visiblement, l’interpellé appartient à cette dernière catégorie, et il faillit commettre l’irréparable quand l’un de ses collègues le coupa net dans son élan.

– Malheureux, veux-tu que Bréjac te colle un rapport pour outrage ? lui glisse-t-il.

Celui-ci saisissant l’ampleur du désastre qui se dessine dans le proche horizon s’empresse d’obéir et part s’enquérir des raisons de la visite du nouveau venu.

Derrière eux, l’équipe médicale réussit enfin à calmer le pauvre gardien retrouvé dans la matinée dans le musée, la figure pâle et défaite. Au lieu de sons inarticulés, il arrive à formuler des demi-mots.

– Commissaire ! Je crois que vous devriez venir, nous sommes prêts à recueillir le témoignage de François Duchêne.

Un léger trouble ternit le regard de Bréjac, qui se demande qui peut bien être ce Franc-Comtois.

– Merci ! Et vous ? Comment vous débrouillez-vous avec votre macchabée haut perché ?

– Oh ! Sans problème. Le matériel du doc fait merveille.

Satisfait, Bréjac part en direction de la tente médicalisée où l’équipe a retapé le jeune gardien. À l’intérieur, un homme d’une vingtaine d’années est assis sur un lit de campagne, rustique, néanmoins très confortable. À sa droite, un médecin femme lui prend la tension.

– Allez-y commissaire. Vous pouvez l’interroger. Vous ne voyez aucun inconvénient à ce que je reste auprès de lui ?

– Non, non. Je préfère autant, je n’ai pas envie de me retrouver avec…

Le mot lui brûle les lèvres tant il répugne à utiliser ce genre de vocabulaire.

*****************

Un peu mal à l’aise, Henri sort de la voiture d’Alphonse Brisson. Autour de lui, une dizaine de véhicules bariolés – bleu, blanc et rouge de la PJI, bleu et blanc des hôpitaux parisiens et même un fourgon noir de la section spéciale. Sur la face nord de la pyramide, une demi-douzaine de sombres silhouettes descendent avec moult précautions un grand sac anthracite ; sans aucun doute le corps de la victime. En bas, quelqu’un les guide. À sa droite, un homme à la carrure d’ours disparaît dans une tente barrée d’une croix rouge.

– Ah, tiens ! Bréjac !

– Pardon ? demande Henri à celui qui est à côté de lui.

– Je disais que l’homme que vous avez vu entrer dans la tente était le commissaire Bréjac. Mais laissons-le là pour le moment. Je vais vous présenter à vos futurs collègues.

Hélas pour Henri, tout le monde est bien trop occupé et affairé pour avoir le temps de lui accorder la moindre attention. Et cela alla de mal en pis, Brisson ayant la fâcheuse tendance à s’immiscer n’importe où, jusqu’à ce qu’un officier les mette cordialement dehors. « Ordre du commissaire » déclare-t-il, en jetant un regard torve à Brisson qui n'échappe pas à Henri.

– Mon garçon, je crois que vous aviez raison. Ah ! Pardon de ma maladresse. Allons, ne faites pas cette tête ! Vous avez déjeuné ce matin ?

– Un peu, comme d’habitude quoi.

– Parfait. Je vous emmène dans une brasserie dont vous me direz des nouvelles.

– Où est-elle ?

– Oh ! Pas très loin d’ici. Elle se trouve rue Coq-Héron, Justin Verdot.

– Pardon !?!

– Elle s’appelle chez Justin Verdot.

Dubitatif, Henri le regarde et se demande ce que l’on pouvait bien servir dans un pareil établissement. Mais Alphonse lui fait signe de remonter dans sa voiture décorée de fleurs pétulantes aux couleurs délirantes. Henri prend place et quitte aussitôt la cour du Louvre où repose l'énigmatique cadavre. Un quart d’heure plus tard, ils sont garés dans un parking souterrain. À la surface, Alphonse joue le guide et entraîne son jeune compagnon dans un lassis de rues aussi mystérieuses qu’intemporelles – des ruelles étroites étrangement préservées des élans modernisateurs. Henri se sent presque revenu plusieurs siècles en arrière ; c’est presque s’il s’attend à découvrir un camelot ou un bateleur.

– Venez Henri, ce n’est plus très loin, commente Alphonse en lui désignant une allée, dans laquelle il s’engouffre.

Ce dernier le suit, admiratif de la décoration des échoppes qui pullulent dans la rue : gargote servant une cuisine centrafricaine, tailleur de pierre, atelier de tapissier, rendez-vous d’artistes marginaux, et ainsi de suite. Au bout de quelques dizaines de mètres, Alphonse s’arrête devant une brasserie, dont la plaque suspendue est illustrée par un homme rondouillard, les joues bien roses, en train de commander sa tournée à une tavernière aux grands yeux.

– Bonjour Zoé. Mets-nous deux cafés du jour, s’exclame Alphonse en pénétrant dans l’antre.

– Bien le bonjour. Dis donc, c’est qui le p'tit nouveau que tu caches derrière toi ?

– Lui ? C’est Henri Mersandier. Il va faire équipe avec Charles. Henri, je te présente Zoé, patronne du Justin Verdot.

– Avec Bréjac ? Pfiou ! siffle-t-elle d’admiration. Tu dois être une sacrée pointure si on t’a collé direct avec lui.

Henri se sent rougir jusqu’à la racine des cheveux avant de rouler des yeux étonnés.

– Allons Zoé ! Tu vois bien que tu mets mal à l’aise ce garçon.

– Tu as raison. Allez vous installer, le temps que je vous prépare le petit déj'.

Henri ne se fait pas prier et suit son compagnon jusqu’à une table au fond de la salle. Là, il en profite pour examiner tout à loisir les lieux ; des murs en plâtre aux couleurs défraîchies, un comptoir fatigué qui avait dû recevoir son lot de piliers de bars, quelques tableaux d’illustres peintres inconnus qui pendent çà et là. L’un d’entre eux attire tout particulièrement son attention. Non pour son sujet – une nature morte représentant des tournesols dans un vase –, mais pour la violence des émotions qui s’en dégage. Au plafond, des appliques discrètes sommeillent dans des endroits stratégiques.

– Navré d’être tombé aussi mal. Je voulais profiter de votre présence pour vous introduire auprès de Charles, en attendant votre prise de fonction officielle qui ne sera effective que demain. Bah, j’espère que vous n’en prendrez pas ombrage.

– Bien sûr que non. Vous l’avez dit vous-même, j’ai joué de malchance. Les assassinats ne courent plus les rues ; pas un seul n’a été commis depuis que j’ai intégré les brigades Marseillaises.

– C’est juste. À Paris et en y incluant l’ensemble des villes périphériques, nous ne faisons état que de deux meurtres sur ces trois dernières années. Alors, pensez-vous, un homicide en plein cœur de la Capitale ! Il ne reste qu’un seul homme dans la région encore capable et volontaire pour s’y coller, et il s’est précipité.

– Qu'entendez-vous par là ?

– Bréjac est l’unique de son espèce. Le seul que les cadavres d’une victime de violence et de sévices ne rebutent pas.

Frappé par cette remarque, Henri se met à songer que de toute sa promotion, il a toujours été le seul attiré par cette face sombre de l’humanité et à avoir dévoré l’intégralité des Mystères de Paris passés d’Eugène Sue, présents de Léo Malet et futurs de Roland C. Wagner.

– Je commence à comprendre pourquoi l’on m’a affecté au service du commissaire Bréjac, murmure-t-il pour lui-même.

– Vous avez dit quelque chose ?

– Non, non, rien. Je pensais tout haut.

Brisson ne peut rien ajouter, car Zoé arrive, porteuse de deux plantureux plateaux en contraste total avec sa taille de guêpe.

– Voilà messieurs ! Régalez-vous !

– Merci Zoé ! lance Alphonse en s’attaquant à un œuf à la robe dorée.

Au regard de la frugalité de ses propres repas, Henri se demande si son estomac sera assez vaste pour tout contenir. Non qu’il ait un appétit d’oiseau, mais ce plateau suffirait largement à le combler pour au moins deux déjeuner.

– Vous avez de la chance mon garçon.

– Pourquoi donc ?

– Hé bien, Vous n’êtes pas arrivés depuis deux jours et il y a déjà de l’animation. Vous savez, hormis la petite délinquance et les détournements de cols blancs mal attentionnés, des événements semblables sont rarissimes. Enfin… mais dites-moi, pardonnez-moi si je suis trop curieux, pourquoi avoir demandé votre mutation pour la capitale ?

– C’est fort simple : j’ai soutenu une thèse de psychopathologie criminelle, et c’est à Paris que se trouve le siège de la police judiciaire. Je réalise en quelque sorte mon rêve.

– Ma foi, vous êtes un oiseau rare. Je ne doute pas un seul instant que Charles sera ravi de vous avoir avec lui. Vous verrez, il est un peu bourru, mais ce n’est qu’une façade. Parfois, il fera preuve d'excentricité, mais ne lui en tenez pas rigueur. Il est ainsi depuis qu’il a perdu sa femme sept ans plus tôt, Dans un accident de voiture à la Place Denfert-Rochereau. Un véhicule a dérapé sur une plaque de verglas et l’a fauchée sur le trottoir.

– Oh…

Gêné, Henri repose sa fourchette.

– Restez simplement discret sur ce sujet. Il finira par vous en parler de lui-même. Soyez honnête avec lui, même si cela doit le blesser. Rien n’a plus de valeur à ses yeux que la sincérité.

Ils poursuivent leur échange jusqu’à ce que le téléphone de poche d’Henri se mette à vibrer bruyamment. Laissant en suspens la conversation, il jette un coup d'oeil rapide à l'écran qui scintille.

– Un problème ?

– Non, plutôt un contretemps. La société de déménagement vient de m’envoyer un message pour me prévenir que mes affaires arriveront avec trois heures d’avance, à quinze heures cet après-midi.

– Rassurez-vous, je vous excuserai auprès de vos futurs collègues. Et puis, vous ne prenez vos fonctions que demain, une chance.

– Quelle heure est-il ?

– Onze heures et demie, mon chou ! s’exclame Zoé.

Rougissant de plus belle, Brisson ne peut retenir un petit rire.

– Ah, ah, ah ! Ce n’est rien mon garçon. Zoé dit ça à tout le monde. Ce n’est qu’un genre qu’elle se donne.

– Parle pour toi, vieux briscard ! lance une voix de derrière le comptoir. Prends garde, je vise encore très bien !

Pour toute réponse, Alphonse se retourne pour lui adresser un clin d’œil :

– Tu mettras ça sur ma note !

– Pas de souci mon chou. Seulement, n'omet pas de régler ton ardoise en partant. Elle ressemble au tableau d’un maître d’école. Galopin, va !

Une heure passe, puis une autre, sans qu’aucun d’eux ne se lève. Soudain, une cloche sonne deux coups. D’un sursaut, Henri sort de la conversation et s’écrie :

– Bon sang ! À parler ainsi à bâtons rompus, j’ai bien failli oublier. Je m’excuse Alphonse, mais j’ai quelques affaires à réceptionner.

– Ce n’est rien. Je vous raccompagne jusqu’à la station du métropolitain, comme vous n’êtes pas encore familier du quartier.

– Merci.

Suivi d’Henri, Brisson se lève et s’en va régler sa petite note avant de sortir. Devant le palais du Louvre, le jeune homme s’engouffre dans la bouche affleurante tandis que son compagnon lui promet de porter le message à Bréjac.

Dans la cour, des équipes s’agitent toujours, mais les principaux protagonistes sont presque tous partis.

Dans la rame qui l’emmène vers la station de Port-Royal, Henri se laisse aller à la joie et à l’excitation. Depuis qu’il est entré dans la police criminelle à Marseille, jamais il n’a été confronté à une affaire de cette envergure et à peine débarqué à Paris que se profile cette ombre qui l'a toujours fasciné. Bien sûr, ce n’est ni charitable ni moral vis-à-vis de la victime, mais qu’importe. Arrivé à sa station, il prend l’hydrobus en direction de la Place Monge. Certes, il n’a pas revu mademoiselle Froissac et ses yeux délicieux aux reflets de miel ; cependant, la journée est déjà riche en événements et il lui tarde de se mettre à pied d’œuvre.

*VMU : Véhicule Motorisé d’Urgence

*VMUR : Véhicule Motorisé d’Urgence et de Réanimation

*PJI : Police Judiciaire Impériale


Texte publié par Diogene, 23 novembre 2016 à 21h54
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