- Jour de l'Eau -

Hier, j'ai dû interrompre mon récit en cours une nouvelle fois car Mère m'a fait appeler à l'heure du thé afin de vérifier que je connaissais bien mes leçons, puis Père m'a fait quérir pour une leçon d'escrime durant laquelle j'ai pu m'entrainer avec Astéisme. Ce n'est pas que cela m'ait déplu, bien au contraire, mais il est décidément bien difficile d'entreprendre quoique ce soit d'un peu sérieux sans être interrompu durant la journée. Et je n'ai pas davantage de temps le soir car j'y suis astreint à des heures de coucher précoces.

Reprenons : J'ai donc tiré deux sk'vaders. Astéisme m'a félicité : il m'a dit que c'est une bonne prise, surtout pour une première sortie. Il m'a montré comment les prendre par leurs oreilles d'une main en repliant leurs ailes de l'autre pour les rentrer dans mes fontes. Leur plumage et leur fourrure étaient très doux et leurs petits corps encore tous chauds. Cela m'a un peu troublé car c'était la première fois que je tuais un animal. Qui plus est, ceux-ci étaient fort semblables à un jouet que j'affectionnais beaucoup lorsque j'étais plus jeune. Mais maintenant, il n'est plus question de cela, bien sûr. Je ne suis plus un jeune enfant.

Astéisme, quant à lui, a tué un y'le d'un seul trait entre les deux yeux, et Père en a fléché deux en plein cœur, dont un grand mâle qui l'a chargé en pointant vers lui ses cornes impressionnantes. Il a même réussi à prendre un renard des ombres, alors qu'il s'agit de la bête la plus difficile à atteindre tant elle est rapide et discrète. J'ignorais qu'il fut si habile chasseur. J'aurais aimé qu'il me donne lui-même quelques conseils mais je suppose qu'il me faudra pour cela attendre d'être digne de les recevoir.

Quoiqu'il en soit, cette partie de chasse m'a permis de découvrir nombre de choses que j'ignorais jusque là : je n'avais en effet jamais vu en vrai tout ce gibier que nous avons tué. Je ne le connaissais que par les gravures de mes livres, les tableaux et les jouets les représentant. J'imaginais les y'le un peu plus grands, par exemple, et je dois dire que la façon qu'ils ont d'orienter leurs cornes dans la direction qui leur sied est très impressionnante. J'ai cru un instant que Père allait être embroché par celui qui l'a chargé. Quant aux sk'valer, je me les représentais plus petits, au contraire. Il faut dire qu'une fois mort, leur corps s'étend totalement, tandis que d'ordinaire ils se tiennent plutôt tassés lorsqu'ils ne sont pas en vol. Et leur courte queue forme un pompon moins dense que je n'aurais cru.

Je dois à présent poser ma plume car j'ai achevé ce récit en cachette, alors que je suis censé dormir. Si je m'attarde trop, je cours le risque d'être pris et corrigé.