Veux-tu, veux-tu
Au grand arbre me trouver
Là où ils ont lynché leur fameux meurtrier
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
À minuit, te voir, à l'arbre du pendu.
Veux-tu, veux-tu
Au grand arbre me trouver
Là où la mort a hurlé à sa belle de filer
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
À minuit, te voir, à l'arbre du pendu.
Veux-tu, veux-tu
Au grand arbre me trouver
Pour qu'on puisse partir libre comme je te l'ai demandé
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
À minuit, te voir, à l'arbre du pendu.
...
Un homme qui crie avant que ses bourreaux ne lâchent la corde. 'Fuyez !' Un chien qui hurle au loin comme un écho du hurlement de désespoir qui retentit. La voix d'une femme qui hurle encore et encore, sourde aux appels de ses soeurs, sourde à la raison.
...
— Kate ?
Un appel lointain, des sourires qui fleurissent autour du garçon qui a crié. Une fillette qui se retourne avec un air rayonnant.
— Willy ?
Le garçon qui la rejoint et qui ébouriffe ses cheveux, gêné. Kate qui rit de sa gêne, pas compatissante pour un sou. La question sort d'une traite sous les yeux attendris des adultes qui les entourent.
— Tu veux aller au grand arbre avec moi ?
Les yeux de la fillette s'arrondissent de surprise sous le sourire fleurissant du garçon.
— L'arbre des pendus ?
Il hoche la tête et Kate sautille d'excitation.
— Oui ! On y va maintenant ?
Le garçon rit et lui prend la main pour l'emmener sur la colline à la limite du village. La fillette se laisse contaminer par le rire de l'enfant et court derrière lui en riant de bonheur.
Elle oublie un moment les chaussures pointues des femmes de sa famille pour ne devenir que la petite fille joyeuse que voit son ami en elle.
...
— Willy, attends-moi !
— Accélère Kate ! réplique-t-il en riant.
Une petite fille, qui doit avoir une dizaine d'année à présent, court rattraper son ami, un air grave qui se reflète dans ses grands yeux bleus. Elle prend la main du petit garçon et l'emmène vers l'arbre des pendus en courant. Lorsqu'ils y arrivent, elle se laisse tomber par terre et ramène ses genoux contre sa poitrine.
— Willy ? Qu'est-ce que tu penses des sorcières ?
La question est sortie très vite sous le regard étonné de son ami. Puis il s'assoit à côté d'elle et hausse les épaules.
— Papa pense qu'elles n'existent pas et sont des contes de bonnes femmes. Maman dit qu'il est naïf et que les sorcières sont des vilaines femmes qui peuvent maudire les gens.
— Et toi ?
— Je ne sais pas trop, maman doit avoir raison, j'en ai entendu d'autres gens qui disaient pareil.
Kate se renfrogne et fait une grimace. Willy la considère avec surprise alors qu'elle reprend son interrogatoire.
— Tu penses qu'elles sont maléfiques ?
— Si elles ne le sont pas alors à quoi servent leurs pouvoirs ?
— A guérir ou à se défendre, j'en sais rien moi !
Willy s'abime dans ses pensées sous le regard inquiet de Kate. Elle redresse la tête avec une grimace.
— Maman avait raison...
Elle se lève et court vers le village avec un signe d'adieu.
— Je dois y aller ! A plus tard !
Will la regarde courir avec des yeux pensifs. Il ne comprend pas le pourquoi de ces questions. En est-elle une ?
...
— Willy ?
Un appel, tout proche, d'une voix grave qui pourrait être inquiétante si elle ne le séduisait pas autant.
— Kate ?
Un sourire mutin joue sur les lèvres de la ravissante jeune fille blonde. Pourtant son assurance se fissure un instant sous le regard vert de son ami et elle se mord la lèvre, hésitante.
— Kate ?
Il insiste, lui aussi a un sourire. Il sait ce qu'elle veut lui dire mais veut la laisser faire le premier pas. Elle songe un instant à le maudire mais se ravise aussitôt. Elle a des chaussures pointues.
— Tu me rejoindras à l'arbre des pendus ce soir ?
La question est enfin sortie mais elle n'ose pas regarder le regarder, craignant un refus. Il éclate de rire et elle rentre sa tête dans ses épaules. Elle aurait dû se douter que jamais il n'accepterait de la rejoindre, ils avaient beau être amis elle avait les chaussures pointues. Elle aurait dû s'en douter. Elle se commença à se détourner en secouant la tête.
— Oublie ce que je t'ai demandé, c'est pas grave.
Il lui prit le menton avant qu'elle ne puisse se détourner complètement et lui offrit un sourire éblouissant.
— Bien sûr que je vais te rejoindre ce soir.
Elle rougit de se retrouver si proche du garçon et posa ses mains sur ses joues, tentant de dissimuler sa rougeur. Elle recula d'un pas et lui offrit un beau sourire avant de se détourner.
— A ce soir alors.
...
La jeune femme tournoit dans la robe que sa mère et ses soeur ont fabriqué pour elle. Son sourire est rayonnant et ses yeux étincelants, elle a oublié son anxiété précédente. Ses cheveux sont joliment relevés en un chignon torsadé autour de sa tête et sa robe possède une modeste traîne que les autres femmes disent digne d'une reine. Après tout, n'est-elle pas la reine du jour ? Et n'est-elle sa reine à lui ? Elle le deviendra en tous les cas officiellement et ce pour la fin de leur vie avant le coucher du soleil.
Une de ses cousines vient lui prendre les mains qu'elle n'a pas conscience de tordre et lui remet une petite mèche derrière l'oreille.
— Comment a-t-il pris ta révélation Kate ?
— Plutôt bien, il a dit qu'il s'en doutait un peu.
Et que les sorcières étaient des femmes ayant le pouvoir d'aider les gens, pareilles aux fées des légendes. Mais ça elle ne leur dira pas, c'est une précision qu'elle garde au chaud près de son cœur. Car cela signifie qu'il l'accepte entièrement.
— Tu n'as aucune raison de te tordre les mains à les casser ma chérie, intervient sa mère. Votre amour est flagrant et tout le monde s'accorde pour dire que vous n'avez que trop tardé à vous marier.
Kate éclate de rire sous l'étonnement. Que trop tardé ? Ils avaient été fiancés seulement six mois alors que certains restent plus de trois ans ainsi. Mais c'est vrai que tous ont dit 'enfin' quand ils se sont déclarés.
Une petite brunette sort de la petite église et bat des mains en sautillant sous le regard attendri des femmes rassemblées.
— Tout le monde est prêt ! Willy est devant le curé et tout le monde attend Kate !
Une fois son rapport fini elle contemple la robe de sa grande cousine avec des étoiles dans les yeux.
— Un jour j'aurais la même robe que toi !
— Je n'en doute pas Mary. En attendant tu veux bien me guider jusque Willy ?
— Ouiii !
La jolie fillette prend la main de la ravissante jeune femme et la guide avec enthousiasme dès que toutes les femmes de leur famille ont passé la porte de l'église. Elles entrent donc et Kate tente de sourire sincèrement malgré les regards scrutateurs fixés sur elle. Puis elle croise le regard éblouit de Willy et toute appréhension la quitte. Lorsqu'il lui prend la main et qu'ils se tournent ensemble vers le curé, elle sait. Elle est à sa place.
...
— Willy ?
Celui-ci ferme la porte de leur petite maison et sourit à sa femme qui vient d'entrer dans la pièce à vivre.
— Kate, tu es rayonnante.
Et c'est vrai. On ne voyait plus ses cernes et elle avait l'air de s'être rétablie, même si elle avait encore vomi ce matin. Son sourire pourtant était un rien anxieux, il le nota inconsciemment, attentif à tout ce qui concerne sa Kate.
— J'ai quelque chose à t'annoncer.
Elle tente de faire un sourire mais elle se tord les mains - comme à chaque fois qu'elle est nerveuse. Dans un geste tendre et habituel, il lui prend les mains, les masse avec ses pouces et l'embrasse tendrement.
— Qu'y a-t-il ma chérie ?
Kate lui sourit timidement, ce qui aiguise sa curiosité. Sa petite sorcière n'est pas timide d'ordinaire.
— Nous allons avoir un enfant.
Si le choc lui enlève ses capacités de réflexions pendant une seconde, un large sourire vient bientôt prendre place sur ses lèvres et il la prend dans ses bras pour l'embrasser à perdre haleine. Elle s'accroche à lui en riant contre ses lèvres, heureuse comme jamais elle ne l'avait encore été. Un enfant était tout ce qu'elle avait un jour demandé pour que son bonheur soit plus infini encore que depuis son mariage.
...
Un homme qui crie avant que ses bourreaux ne lâchent la corde. 'Fuyez !' Un chien qui hurle au loin comme un écho du hurlement de désespoir qui retentit. La voix d'une femme qui hurle encore et encore, sourde aux appels de ses soeurs, sourde à la raison. Puis un cri plaintif qui vient se frayer un chemin jusqu'à l'oreille de la femme. Son enfant. Son enfant pleure, il faut qu'elle le protège, elle ne peut pas le perdre comme elle a perdu son mari. Alors elle obéit à la dernière injonction de son mari et fuit, fuit avec sa famille, avec son clan. Les sorcières fuient le petit village qui les avait accueillit pendant plus de cinquante ans pour ne plus revenir.
Sauf une.
C'est une jeune veuve qui revient quelques semaines plus tard sous le coup de la vengeance. Elle, que l'on disait charmante, rayonnante, et tellement amoureuse de son ami d'enfance. Elle, assez aimée pour que tout le village fête et son mariage et la naissance de sa petite fille. Elle, dont feu le mari était tout aussi apprécié. Un mari qu'ils n'avaient pas hésité à pendre parce qu'il avait épousé une sorcière et qu'il l'avait défendu.
Ivre de rage, à la recherche d'une justice qu'elle n'obtiendra que par elle-même, Kate lance sa malédiction sur le village. Elle a la réputation d'être une sorcière blanche mais sa magnanimité a des limites, atteintes et largement dépassées. A vrai dire les vraies sorcières blanches n'ont pas le pouvoir de lancer des malédictions, seules les grises et les noires l'ont. Or Kate est justement une grise, même si ce fut l'unique fois où elle utilisa un pouvoir maléfique.
...
Trois ans plus tard le village est déserté, maudit, et l'histoire du pendu et de sa femme intégrée à la chanson de l'arbre des pendus.
Trois ans, exactement la durée du mariage de Kate et Willy.
Les responsables sont morts mystérieusement et les survivants ont fuit avec les enfants.
Willy est vengé et Kate apaisée. Elle peut se concentrer sur l'éducation de sa petite Emily.
Le jour où la chanson arrive à son oreille, Emily a dix ans. Alors Kate lui dit que c'était une partie de l'histoire seulement et Emily comprit. Car la mort de Willy n'a pas seulement révélé la magie grise de Kate, elle a aussi décidé de la noire nature d'Emily. Les sorcières n'oublient jamais après tout, même bébés.
...
Rappel constant de l'histoire tragique, l'arbre du pendu se dresse encore sur la colline, surplombant les ruines du village.
Arbre de rencontre et de rupture, de joie et de tristesse. Arbre où s'est construit l'histoire et où elle s'est tragiquement finie. Arbre aimé et haït où revient chaque année une femme vieillissant avec les années passant et où elle s'est éteint paisiblement.
Un an après la douce mort de Kate, une belle jeune femme blonde aux yeux verts parvint jusqu'à l'arbre et contempla longuement les deux silhouettes enlacées à son pied. Une jeune femme blonde aux yeux bleus et un jeune homme blond aux yeux vert. Ils riaient, heureux de s'être retrouvés dans la mort et de ne jamais se quitter.
Plus tard, Emily s'assoit au pied de la colline, dos à l'arbre, et contemple le coucher du soleil en goûtant aux rires de sa mère devenus si rares avec l'âge et à ceux d'un père inconnu mais aimé.
Dans l'atmosphère paisible qui régnait, une certitude s'ancra en elle. Un jour elle les rejoindrait au pied de cet arbre et ils formeraient enfin la famille qu'ils n'avaient jamais pu être.
...
Veux-tu, veux-tu,
Au grand arbre me trouver
Le collier de l'espoir, tu portes à mes côtés
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
À minuit, te voir, à l'arbre du pendu.
Veux-tu, veux-tu
Au grand arbre me trouver
Là où ils ont lynché leur fameux meurtrier
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
A minuit te voir à l'arbre du pendu.
Veux-tu, veux-tu
Au grand arbre me trouver
Là où la mort a hurlé à sa belle de filer
Des choses étranges s'y sont vues
Moi j'aurais aimé
À minuit, te voir, à l'arbre du pendu.
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