«

Ils avaient laissé les deux adolescents dans la cuisine. L’heure était venue de partir. Catherine les raccompagnait jusqu’à la porte, les mains dans les poches arrière de son pyjama. Son frère et son neveu se disputaient encore à voix basse derrière elle :

« Arrête un peu, Papa.

— Ne dis pas Papa sur ce ton-là.

— Et sur quel ton tu voudrais que je le dise ?

— Vous avez bientôt fini ? demanda-t-elle avec reproche. Les deux gosses ont failli y rester et tout ce que vous trouver à faire c’est de vous bouffer la face ? »

Tous deux baissèrent la tête. Gab’ les coupa, comme s’il savait instinctivement que détourner la conversation était le meilleur moyen de les calmer.

« Pardon, mais il y a une chose que je ne comprends toujours pas dans cette histoire. Puisque Dan a toujours été protégé, comment se fait il que Kana l’ait trouvé aussi facilement ? Je veux dire, rien n’a particulièrement changé ? Pourquoi maintenant ? »

Catherine était aussi inquiète. Que se passerait-il si elle n’était pas capable de protéger les deux garçons ?

« Au contraire, répondit Tom aussi bas que possible, quelque chose a bel et bien changé et ce quelque chose c’est Alex. Crois-tu réellement que ce soit une coïncidence si l’attaque a eu lieu pendant qu’ils étaient seuls ensemble ? Non, ça me semble un peu gros.

— Tu es en train d’accuser Alex ? bondit Gab’.

— Oh non, lui n’y est pour rien. Ma théorie est la suivante. Alex était marqué, depuis sa naissance. Parce qu’iel savait que ces deux là se rencontreraient.

— Est-ce que c’est seulement possible ?

— Avec le sang d’Armstrong ? Certainement oui. Et nous savons maintenant qu’iel le possédait en partie. Mais la marque a disparu dès le moment où la louve l’a touché.

— J’imagine donc que tu as un plan ? déclara son père.

— Tu ne devrais pas être avec ta femme toi ?

— Je ne partirai tant que je ne serai pas sûr que tout ira bien.

— T’inquiètes. On va s’en occuper, décida Catherine, toi retourne à tes vacances. Tu en as besoin. À nous trois ce sera suffisant. »

Tom avait probablement une idée qui ne lui plairait pas et lui-même le savait. Le souci était qu’il ne pouvait pas constamment prendre sur ses épaules tous les problèmes de la famille. Des fourmis lui parcoururent l’échine, avant qu’un nouveau portail lumineux s’entrouvre et avale complètement son frère, le renvoyant d’où il venait.

Elle se retourna vers les deux autres :

« Quel est le plan ?

— Garde un œil sur les gamins. Il faut être sûr qu’ils ne gardent aucune séquelle et aucune trace de ce qui leur est arrivé. Kana les connaît à présent. Il les a vus et eux l’ont vu aussi. Mais malgré sa capacité à voyager entre les dimensions, sa vision reste limitée. Ce qui veut dire qu’iel doit être encore en train de les chercher, en traçant le souvenir de ce qui leur est arrivé encore vif dans leurs têtes. Cela les rend extrêmement vulnérables. C’est comme s’ils émettaient en permanence un gigantesque signal, comme une cible au-dessus d’eux. Pour l’instant, il n’y a pas vraiment de solution, à part brouiller les pistes en faisant plus de bruit qu’eux. Tu vas les garder à l’abri, être sûre qu’ils passent à autre chose, tu es meilleure que moi pour les relations humaines. Je m’en vais avec Gab’ faire beaucoup, beaucoup de bruit. Iel sera trop occupé à être après nous pour se lancer après les gamins. C’est ça le plan.

— Tu te rends compte que si tu es seul rien en te protégera ?

— Je ne suis pas seul. Et je sais ce que je fais. N’aie pas peur, je n’ai aucune intention d’y rester et je connais tous les points faibles de notre vampire solitaire. »

Gab’ lui adressa un faible sourire.

« Je vais le surveiller. Promis.

— C’est donc réglé. »

Catherine embrassa une dernière fois son étrange neveu devant la porte et le regarda partir dans la nuit noire. Il était aussi joyeux et insouciant que s’il s’en allait retrouver des amis, ou manger des glaces au coin de la rue. Elle l’entendait chantonner.

Et bien ?

Je ne comprends pas bien ce que tu attends de moi.

Rien ne te choque ? Le texte devrait parler de lui-même.

Oui, mais ce n’est pas vrai, c’est une histoire. Pierre n’a pas d’enfants, Dany et Thomas n'existent pas, rien de tout ça n’est arrivé.

Et ?

Qu’est-ce que tu attends de moi à la fin ? Et mon nom n’est pas

Tu as beaucoup de noms et aucun n’a d’importance. Tu sais qui peut arriver maintenant. C'est tout.

Ce n’est pas réel, c’est dans ma tête. Toi aussi tu es dans ma tête.

Si c’est vrai alors explique-moi comment je peux t’envoyer ces mails ?